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Bouillon de cultures

Pour Joël Baud-Grasset, éleveur haut-savoyard et passeur de tous les arts – urbain, fabulatoire, sculptural –, l’agriculture va au-delà d’un acte de production.

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Sur les murs de la stabulation dans la ferme où il est né, Joël Baud-Grasset a fait peindre une fresque résolument contemporaine. Très colorée, Rur’All 2.0 montre le départ de l’homme dans la Galaxie, un sujet en résonance avec l’actualité de la conquête de Mars. Dans cet univers cosmique, le lait (Ubermilk) et les vaches (spationautes) sont présents. C’est rassurant ! Née d’une rencontre avec le grapheur Kamel Moussaoui (alias K2), la création évoque le lien entre l’agriculture et le territoire. Une façon, pour l’éleveur de Bogève, d’enrichir sous une forme nouvelle le patrimoine légué par les anciens, avant de le transmettre à son tour. « L’agriculture n’est pas qu’un acte de production, considère le montagnard. C’est un enracinement dans un pays et une culture, avec des noms de lieu, des savoir-faire, des parlers locaux, une façon de vivre, ainsi qu’une capacité d’adaptation constante au milieu parfois hostile qu’il faut apprivoiser. »

Bilingue provençal, Joël Baud-Grasset aime raconter et se raconter des histoires. « À dix ans, j’étais fier d’interpréter en patois Le Corbeau et Le Renard, l’une des références de la langue française. Ce vocabulaire chantant et pétillant donne à la fable de La Fontaine, une saveur particulière. » Aujourd’hui, le conteur intervient, seul ou avec son compère Joël Vindret, dans des lycées agricoles. Grenadou, paysan français, évocation de la vie rurale au début du xxe siècle est l’une de ses lectures préférées.

Curieux de tout, le montagnard s’est ouvert à d’autres milieux. Conseiller départemental réélu depuis vingt ans, il a souvent désarmé ses interlocuteurs par son bon sens paysan, surtout ceux qui se considèrent comme des « pro » de la culture. À la Fédération nationale des CAUE (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) qu’il préside­, il a d’abord été perçu comme un ovni. « Aujourd’hui, avec les architectes­ et les urbanistes, nous échangeons volontiers, car nous partageons quelque chose de fort : le sol et le milieu. » À 50 ans, l’agriculteur dispose encore d’une énergie capable de déplacer les montagnes. « De mon passage formidable chez les JA, j’ai gardé cet esprit effronté et combatif. Plutôt que de rester dans les organisations professionnelles agricoles, j’ai choisi de porter le message paysan au-delà de mon milieu d’origine. Si j’étais plus disponible, je créerais un bureau d’études en agriculture urbaine pour faire partager nos valeurs de la ruralité et reconnecter les urbains avec le vivant. »

Anne Brehier

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