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Au Gaec Losser, « nous couplons douches et ventilateurs »

Alexis Losser et ses trois associés, Adrien et Daniel Losser et Thomas Thirian, ont ôté en 2022 le bardage du pignon nord de la stabulation laitière, afin de favoriser la ventilation naturelle du bâtiment. L’hiver, dès que la température descend sous les - 2 °C, un filet brise-vent est installé.

En Alsace, face aux étés chauds, le Gaec Losser a investi 50 000 € en 2022 dans un système de ventilation et douchage pour limiter le stress thermique de ses 165 laitières à 13 400 kg de lait en zéro pâturage.

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Les éleveurs laitiers des régions au climat continental sont les précurseurs des adaptations au changement climatique. Elles ne bénéficient pas du littoral marin pour tempérer leurs températures estivales élevées, au moins durant la nuit. L’Alsace est de celles-là. L’an passé – qui n’était pas caniculaire –, les températures maximales journalières sont montées à plus de 35 °C. Elles vont malheureusement continuer de grimper. Klimaco, le projet transfrontalier alsacien, allemand et suisse, a extrapolé les résultats laitiers de six élevages alsaciens et de dix allemands suivis en 2021 et 2022. Il avance une baisse de 1,4 kg de lait corrigé/vache/jour, de 0,9 g/kg de TB et de 0,6 g/kg de TP si l’index THI augmente de 71 à 76 (hypothèse de 29 °C et 40 % d’humidité en 2050). Pour rappel, le THI, ou Temperature Humidity Index, est la mesure d’alerte de stress thermique des vaches. À 68, elles sont en stress léger, à 78 en stress marqué.

https://dai.ly/k6GyMlxdQ4VIlhBelaM

Un troupeau très productif

Au sud de Strasbourg, Le Gaec Losser fait également ce constat. L’année 2020 a été particulièrement marquante. « De 38,4 kg bruts/vache/jour au contrôle laitier de fin avril, la production laitière est descendue à progressivement 33,8 kg fin août alors que les vêlages redémarraient, soit une baisse de près de 5 kg bruts », observe Christophe Bertrand, qui accompagne l’élevage à haut niveau de production conduit en zéro pâturage (13 363 kg bruts/vache en 2023). Il est expert en nutrition à la chambre d’agriculture d’Alsace. « La stabulation laitière était équipée de neuf ventilateurs à flux horizontal. Avec plus de 160 vaches – laitières + taries à cette époque – dans la stabulation toute l’année, leur nombre n’était pas suffisant. Les laitières s’attroupaient aux endroits les plus frais. Cela les fatiguait. De plus, il était temps de remplacer les ventilateurs âgés d’au moins dix ans », raconte Alexis Losser, en Gaec familial avec trois associés. Ils décident de renouveler le parc de ventilateurs. En juin 2022, ils remplacent les neuf existants et en installent huit de plus, tous à variation de fréquence. Les sept au-dessus des deux rangées de cornadis (une par long-pan de bâtiment) et les deux au-dessus du parc d’attente sont couplés à un système de douchage. « L’expérience d’éleveurs voisins à la suite d’une mission en Italie du Bureau technique de la promotion laitière, qui y a développé son expertise, nous a orientés vers cette combinaison. Nous avons choisi la marque italienne Arienti qui s’est déplacée pour étudier le bâtiment et nous accompagner dans le lancement de l’installation. » Les éleveurs l’ont montée eux-mêmes. La brumisation pratiquée depuis 2015 est abandonnée. « Je la déconseille, souligne Christophe Bertrand. Les micro-gouttelettes d’eau s’accrochent aux poils de l’animal et créent un effet isolant. Alors que l’objectif est de le rafraîchir, la chaleur qu’il produit n’est qu’en partie évacuée. Le douchage est plus efficace mais à condition de trouver le bon rythme»

Douchage sur caillebotis

L’autre risque est de développer des maladies de pieds par leur maintien dans l’humidité. Les deux couloirs d’alimentation sur fosse-caillebottis sont un bon garde-fou. L’eau pulvérisée s’écoule au travers des fentes.

