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Bien-être animal Le pâturage, garantie de bien-être mais sous conditions

Recherche.Les connaissances scientifiques internationales sur le bien-être des vaches au pâturage s’enrichissent au fil des années. En France, à la ferme Inrae du Pin (Orne), des indicateurs de mesures sont testés pour créer une grille d’évaluation.

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Le pâturage est reconnu pour le bien-être qu’il apporte aux vaches laitières. Eçlles sont plus libres de leurs déplacements et de leurs mouvements qu’en bâtiment. Elles peuvent se lever et se coucher sans être contraintes par les tubulaires de la logette. Une fois couchées, elles s’étalent comme bon leur semble. Le couchage confortable ne crée pas de dépilation au niveau des pattes. Le sol ferme évite les glissades lorsqu’elles se chevauchent au moment des chaleurs. « En revanche, les vaches n’aiment pas se coucher sur un sol humide et boueux », précise Lydiane Aubé, postdoctorante rattachée à l’ Inrae — UMR1213 Herbivores et à VetAgro Sup — campus vétérinaire de Lyon, qui étudie le bien-être des vaches au pâturage depuis trois ans (voir encadré p.50). « Une compétition pourra s’instaurer pour bénéficier des surfaces sèches. » Globalement, les travaux de recherche sur le sujet montrent qu’il y a moins de boiteries et de mammites qu’en stabulation laitière. L’autre grand atout du pâturage concerne les comportements naturels et la vie en groupe. Les vaches broutent. On observe plus d’interactions sociales positives (léchage, caresses mutuelles, etc.) qu’en bâtiment. Il y a aussi gémmnéralement moins de compétitions pour l’alimentation, le couchage et l’espace disponible, donc moins de conflits. Les dominées ont davantage de champ pour esquiver les comportements agressifs des dominantes. Cela leur permet de synchroniser plus facilement qu’en stabulation leur vie alimentaire et de couchage à celle du reste du troupeau.

Les vaches choisissent

Les laitières ont également plus de contrôle sur l’environnement, ce qui les rassure et crée des émotions positives, une notion de plus en plus prise en compte dans l’évaluation du bien-être animal. La diversité des espèces prairiales leur permet par exemple de sélectionner et de consommer celles qu’elles préfèrent. Quand le temps de pâturage n’est pas trop encadré, elles peuvent aussi décider à quel moment brouter. Si la possibilité de circuler librement entre le bâtiment et la prairie leur est laissée, elles choisissent ce qui leur convient le mieux. Les éleveurs qui ont cette organisation le savent bien. « Il a été montré que les vaches sont particulièrement motivées pour accéder au pâturage », souligne la jeune chercheuse. Plusieurs études menées ces dernières années le mettent en lumière, dont une menée au Canada en 2016. Juste après la traite, il leur a été proposé de choisir entre le pâturage et une ration distribuée dans le bâtiment. Leur motivation était évaluée par la pression sur une porte lestée d’un poids. « Après la traite du matin, elles expriment autant de motivation pour s’alimenter en bâtiment que pour accéder au pâturage. En revanche, après celle du soir, elles le sont plus pour aller pâturer. » Le pâturage ne se résume donc pas à la seule consommation de l’herbe. Il satisfait aussi leur envie d’un repos confortable. On le constate durant les fortes chaleurs : si le bâtiment est bien ventilé, les vaches préfèrent y rester en journée et choisissent plutôt de passer la nuit dans la prairie. « Mais plus la parcelle est éloignée, moins elles sont motivées, note Lydiane Aubé. Toujours au Canada, trois distances ont été testées : 60, 140 et 260 mètres de la salle de traite.Elles fréquentent moins les paddocks à 260 m pourtant pas si éloignés que ceux à 60 m. » Le constat est identique par temps pluvieux.

Malgré tout, les très fortes chaleurs de juillet et août derniers rappellent que le pâturage n’est pas une garantie totale de bien-être.

Canicule : beaucoup d’ombre pour éviter la compétition

Rappelons qu’à partir de 22 °C, les vaches fournissent des efforts d’adaptation. Entre 30 °C et 35 °C, elles entrent en situation de souffrance. « Un maximum d’ombre est indispensable pour éviter la compétition entre les vaches et leur concentration sur une zone, avec le risque de mammites lié au couchage sur un sol souillé par les bouses. » Si vos parcelles doivent être enrichies de haies, les aides à la plantation dans le cadre du plan de relance faciliteront leur financement.

En fait, comme en bâtiment, assurer le bien-être des laitières au pâturage exige un certain nombre de conditions. La reprise des cinq libertés aide à identifier les points de vigilance (1). « La grille Welfare Quality, que reprennent tous les audits en élevage en la simplifiant, est conçue pour une évaluation en stabulation laitière, pas pour apprécier le bien-être au pâturage. Je travaille à en construire une qui permettra notamment de comparer les différents systèmes pâturants. » (Voir encadré).La grille devrait être finalisée dans les années à venir.

