Sur l’alpage du col de Khargush
Au Tadjikistan, Colette Dahan et Emmanuel Mingasson sont allés à la rencontre des bergers qui fabriquent le kurut.
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«Entrez vite, il fait froid ! » La porte refermée, seule la lumière filtrée à travers un petit carreau éclaire l’abri de pierre où nous tenons juste debout. C’est une bonne chose que cette pénombre. Elle dévoile avec pudeur une habitation humble et bien tenue. Devant nous, le sol en terre battue, de plain-pied jusqu’au fourneau sur lequel ronronnent deux bouilloires. Derrière, une couverture dissimule l’entrée d’une remise où sont stockées les réserves de nourriture, essentiellement des sacs de brisures de riz et de farine, les transformations laitières de cette saison d’alpage, et le fût à baratter le kéfir. La partie gauche de la pièce principale a été surélevée et la terre battue recouverte de tapis et de coussins. Sur cette petite estrade se passe la vie de la famille : à un bout, les matelas pour la nuit, à l’opposé et près du fourneau, l’endroit où l’on prend ses repas et où Gulkarava vient de déposer devant nous du thé, du beurre, des bonbons, du pain. Une heure plus tard, nous avons sorti nos livres et ils ont tout compris de ce que nous souhaiterions. Demain, nous verrons plein de choses. Pour le moment, il est 19 heures, et grand temps d’aller traire les vaches.
Chauffer le kéfir
[…] La traite est terminée, les moutons et les chèvres sont dans leur parc, les chiens à leur poste. Gulkarava s’occupe du dîner, Gulraftor recharge le poêle, Salualo a allumé la lampe à pétrole, permettant à la lumière de gagner un peu sur la pénombre. De l’appentis mitoyen nous parvient l’odeur du feu de bouses séchées allumé sous le babeurre en fin d’après-midi. « Pour chauffer le kéfir, il faut les couper en petits morceaux. Mais là, pour fabriquer le kurut, il faut des morceaux plus gros », nous avait expliqué Gulkarava en débitant les bouses, dures comme du bois. Demain matin, il restera du babeurre une pâte chaude et souple. Disposée sur des morceaux de tuiles en fibrociment, elle en épousera en séchant le dessin et la forme arrondie. Les ancêtres perses de Gulkarava fabriquaient le kashk ainsi, tuiles en fibrociment excepté. Le repas est prêt. Nous sommes assis en rond autour du plat de riz au lait salé, dans lequel chacun plonge sa cuillère. À l’heure d’aller dormir, Solé et Salualo tiennent à nous raccompagner jusqu’à la voiture. « Spakoïni notche ! Bonne nuit. » Des myriades d’étoiles brillent dans la nuit noire. Parmi elles, la voie lactée. Dans un environnement de montagnes somptueuses, le cadeau de l’univers à l’une des populations les plus pauvres du monde.
Extrait du livre de photos de Colette Dahan et Emmanuel Mingasson Voix lactées. www.unansurlaroutedulait.org
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