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Marianne, l’écorceuse du mont d’or

Sur leur Route du lait, en Suisse, Colette Dahan et Emmanuel Mingasson ont rencontré Marianne dont le métier de sanglière est indissociable du vacherin mont d’or.

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À la fromagerie du Séchey, dans la vallée de Joux, en Suisse, le vacherin mont d’or est toujours fabriqué de façon artisanale. En cette fin octobre, la fromagerie fleure bon la sangle d’épicéa. « Cela fait vingt-trois ans que je prends mes vacances à l’automne pour aller au bois. Mais c’est ma dernière saison. Peut-être aujourd’hui ma dernière coupe. » Ce n’est pas l’âge qui a décidé Marianne, parce que ses envies de bouger pour les années à venir sont grandes : ski de fond, VTT dans la forêt, randos, bien qu’à la soixantaine passée la pénibilité du travail pèse également dans sa décision. « Lorsqu’ils élaguent les troncs, les grosses branches restent au sol, n’importe comment, et sur une belle hauteur. Il est pénible de naviguer parmi les troncs abattus pour trouver celui qui donnera des sangles assez longues, sans nœuds. Et lorsqu’on repart avec son lourd chargement dans le dos, il est facile de trébucher. » Nous la croyons sans peine. Il n’y a qu’à nous regarder patauger dans cet enchevêtrement de branches traîtresses.

Entre l’écorce et le bois dur

Malgré tout, la première difficulté pour Marianne c’est d’avoir accès au bois. Elle doit pour cela être dans le réseau des gardes forestiers afin de savoir quand aura lieu un abattage. Puis il lui faut arriver avant le débardeur car « en tirant les troncs, la machine enlève les couches superficielles et en même temps le liber(1) ». Voici donc, située entre l’écorce et le bois dur, cette partie vivante du bois où circule la sève, et dont on fait les sangles à mont d’or.

Voilà, nous nous sommes frayé un chemin dans la jungle, Marianne a trouvé un tronc qui pourrait convenir. Tout d’abord, écorcer. Pas trop, juste ce qu’il faut pour ne rien abîmer, à l’aide d’un écorçoir (plumet en français ; d’ailleurs, en France, on n’écorce pas, on déshabille). L’écorce retirée, la curette (cuillère en français) entre en jeu. Véritable instrument de précision, son gabarit permet de lever une sangle à la largeur et l’épaisseur souhaitées. Pour peu que la main sache le guider. Auparavant, Marianne a entaillé le tronc sur sa circonférence, d’un trait de cutter tous les 50 centimètres, repères de découpe correspondant au tour de taille d’un mont d’or moyen. « Voilà un paquet de 10 mètres. J’ai gagné 5 francs. » Pas encore, car de retour à la maison, il restera à mettre les sangles à sécher. Marianne recevra le fruit de son travail au fur et à mesure de la vente.

Colette Dahan et Emmanuel Mingasson

www.unansurlaroutedulait.org

(1) Tissu végétal secondaire contenant la sève élaborée.

© emmanuel Mingasson - Dans la fromagerie, les sangles nécessaires à la fabrication du jour seront mises à bouillir une heure durant. Pour des raisons sanitaires, pour les assouplir et leur permettre de développer leur parfum.emmanuel Mingasson

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