La ventilation des bâtiments devient une obligation
Limiter le stress thermique sera toujours un investissement rentable. Il faut souvent commencer par casser des murs pour assurer la circulation de l’air. Elle peut être assistée efficacement par de la ventilation et de la brumisation.
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Une vache laitière souffre de la chaleur dès que le thermomètre dépasse 20 °C. En effet, les fermentations ruminales produisent une grande quantité de chaleur qui met l’animal en situation d’inconfort pendant les périodes chaudes. Les hautes productrices et les animaux en début de lactation qui ont une activité métabolique intense y sont particulièrement sensibles. Avec une température ambiante de 25°C et une hygrométrie de 60 %, l’effet est déjà sévère. Ce stress thermique induit une baisse de la consommation et, automatiquement, une chute de la production laitière et des taux : de 2 à 3 kg de lait par vache et par jour dans le cas d’un épisode chaud peu marqué et peu durable, jusqu’à plus de 10 kg par jour pour des fortes productrices en cas de canicule forte et de longue durée. Dans les situations extrêmes, cela peut conduire à la mort. Une étude française chiffre à 24 % la mortalité supplémentaire liée à la vague de chaleur de 2003 (13 % pour celle de 2006).
Une perte de 140 000 € dans un élevage du Sud-Ouest
Les conséquences des périodes de canicule sur la reproduction sont importantes. La fertilité est affectée en cas de forte chaleur avant ou immédiatement après l’insémination. L’expression des chaleurs est diminuée et le déficit énergétique lié à la baisse de l’ingestion diminue la qualité de l’ovocyte. La gestation de l’embryon est perturbée par le stress thermique subi par la mère et peut handicaper la carrière de la future laitière en gestation (effet épigénétique).
Résultats dans un élevage de 210 vaches en stabulation permanente, dans le Sud-Ouest, pendant la vague de chaleur de 2013 : baisse de production très marquée, baisse des réussites à l’IA pendant quatre mois, onze vaches mortes d’hyperthermie pendant le pic de chaleur. Au total, la perte économique est évaluée à 140 000 €, soit 680 € par vache. La conception et les aménagements du bâtiment sont essentiels pour éviter ces déconvenues. « Certes, un bâtiment doit protéger les animaux du froid en hiver, mais encore plus du chaud en été », insiste Jacques Capdeville, de l’Institut de l’élevage.
En premier lieu, il est conseillé de ne pas utiliser de translucides sur la toiture, en particulier sur les pans exposés au sud, sud-ouest et ouest. Un dôme éclairant central de faible largeur (inférieur à 2 mètres) et ventilé suffit. On ira jusqu’à conseiller une toiture isolée. Il faut éviter le béton banché ou les agglomérés de ciment sur les murs exposés car ils relarguent de la chaleur en début de nuit au lieu de rafraîchir. Les bardages de couleur claire sont à préférer si l’insertion paysagère le permet.
« Les vaches ont surtout besoin de courants d’air pour évacuer la vapeur d’eau et la chaleur qu’elles produisent. Ce n’est qu’en deçà de - 15°C qu’il faut les éviter », insiste Yves Debeauvais, vétérinaire. La conception du bâtiment doit favoriser cette circulation de l’air de façon naturelle. « Il est impératif de limiter la largeur du bâtiment. Il doit ressembler à un parasol mettant les vaches à l’ombre, sans obstacle au mouvement d’air. Les murs latéraux en dur ou en bardage fixe sont à bannir », poursuit Jacques Capdeville. Les nouvelles constructions présentant des ouvertures latérales modulables (bâches ou filets enroulables, panneaux mobiles) répondent à ce cahier des charges sur la ventilation.
Ventiler dès que les 13°C sont dépassés
Pendant les périodes chaudes, de plus en plus fréquentes, abaisser la température perçue par la vache devient un investissement rentable. Une ventilation assistée crée une circulation d’air à haute vitesse qui évapore l’eau en surface de la peau de la vache, lui offrant une sensation de fraîcheur. Deux familles de ventilateurs sont disponibles.
Les ventilateurs de type brasseur, souvent de grand diamètre (jusqu’à 7 m), ont un grand rayon d’action. Ils consomment peu et sont silencieux, mais la vitesse de l’air au contact des animaux est assez faible. Ils doivent être réservés à des bâtiments assez hauts et largement ouverts sur les deux longs-pans, afin que le souffle d’air chaud et chargé en humidité puisse s’échapper sans être réaspiré et recyclé sur les animaux. Ils sont bien adaptés à la ventilation des aires paillées. Cela assèche la litière et les vaches adorent. Mais l’investissement de départ est lourd (environ 10 000 € par ventilateur).
Les ventilateurs à flux horizontal sont d’un diamètre plus modeste (60 à 130 cm), mais assurent une forte vitesse de l’air bien localisée si leur nombre est suffisant. Ils soufflent sur une longueur de dix à douze fois leur diamètre. Il faut donc en installer tous les 12 à 16 m, ce qui représente un investissement important dans les bâtiments de grande longueur (environ 1 300 € par ventilateur). Ils sont bruyants à vitesse élevée et la consommation électrique est importante (150 à 200 €/ventilateur/an).
Le retour sur investissement d’une ventilation dynamique peut être très rapide, étant donné la sensibilité des vaches au stress thermique. À condition de les placer au bon endroit et de les utiliser dès que le thermomètre dépasse les 13-15°C, même à petite vitesse. « On peut éviter de ventiler les couloirs de circulation mais plutôt les couchages et l’accès à l’auge », précise Yves Debeauvais.
L’investissement peut se faire par étapes avec, comme priorité, les aires d’attente à la traite où les animaux restent serrés les uns contre les autres. Sans oublier les vaches taries, stade physiologique où les animaux sont très sensibles au stress, qui provoque par la suite des ennuis en cascades.
« La ventilation dynamique est certes importante en été, mais trouve aussi son intérêt en hiver quand l’hygrométrie est élevée pour assécher le couchage », ajoute François Normand, conseiller Elvup, dans l’Orne.
La brumisation peut être efficace ou dangereuse
En période de forte chaleur, la brumisation dans le bâtiment a-t-elle un intérêt ? « Elle permet d’abaisser la température de quelques degrés mais attention à ne pas augmenter l’humidité. C’est la combinaison chaleur et humidité élevées qui est dangereuse pour la vache », avertit Jacques Capdeville.
François Normand est également très méfiant sur la brumisation qu’il ne conseillerait que sur les aires d’attente. Les rampes de pulvérisation à basse pression, qui génèrent des gouttes trop grosses pour permettre l’évaporation, créent beaucoup d’humidité et peu de refroidissement. Il faudrait privilégier les rampes à haute pression ou les disques rotatifs, qui génèrent des gouttes très fines. Doucher le dos des vaches au cornadis et en même temps faire circuler de l’air à forte vitesse est aussi très efficace pour rafraîchir les animaux. Des mesures à la caméra infrarouge montrent que la température tombe de 35°C à 20°C. Cette solution du douchage peut se mettre en place simplement pendant l’attente de la traite avec du matériel de jardinage.
Dominique GrémyPour accéder à l'ensembles nos offres :