Les confiseries à base de lait
Sur leur route du lait, Colette Dahan et Emmanuel Mingasson se sont arrêtés en Inde, là où tout se passe dans la rue.
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Dans la petite boutique de sweets, confiseries à base de pâte de lait, à pied, à vélo ou à moto, les livraisons se succèdent. Le patron a ses fournisseurs attitrés qu’il paie le jour même, rubis sur l’ongle, au poids du caillé égoutté et pressé. Il appartient au livreur de faire bouillir son lait, de l’emprésurer et de mettre le caillé à égoutter. La maison se charge d’en extraire le maximum de petit-lait. Un homme arrive à vélo, porteur de deux bidons. Ses dix vaches lui donnent 22 litres par jour, il en vend dix ici, le reste ailleurs. Le feu est occupé par la cuisson de la farce des samossas, deuxième spécialité de la maison, il n’y a qu’à attendre.
Toujours dans la rue
Tout ici se déroule dans un espace grand ouvert sur la rue. Le matin, on lève le rideau de fer, le soir, on le baisse. Le reste du temps, comme partout, on vit sur le trottoir, où d’ailleurs une femme est assise. Elle attend. Sa part de travail est faite : son lait a bouilli, le caillé élastique finit de s’égoutter au-dessus d’un grand bidon à la propreté douteuse. La propreté, si l’on s’en fait une religion, il ne fallait pas venir ici. À deux pas, une chèvre broute des œillets d’Inde fanés, cadeau d’une déesse sans doute. « Votre Dieu à vous, vous n’en avez qu’un ? Et il est vraiment comme cela ? interroge un homme, bras en croix, tête inclinée sur l’épaule. — Si maigre, et en plus mort ? » Il est vrai qu’ici les représentations des divinités, musclées ou bedonnantes, toujours colorées, reflètent la joie de vivre. Des hommes guillerets à tête d’animaux, des déesses bien portantes, gaies, que l’on pare de colliers de fleurs, qui ne dédaignent pas montrer un sein, voire les deux, et ne se lassent jamais des cadeaux qu’on leur offre : morceaux de noix de coco, bananes, poudres colorées, encens, lait, ghee, ni des petits autels ou des grands temples dorés où on les vénère, et que l’on construit à tour de bras.
900 grammes, 135 roupies
Un ouvrier a pris le caillé de la dame qui patiente, il le presse à la force du poignet sur une planche de bois, le pèse enfin : « 900 grammes ! » annonce-t-il. Le patron s’extrait de la lecture du journal pour payer à la femme 135 roupies. Les dix litres du livreur à vélo ont bouilli, il les a agités à la louche de façon à activer le refroidissement. Une bonne quantité de petit-lait a provoqué un caillage immédiat : « panir », fromage, nous informe-t-on gentiment. Panir, ce terme d’origine persane qui court de la Turquie à l’Inde en passant par l’Iran, comment est-il arrivé ici, où la culture du fromage est étrangère et sa consommation, toujours cuisiné ou frit, très marginale ?
Extrait du livre de photos de Colette Dahan et Emmanuel Mingasson, Voix lactées. www.unansurlaroutedulait.org
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