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Le bâtiment, lieu de rencontre entre l’éleveur et ses vaches

Un bon aménagement de la stabulation permet un meilleur confort de travail pour l'éleveur et des conditions sanitaires optimisées pour les vaches laitières.

Le bâtiment a trois missions : satisfaire les objectifs de l’éleveur, préserver la santé des vaches laitières et leur permettre d’exprimer dans un espace confiné leurs comportements naturels et sociaux. Il évoluera sans doute ces prochaines années sous l’effet de la réglementation européenne sur le bien-être animal.

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La stabulation laitière est au centre de la relation entre l’éleveur et ses vaches. Elle est un compromis entre la rentabilité de l’investissement, le confort et l’optimisation du travail, d’une part, le bien-être des laitières, d’autre part. Pour l’éleveur, il s’agit d’assurer dans de bonnes conditions et en toute sécurité l’astreinte quotidienne que sont le nettoyage et l’entretien du couchage, l’évacuation et le stockage des déjections, l’alimentation du troupeau et l’intervention sur les animaux nécessitant des soins. Pour les vaches, les cinq libertés fondamentales de l’animal sont désormais mises en avant : absence de faim et de soif, absence d’inconfort, ne pas souffrir de blessures, de douleurs ou de maladies et, enfin, pouvoir exprimer les comportements qui sont propres à leur espèce (grégarité, grattage, léchage, etc.). L’évaluation des vaches dans les logettes, qui est le système de couchage majoritaire, et une meilleure connaissance scientifique de leurs comportements ont actualisé les recommandations sur la conception des bâtiments.

Un équilibre entre bien-être animal et coût du bâtiment

Trois publications de l’Institut de l’élevage (Idele) et du Cniel, disponibles sur le site de l’interprofession laitière (1), constituent la bible des bâtiments neufs et de ceux existants à aménager. Elles s’efforcent d’établir le bon équilibre entre contraintes budgétaires et aménagement qui évite ou limite les troubles de santé (mammites, boiteries, peau éraflée, compétition entre les vaches, etc.). Tanguy Morel, du service bâtiments de l’Idele, prend l’exemple de la profondeur des logettes. Les recommandations sont de 3 m entre le seuil et le mur pour les logettes face au mur et de 5,5 de seuil à seuil pour les logettes face à face.

« Si des arbitrages économiques sont nécessaires, il faut privilégier la distance de 3 m jusqu’au mur. Elle permet à la laitière de réaliser, sans se blesser, son mouvement de balancier quand elle se lève et se couche. » Pour les logettes face à face, les constructeurs ont tendance à proposer des tubulaires tenues par un seul potelet pour contenir le montant de l’investissement. Cela met la double profondeur à 5 m. « C’est un minimum, insiste Tanguy Morel. Les vaches seront davantage en compétition mais elles ne se blesseront pas. »

Vers une réglementation spécifique aux laitières

La réglementation n’interfère pas pour l’instant dans la conception des bâtiments destinés aux bovins adultes. Le contrôle des élevages par les services de l’État s’appuie sur une liste d’une quarantaine de critères qui relèvent de la protection des animaux. Ils appliquent la directive européenne 98/58/CE du 20 juillet 1998. Sa révision est dans les tuyaux bruxellois depuis 2020 et pourrait conduire à la création d’une réglementation spécifique aux vaches laitières. Les manifestations des agriculteurs et l’inflation des charges l’avaient mise sur pause l’hiver dernier.

La nouvelle Commission européenne a affirmé sa volonté de poursuivre les travaux entamés. Le dossier actuellement le plus avancé concerne le transport des animaux vivants, avec notamment le projet d’interdiction de transporter les animaux trop jeunes.

9 mètres carrés par vache au minimum

« L’expertise scientifique est achevée. La proposition réglementaire fait actuellement l’objet de négociations. Il est aujourd’hui interdit de transporter des veaux avant l’âge de 14 jours. Cette interdiction pourrait passer à 35 jours, avec des répercussions sur l’organisation des bâtiments », indique Béatrice Mounaix, chef de projet bien-être animal et santé des ruminants à l’Idele.

Concernant les vaches laitières, le processus d’évolution réglementaire s’est arrêté l’an passé à l’avis scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), publié le 16 mars 2023. Il rentre dans le détail de leurs conditions de vie en bâtiment : un minimum de 9 m² par vache (surface de couchage comprise), une logette par vache, des brosses, une litière épaisse de 30 cm sur les bétons nus ou des tapis et matelas d’au moins 5 cm d’épaisseur en compression. L’Efsa se prononce également en faveur du pâturage, qui doit être « bien géré », c’est-à-dire avec des prairies « drainées et ombragées ». Enfin, l’agence sanitaire recommande de proscrire les vaches en permanence en stabulation entravée. Son avis est plus souple sur l’entrave temporaire dans l’année, qui concerne une partie des élevages de Savoie et de Franche-Comté.

« Elle peut être utilisée à condition de garantir un accès régulier à des zones de repos ou des pâturages estivaux », écrit-elle. La prochaine étape est la rédaction d’un projet de texte réglementaire par la Commission européenne pour une adoption par les États membres et le Parlement européen annoncée avant 2028. « Si le processus va jusqu’à son terme, les critères retenus ne seront pas une révolution pour les élevages français, rassure Béatrice Mounaix, mais leur application sera obligatoire. »

Proposer un environnement plus complexe

Les recommandations de l’Efsa s’appuient sur les travaux de recherche engagés il y a plus de vingt ans. « Nous essayons d’approcher l’état mental de l’animal », résume Isabelle Veissier, de l’Inrae de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). « Nous savons aujourd’hui que la vache laitière s’ennuie lorsque son environnement est stable. La tendance actuelle est de lui proposer un environnement plus complexe et de lui donner des possibilités d’actions. Le pâturage répond parfaitement à cet objectif. » Dans le bâtiment, il y a possibilité, selon elle, d’enrichir leur milieu sans changements majeurs. La distribution des concentrés au Dac et la traite robotisée font partie des bonnes pratiques : l’animal choisit son moment de traite et de consommation d’aliments. La distribution de la ration à l’auge matin et soir casse également la routine de sa journée. « Une courette extérieure, pourquoi pas équipée de grattoirs, enrichit aussi son milieu. » Dans sa publication d’avril 2024, l’Idele donne des conseils de dimensionnement et d’aménagement. Les brosses, à raison d’une pour 50 vaches et positionnées à un endroit qui ne favorise pas la concurrence, satisfont leurs besoins de grattage et d’être soulagées si elles sont malades ou stressées. « Plus actives, plus occupées, les laitières seront moins agressives les unes envers les autres dans l’espace confiné qu’est le bâtiment », avance Isabelle Veissier. Elles le sont moins aussi avec des largeurs de couloirs suffisantes. Elles peuvent se croiser plus tranquillement et avoir davantage d’interactions sociales telles que le léchage. Leur bonne adhérence au sol les favorise. Julien Roubert, vétérinaire en Ille-et-Vilaine, plébiscite les tapis dans les couloirs, en particulier pour les conduites en zéro pâturage.

« Mon cabinet euthanasie tous les ans entre 150 et 200 vaches à cause des glissades. Il y a beaucoup moins d’accidents dans les bâtiments avec des tapis dans les couloirs. »

(1) Sur cniel-infos.com : « Recommandations pour un bon dimensionnement des logettes pour vaches laitières et génisses », décembre 2023 ; « Réduire le rayonnement du soleil en bâtiment laitier », mars 2023 ; « Recommandations pour la conception et l’aménagement d’aires d’exercice en bovins lait », avril 2024.

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