Quatre points de vigilance

D’ores et déjà, plusieurs risques de moindre bien-être sont connus, certains relevant, pour vous, du b.a-ba. Les connaissances scientifiques, en particulier sur les boiteries, proviennent essentiellement d’Amérique du Nord, d’Irlande, de Nouvelle- Zélande ou encore du Danemark. En France, la recherche ne fait que débuter.

Maladies : la prévention, encore et toujours.

La contraction d’une maladie bactérienne ou virale par des contacts mufle à mufle avec les bovins d’élevages voisins est un risque majeur. Quand les haies ne séparent pas les prairies ou insuffisamment, les doubles clôtures espacées d’au moins 1,5 m sont la solution. Le plan de relance prévoit des aides dans le cadre du volet Biosécurité.

Contre un certain nombre de maladies parasitaires, la clôture des zones humides et la mise en défensedes cours d’eau sont des moyens de prévention efficaces.

Les mouches font également partie des points de vigilance. Elles transportent la bactérie Moraxella bovis, à l’origine de la kératite de l’œil. « Leurs morsures sont aussi source de stress et même gênent la vache dans ses comportements alimentaires. » Leur limitation dans le bâtiment et sur les animaux est tous les ans un casse-tête (lutte biologique par les miniguêpes, insecticides vétérinaires sur les animaux, etc.).

Boiteries sévères  : merci les chemins aménagés

Passer du temps en dehors du bâtiment soulage les pattes et les pieds et, par ricochet, contribue à préserver les laitières de taux cellulaires élevés. Celles avec boiterie ont en effet plus besoin d’être couchées pour se reposer. Leurs trayons sont plus en contact avec le sol.« Mal aménagés, les chemins d’accès blessent les onglons », dit Lydiane Aubé. Sur 2084 laitières observées, une étude danoise met en évidence qu’il y a moins de problèmes lorsqu’ils sont bétonnés, en asphalte ou en gravier : 5,5 % de boiteries sévères contre 20,5 % sans aménagement pour les chemins enherbés, en terre ou en sable (lire l’article p. 66). « Logiquement, on s’interroge également sur la distance parcourue. L’étude danoise montre que, jusqu’à 700 mètres, il n’y a pas d’incidence sur les boiteries. Elle n’a pas testé au-delà. » L’idéal est qu’après la traite, la vache puisse repartir librement vers le paddock. Sinon, il ne faut pas dépasser l’heure et demie de traite, attente avant et après incluse. Cette recommandation vaut d’ailleurs aussi en bâtiment l’hiver.

Les vaches maigrissent.

En ration en majorité ou 100 % à l’herbe, les hautes productrices peuvent maigrir. Les holsteins sont évidemment les premières concernées. Ce phénomène bien connu est tout de même relevé comme un point de vigilance dans les études. Les chercheurs parlent même de malnutrition. Contrairement aux rations à l’auge, la valeur alimentaire de l’herbe et les quantités offertes ne sont pas stables. Les conditions climatiques, le chargement animal, la gestion des paddocks sont autant de facteurs de variations. L’énergie fournie étant insuffisante, la laitière puise dans ses réserves corporelles. L’ajout d’un concentré énergétique ou de maïs ensilageremédie à ce déficit. Si les audits de bien-être au pâturage se développent, on verra comment ils intégreront cette dimension dans leur partie « absence de faim »  (une des 5 libertés (1)).

Un abreuvoir à moins de 150 mètres.

L’absence de soif constitue une des cinq libertés de l’animal. Un accès facile à l’eau est donc indispensable. « Elles ne doivent pas parcourir plus de 150 mètres pour s’abreuver. » Les points d’eau sont positionnés à des endroits stratégiques et, en premier lieu, en sortie de traite, car elles ont soif à ce moment-là. Il faut veiller à ce que les vaches dominantes ne bloquent pas l’approche de l’abreuvoir. De même, dans la parcelle, il faut permettre aux animaux de boire en même temps. L’idéal est une installation en milieu de parcelles pour éviter la compétition entre les laitières. Sinon, bannir les coins susceptibles d’empêcher la fréquentation de l’abreuvoir. « Si une vache attend que celle en train de boire ait fini, c’est mauvais signe. » Et la postdoctorante d’ajouter  : « l’herbe étant riche en eau, les vaches boivent moins, mais plus à chaque fois. » Dans le contexte néozélandais, il a été mis en évidence qu’une vache boit 3,5 fois en 24 heures, à raison de 22 l à chaque abreuvement, contre 5,2 fois et 15 l en bâtiment. A minima, la recommandation est de proposer autant d’abreuvoirs qu’en bâtiment (un abreuvoir collectif pour 10 à 20 vaches, à raison de 10 cm linéaires par vache). « Il faut probablement plus de points d’eaux avec des débits d’eau adaptés. Des études sur le sujet sont nécessaires pour des conseils précis. »

Claire Hue

(1) Les 5 libertés de l’animal  :  absence de faim et de soif, absence d’inconfort, absence de douleurs, de blessures et de maladies, liberté d’exprimer les comportements naturels, absence de peur et d’anxiété.

© c.hue - c.hue

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