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Pascal Le Brun, nouveau président du Cniel : « Nous avons toutes les raisons d’y croire »

Pascal Le Brun, éleveur normand à la tête de 140 holsteins pour 1,2 Ml, de 2400 m² en volailles de chair, de 90 taurillons vendus par an et de 152 ha dont 65 ha de maïs et 47 ha de céréales, président de la branche lait du groupe coopératif Agrial, président de la Coopération laitière et, depuis le 4 juillet, président du Cniel.

Après une semaine de tensions entre producteurs et transformateurs, Pascal Le Brun a été élu président de l’interprofession laitière le 4 juillet. Ses premiers chantiers sont la révision des statuts du Cniel et le déblocage de l’épineux indicateur beurre-poudre, qui rentre dans le calcul des prix du lait.

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Pourquoi avez-vous postulé à la présidence du Cniel ?

P. L.B. : En cinquante ans, elle n’a quasi jamais été tenue par un représentant des transformateurs. Il était temps qu’elle le soit. Je crois surtout en l’avenir de la filière laitière malgré les obstacles qui se dressent devant elle. La collecte française baisse. Les producteurs et les transformateurs sont confrontés à un manque de main-d’œuvre salariée dans leur exploitation et leurs usines. Ils doivent décarboner leur mode de production. Je refuse cette vision décliniste. Nous devons conserver notre souveraineté alimentaire via nos territoires et continuer d’exporter. À nous de défendre nos produits laitiers auprès des consommateurs et des pouvoirs publics. À nous aussi d’investir dans l’innovation. Je pense en particulier aux protéines laitières mal valorisées aujourd’hui. Nous avons besoin de toutes les entreprises généralistes et spécialisées dans les PGC.

En tant que représentant des coopératives, serez-vous au Cniel celui des producteurs ou des industriels ?

P. L.B. :Lorsque l’on est président du Cniel, on représente l’ensemble des collèges. Il ne faut pas confondre les rôles. Je suis effectivement président de la branche lait d’Agrial et de la Coopération laitière. Je suis également producteur de lait. Je saurai préciser avec quelle casquette je m’exprime. Je sais d’où je viens. Être éleveur laitier a été un véritable choix il y a trente ans car mes parents n’étaient pas agriculteurs. Je me suis engagé dans la coopération pour l’intérêt des producteurs au travers d’outils collectifs.

Quelles sont les actions prioritaires à mener ?

P. L.B. : Dans l’année à venir, les statuts du Cniel seront révisés pour clarifier les règles de la présidence tournante entre les producteurs et les transformateurs. L’objectif est d’éviter les tensions que nous avons connues fin juin pour l’élection d’une nouvelle présidence. Marie-Andrée Luherne, vice-présidente de la FNPL, postulait également, ce qui traduit d’ailleurs la vitalité du Cniel. Cette révision sera entérinée par une assemblée générale extraordinaire en juin 2025 et donnera lieu à une nouvelle élection du bureau et de la présidence du Cniel. J’ai bien conscience que ce calendrier sème la confusion dans les esprits. Mon mandat est de trois ans, avec cette réélection en juin prochain. D’ici là, je travaillerai avec Marie-Andrée Luherne pour qui un poste de présidente déléguée a été créé et à qui des missions sont confiées : attractivité de la filière, renouvellement des exploitations laitières, place des femmes, etc. Ce n’est pas une coprésidence. Nous travaillerons ensemble efficacement pour l’intérêt de la filière.

Les producteurs ne sont plus d’accord pour assumer 73 % du budget du Cniel. Quels compromis vous semblent-ils possibles ?

P. L.B. : Les producteurs financent certes plus mais ils pèsent sur les décisions puisqu’elles sont prises à l’unanimité. Le budget annuel du Cniel est 50 M€, dont 10 M€ de cofinancements européens. Il faut d’abord se poser la question de quel budget a besoin le Cniel et pour faire quoi. A-t-on besoin de plus ? De moins ? Comment prend-on en compte la baisse des livraisons sur lesquelles est prélevée la cotisation volontaire obligatoire des producteurs et comment intègre-t-on mieux le collège des distributeurs qui contribue aujourd’hui à près de 2 M€ ? Il faudra répondre à toutes ces questions avant de déposer une nouvelle demande de validation aux pouvoirs publics en juin 2025 pour une application en janvier 2026. Le Cniel mène énormément de travaux qui ne sont pas forcément connus des producteurs et des transformateurs. Il faut les rendre plus visibles.

Les producteurs reprochent aussi aux transformateurs leur manque de transparence sur l’indicateur beurre-poudre du Cniel qui participe au calcul des prix du lait, et leur manque de compétitivité sur ce marché.

P. L.B. : Nous butons depuis des mois sur cet indicateur, et plus précisément sur le coût de fabrication des produits industriels qui rentre dans son calcul. L’expertise de deux cabinets établit un coût supérieur d’environ 60 €/1 000 l au coût allemand.

Les capacités d’usines françaises deux fois plus faibles sont une des explications. Les discussions reprennent en septembre sur une méthode différente [NDLR : lire page 18]. Il reviendra ensuite aux OP et aux industriels privés de négocier quelle part du coût est assumée dans le prix du lait. Pour les coopératives, la valorisation beurre-poudre est un indicateur parmi d’autres. Les producteurs ont raison. La compétitivité doit être le maître-mot de la filière, et non uniquement des transformateurs. Sans doute chez ces derniers s’accompagnera-t-elle de restructurations industrielles avec des fermetures de lignes ou d’usines.

Peut-être verrons-nous aussi des rapprochements ? Les mises aux normes demandées pour la décarbonation, la gestion de l’eau, la sécurité des outils vieillissants sont onéreuses. Il revient au Cniel de défendre auprès des pouvoirs publics un fléchage plus important des aides vers la modernisation des installations industrielles et d’élevage.

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