Le Gaec applique un protocole bien calé depuis juillet 2022. À 65 de THI, les ventilateurs de l’ensemble de la stabulation se mettent en route à 20 % de leur vitesse. À 69, ils tournent à 100 %. « À partir de 71 de THI, c’est au tour du douchage au niveau des cornadis de se mettre en route mais de façon séquencée. Six séquences sont programmées sur vingt-quatre heures. Durant ces tranches d’une heure, une minute de douchage alterne avec cinq minutes de ventilation, qui crée une vitesse d’air d’au moins 2 mètres par seconde, avec un objectif de 3 mètres par seconde. »

300€ par ventilateur par an

Les éleveurs ont investi 50 000 €, une fois déduits les 5 000 € de subvention. Ils réfléchissent à compléter la zone de couchage de ventilateurs, car ceux en place sont posés tous les 18 mètres alors que l’Institut de l’élevage (Idele) recommande de 12 à 15 m pour assurer une vitesse d’air sur les vaches d’au moins 1 m/seconde. Des mesures de vitesse d’air dans tout le bâtiment, réalisées en juillet par l’Idele qui suit l’élevage, aideront à prendre la décision. L’institut évalue la consommation d’eau du Gaec Losser entre 25 et 50 litres/vache/jour selon la température et le coût électrique à 300 € par ventilateur et par an. Ces chiffres seront affinés dans les mois prochains.

SIX VENTILATEURS. Le bâtiment comporte 149 logettes en deux doubles rangées tête à tête et une rangée simple. Les six ventilateurs à flux horizontal de 2 m de diamètre sont posés à 3 m du sol des logettes et tous les 18 m. Après deux ans de fonctionnement, les associés estiment que ce n’est pas suffisant. Ils veulent doubler leur nombre. (© C.Hue)

La prévention n’est pas pas oubliée

Évidemment, investir dans la ventilation et le douchage sera de l’argent gaspillé si, en amont, les préconisations de limitation du stress thermique ne sont pas respectées. L’amélioration de la ventilation naturelle fait partie des axes prioritaires à la lutte contre le stress thermique. Le Gaec Losser y travaille. « L’eau d’abreuvement participe à la thermorégulation des laitières. Elles ont besoin de 10 cm par vache en abreuvoir collectif », ajoute Christophe Bertrand. Ce que fait le Gaec. Il veille également à la qualité et à l’avancement rapide du front d’attaque des silos. Même s’il est d’abord destiné à remonter la Baca que les coproduits tirent vers le bas, l’apport de 450 g/vache/jour de bicarbonate de sodium corrige les pertes en minéraux par la transpiration et les urines. Desblocs de sel à lécher sont également à disposition toute l’année à l’auge. « L’été, il faudrait distribuer la ration deux fois par jour. Nous ne le faisons que le soir pour des raisons de travail , note Alexis.

LES TARIES. Le Gaec Losser a mis en service début 2022 un bâtiment qui leur est dédié. Les vaches taries et en préparation vêlage sont sur aire paillée. Les génisses, elles, sont en logettes matelas sur caillebotis. Le bâtiment est actuellement équipé au-dessus des cornadis de cinq ventilateurs récupérés. Le Gaec projette de les remplacer par quatre couplés au douchage et d’acheter deux ventilateurs hélicoptères pour l’aire paillée et trois à flux horizontal pour les logettes. (© C.Hue)

En contrepartie, nous apportons 20 litres d’acide propionique dans la ration mélangée pour éviter son échauffement. » Durant les étés 2022 et 2023, la production a baissé de 3 à 4 kg par rapport aux mois de mai... Où le niveau est le plus élevé de l’année (45,3 kg bruts/vache/jour en 2022 et 46,2 kg en mai 2023). En revanche, les très productives ont réussi la performance d’augmenter leurs taux au cours de l’été 2023. Sans doute la saturation du bâtiment en 2023 (160 à 165 vaches traites pour 149 logettes) a-t-elle contribué à faire reculer la production estivale. Les vingt taries logées depuis 2022 dans un bâtiment dédié ont été progressivement remplacées par des laitières. Mais avec un prix du lait payé 515 €/1 000 l en moyenne sur 2023 (laiterie Alsace Lait), l’objectif du Gaec Losser est de produire le maximum de lait. Il ne se fait pas au détriment de la reproduction. En 2023, l’intervalle vêlage-vêlage est descendu à 388 jours.

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