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Les ventilateurs ne tiennent pas leur promesse, pour l’instant

L’Institut de l’élevage a évalué onze installations de ventilation durant les étés 2018 et 2019. Leur efficacité est inférieure à celle annoncée par les fournisseurs.

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L’installation d’une ventilation mécanique est envisageable quand la ventilation naturelle du bâtiment et la réduction du rayonnement ne suffisent pas. Un diagnostic réalisé par un conseiller validera ou non la pertinence du projet. Il évaluera ses bienfaits sur l’ambiance du bâtiment et le rafraîchissement des vaches lors des fortes chaleurs. Si l’investissement est décidé, la première chose à éviter est la création de zones plus attractives que d’autres. « Par exemple, un brasseur au-dessus de l’aire d’attente du robot.Les vaches s’y sentiront bien et y resteront aux dépens de leur repos et de leur alimentation », explique Bertrand Fagoo, de l’Institut de l’élevage (Idele). Leur station debout fragilisera également leurs pattes et gênera l’accès au robot. Que ce soit en traite robotisée ou classique, on privilégiera donc la ventilation de la zone de couchage. « En traite classique, on peut commencer par baisser la température de la vache à moindre coût via le douchage. On le privilégiera alors dans le parc d’attente, et, en traite robotisée, à l’auge, en veillant à ne pas gaspiller l’eau, grâce à des détecteurs de présence, par exemple », propose Bertrand Fagoo.

La brumisation sans ventilation mécanique : non !

En revanche, Bertrand Fagoo est contre la brumisation dans le bâtiment (gouttelettes plus fines que le douchage) sans ventilation mécanique. « Les gouttelettes se transforment en vapeur d’eau qui augmente l’humidité relative de l’air de la stabulation. Or, plus l’humidité est élevée, plus la vache a du mal à évacuer ses calories, ce qui, en période de fortes chaleurs, accroît son stress thermique.Onobtient le contraire de l’effet recherché. »

L’autre inconvénient de la brumisation est son entretien difficile. Son positionnement à plus de 4 m de haut rend compliqué le démontage des buses pour leur nettoyage, indispensable. Idele recommande donc d’associer la brumisation à une ventilation mécanique. « À condition que cette dernière soit efficace, alerte Jacques Capdeville, d’Idele, c’est-à-dire des ventilateurs qui produisent une vitesse régulière d’air sur le dos de 2 à 3 mètres par seconde. » Sinon, on crée des zones de rafraîchissement localisées et les problèmes de station debout qui vont avec. Le manque d’efficacité des ventilateurs, c’est globalement le reproche que fait Idele aux constructeurs. « La promesse faite n’est pas au rendez-vous alors que l’investissement est élevé : entre 20 000 euros  et 50 000 euros pour 100 vaches, selon les choix techniques », déplore l’expert en bâtiment.

Durant les étés 2018 et 2019, il a évalué onze installations en ventilation à flux horizontal, à flux vertical et en gaine, en Alsace, Rhôn­e-Alpes et Occitanie.

Ventilateurs : ils peuvent mieux faire

C’est la configuration du bâtiment et le mode de couchage qui guident le choix du système. Les ventilateurs à flux horizontal requièrent des hauteurs de faîtage qui permettent au tracteur de passer dessous. C’est encore plus vrai pour les ventilateurs à flux vertical (brasseurs). Ces derniers sont capables de travailler de grands volumes à faible vitesse pour un flux d’air régulier. Les éleveurs qui veulent assécher leur aire paillée l’hiver les privilégient. Les cyclones sont également à flux vertical. Ils aspirent l’air par le dessus, qui passe ensuite par un cône, avant d’être propulsé à grande vitesse par les pales sur un déflecteur, créant ainsi un tourbillon. Quant aux gaines de ventilation, elles doivent être installées là où le tracteur ne peut pas passer. L’air propulsé sort de trous orientés vers le dos et la tête de l’animal.

Dans les onze bâtiments laitiers, Idele a mesuré tous les 2 mètres la température, la vitesse de l’air, l’humidité relative et le rayonnement. Il les a ensuite cartographiés sur la vitesse d’air et l’index HLI (Heat Load Index) qui exprime le ressenti de l’animal. « Les zones de confort thermique et de distribution des vitesses d’air se ressemblent beaucoup (1) », pointe Jacques Capdeville. C’est d’ailleurs l’objet du principal reproche. « Alors que les fournisseurs annoncent au moins 2 mètres par seconde sur le dos de la vache, les vitesses réelles sont plus basses lorsqu’on s’éloigne du rayon d’action immédiat du ventilateur, qu’il soit à flux horizontal ou vertical. »

Les fournisseurs répondent

Ventilateurs à flux horizontal.

