Bien-être animal « Une nouvelle opportunité de progresser »
Danone. Le groupe industriel a évalué deux fois l’EARL du Moulin de Renty sur le bien-être animal. Entre chacune des visites espacées de deux ans, les trois associés se sont efforcés de résoudre les points d’alerte. La gestion de la douleur à l’ébourgeonnage des veaux était en tête de liste.
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Danone réalise des audits de bien-être animal chez ses livreurs depuis trois ans. Le groupe en communique pour la première fois les résultats. « En trois ans, nous constatons des changements de pratiques par l’évaluation, la formation et des accompagnements s’il le faut », se réjouit Maëline Baudet, en charge du déploiement en France de l’agriculture régénératrice prôné par Danone. Fin 2021, une très grande majorité des 1 530 livreurs avaient été évalués : 96 % au moins une fois et 41 % deux fois. L’une des satisfactions du groupe concerne la gestion de la douleur à l’ébourgeonnage des veaux. « C’est la meilleure évolution que nous constatons. » Sur les 628 élevages audités deux fois, 311 étaient notés en alerte au premier, c’est-à-dire qu’ils n’utilisaient ni analgésique ni anesthésique. Leur nombre baisse à 200 au deuxième. « Plus globalement, le score moyen de ces élevages progresse : 77 points sur un total de 100 points à la deuxième visite contre 70 à la première, reprend Maëline Baudet. Ce résultat ne comprend pas les 91 élevages que notre grille d’évaluation classe critiques (lire ci-après) et pour lesquels des solutions techniques sont trouvées pour la très grande majorité. »
Proscrire l’écornage des veaux après huit semaines
Comme l’audit interprofessionnel Boviwell (voir encadré p. 66), l’évaluation de Danone est construite sur des critères respectant les cinq libertés de l’animal reconnues par l’OIE, l’Organisation mondiale de la santé animale. Danone a choisi de développer sa propre démarche pour l’appliquer partout où il collecte, plutôt que de marcher dans les pas du Cniel (interview page suivante). Concrètement, sont passés au crible le logement, la santé des animaux, l’alimentation et l’abreuvement, le stress et la douleur, et les comportements naturels.
La grille de notation reprend les 43 critères définis en 2016 en Espagne en lien avec l’IRTA, un institut de recherche catalan, et l’ONG internationale « welfariste » CIWF, également présente en France. Chaque critère a trois niveaux de notation : « bon résultat », « intermédiaire » et « alerte » ou « à améliorer ». L’ensemble totalise un score sur 100. « Quatre critères sont considérés critiques : l’écornage des animaux de plus de 8 semaines, la coupe de la queue, l’absence de qualité et de sécurité des aliments et l’utilisation de semence clonée. Ce dernier point ne concerne pas les producteurs français, indique Maëline Baudet. Nous voulons proscrire ces quatre pratiques dans les pays où nous collectons. Dans les élevages concernés par au moins un de ces points, le score total tombe automatiquement à zéro. » L’industriel vise 100 % des éleveurs audités – « sur la base du volontariat » –avec au moins 60 points. Dans le Pas-de-Calais, à Renty, l’EARL du Moulin de Renty est bien au-delà. Elle est le parfait exemple de ce que souhaite l’industriel. Son premier audit en décembre 2019 a donné un score de 72 points. Il est monté à 91 points au deuxième, réalisé le 19 janvier dernier. « Entre les deux, nous nous sommes efforcés d’améliorer les points mis en évidence », disent les trois associés, Marie-Noëlle et Vincent Bachelet et leur fils, Léandre. Adhérents de l’OP Bailleul, ils approvisionnent l’usine de Bailleul (Nord).
La douleur du veau à l’ébourgeonnage, c’est fini
L’amélioration qu’ils évoquent spontanément est la gestion de la douleur des veaux à l’ébourgeonnage. « Nous n’anesthésiions pas les veaux ni n’administrions d’antalgiques. Les animaux meuglaient. Cela nous stressait. Nous retardions le moment pour le faire, si bien que nous nous retrouvions avec un lot d’une dizaine de génisses à ébourgeonner en mêmetemps. Nous en profitions pour les sevrer et les changer de bâtiment. Cela faisait beaucoup de changements en même temps. » Passé la période de confinement en 2020, les associés sollicitent leur vétérinaire, lors de son suivi « repro » mensuel, afin d’ébourgeonner correctement leurs jeunes femelles. Depuis la mi-2021, ils le font eux-mêmes après s’être formés durant une journée. La session était organisée par Danone dans le cadre de son programme Bien-être animal (ci-dessus) « Avec mon fils étudiant vétérinaire, nous ébourgeonnons désormais un maximum de trois à quatre génisses le même jour, ce que nous faisons beaucoup plus sereinement », dit Vincent.
Prévenir les boiteries en stabulation et au pâturage
L’observation de plus de 5 % des vaches atteintes de boiteries sévères a également pénalisé le résultat de la première évaluation. Les éleveurs y ont remédié par une meilleure surveillance des pieds. « Nous avons un problème récurrent de mortellaro. Un contrat de parage signé il y a deux ans avec notre cabinet vétérinaire permet une meilleure prévention », dit Marie-Noëlle. Le passage des vaches dans un pédiluve une fois par mois et l’investissement, l’an passé, de 10 000 € dans 500 m d’accès au pâturage (et abreuvement) complètent cette politique. Les Bachelet savent saisir les propositions d’accompagnement de l’industriel. Ils sont rentrés en 2020 dans le dispositif de financement participatif Miimosa pour améliorer les conditions de pâturage (1 660 € de dons et 7 500 € de Danone) . De plus, Vincent a répondu présent à la formation sur le parage en janvier dernier.
Zéro prime au titre du bien-être animal
Mais sans doute le logement des petites génisses par paire, de la naissance jusqu’à 2 semaines, sera-t-il le plus frappant aux yeux d’un éleveur visiteur. « En accord avec le CIWF, qui a coconstruit la grille, et si le contexte de l’élevage le permet, le choix du groupage des veaux a été fait, plutôt que celui de laisser le veau avec sa mère », indique la vétérinaire Mathilde Clauss, du cabinet Phylum, qui apporte son expertise scientifique à Danone. Les trois associés apprécient les interactions qui se créent entre les jeunes animaux. « Cette technique réclame une grande hygiène. En cas de diarrhée ou de problème respiratoire, il ne faut pas hésiter à isoler l’animal », précisent-ils.
L’EARL du Moulin de Renty ne reçoit pas de prime spécifique au titre de son score élevé de bien-être animal. « Si aujourd’hui nous répondons à la sollicitation de Danone, nous espérons que demain le prix du lait valorisera ce que nous faisons », disent-ils.
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