Idele constate qu’ils sont distants les uns des autres de 15 à 20 m. Il faudrait qu’ils le soient de 9 à 12 m pour éviter la chute de vitesse d’air, mais cela augmenterait le montant de l’investissement. Les modèles récents s’en sortent mieux : « Peu de zones ne sont pas couvertes par le flux d’air. » Ils se différencient des plus anciens, entre autres, par des pales et carter en composites plastiques et des formes plus étudiées. Delaval estime correspondre à cette analyse. « Le carenage arrondi de notre ventilateur a un effet Venturi. L’air ne revient pas sur les côtés. Il est mieux orienté. La portée de son flux est plus longue. » Malgré tout, le groupe enregistre la critique sur les conseils apportés aux éleveurs et les préconisations de vente. De son côté, Agrieste considère déjà répondre aux critiques d’Idele. Dans sa fiche technique, un abaque fait le lien entre longueur et largeur de portée et vitesse de l’air. « Cette transparence est l’une des raisons pour laquelle notre organisme de conseil a choisi Agrieste pour une commande groupée faite par huit élevages, indique François Normand, d’Elvup (Orne). Bien sûr, nous avons vérifié ce qui est annoncé, par des mesures à l’anémomètre. » Quant à l’entreprise Orela, connue pour ses ventilateurs désormais d’ancienne génération, elle fait évoluer sa gamme. Sans changer le débit d’air (20 000 m3/h) ni la distance recommandée (15 à 20 m), elle met sur le marché de nouveaux produits. « Début 2020, un cône au-dessus du ventilateur aspirera l’air qui sera poussé dans le bâtiment par un déflecteur. Le flux d’air ira plus loin et sera plus important. » Orela, qui commercialise aussi des brasseurs, insiste sur des solutions appropriées à chaque situation. Enfin, les trois fournisseurs font des efforts sur la partie énergie, avec des moteurs moins consommateurs d’électricité, mais sans avancer de coût par ventilateur ou par heure. Ils disent aussi réduire le bruit, notamment par la suppression des composants métalliques.

Ventilateurs à flux vertical.

Brasseurs : Idele observe un diamètre d’action deux fois plus faible que ce qui est annoncé. « Le flux d’air étant réduit à l’extrémité, l’idéal est que leurs rayons d’action se chevauchent pour un rafraîchissement optimal », répond APM. Une pratique courante en Italie, où le problème de stress thermique est plus prégnant. « Les éleveurs misent sur un brasseur de 4 m d’envergure pour 5 à 10 vaches. En France, pour une question de coût, les installations en prévoient souvent un pour 20 vaches, ce qui implique un moindre chevauchement des flux d’air générés par chaque brasseur. »

Cyclones : Idele ne constate pas l’effet tourbillon. Le fabricant Bioret reconnaît que, si le flux d’air généré par le déflecteur agit jusque dans l’œil du cyclone, il y est moins rapide qu’à ses extrémités. « Depuis le test réalisé par Idele – durant un épisode de canicule dans un bâtiment fermé de grande largeur – l’outil a été renforcé afin de booster la vitesse de l’air. Il permet ainsi de créer un vortex de 18 mètres de diamètre. »

Les gaines de ventilation.

Elles n’échappent pas au bilan critique d’Idele : « Les trous ne sont pas bien orientés vers les vaches, ce qui rend l’installation inefficace. » Tout à fait d’accord sur l’analyse, répond la société Huesker. Elle argue, pour sa part, de l’utilisation d’un logiciel de simulation emprunté à l’aviation comme préalable à l’installation de chaque gaine. « La vitesse de l’air diminue tout au long de la gaine. C’est la simulation de sa circulation qui permet d’adapter à chaque situation le positionnement et le dimensionnement des trous et des déflecteurs pour une diffusion la plus homogène possible. » Idele veut être constructif et engager rapidement un travail de partenariat avec les fournisseurs. « Des améliorations sont envi­sageables pour l’ensemble de ces matériels. »

Claire Hue et Jérôme Pezon

(1) Des exemples sont en ligne, consultables en recherchant « Space 2019 bâtiment Idele ».

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