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Hubert Bricout, bientôt franco-polonais « DES FERMES SONT LIBRES AILLEURS, N'HÉSITONS PAS À NOUS EXPATRIER »

© C.H.

Un Français sur une ex-ferme d'État polonaise, c'est le pari d'Hubert Bricout en 1997. Pari gagné avec son épouse Agnieszka.

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Tout le monde peut-il tenter l'aventure à l'Est ? La réponse est non. Il faut l'envie d'entreprendre, un brin de folie, vivre loin de son pays et retrousser ses manches. C'est dans cet esprit qu'Hubert Bricout s'installe en 1998 à Wolin, à la pointe nord-ouest de la Pologne. « Les contraintes imposées aux agriculteurs français désireux de se développer, l'ambiance morose après la Pac de 1992, les possibilités qu'offraient les ex-pays communistes, tout m'incitait à me tourner vers l'Europe de l'Est », raconte ce fils d'agriculteur picard.

FONCEUR

À 25 ans, il loue une ferme d'État de 900 ha et 120 vaches, associé à l'ancien directeur. « La ferme était dans un état catastrophique, à l'image de la filière laitière polonaise. » L'exploitation vendait 800 l par jour. Les vaches étaient à l'attache et traites au pot. L'alcoolisme et le vol par les salariés étaient monnaie courante. Bref, Hubert avait le mordant de sa jeunesse, resté intact quinze ans après. Avec sa femme Agnieszka, il est à la tête aujourd'hui de 1 590 ha dont 500 ha destinés aux 430 holsteins (4 Ml). « Des vaches à 9 930 kg, précisent-ils, non sans fierté. Nous avons progressivement amélioré les bâtiments existants, au départ avec peu de moyens. Aujourd'hui, nous investissons pour que ça dure. » Ils viennent de construire un bâtiment de 1 000 m2 en bardage métallique pour 250 000 €.

PRODUCTEUR LACTALIS

L'autre investissement (90 000 €) est un appentis de 52 logettes. « Lactalis nous les a prêtés contre un engagement de trois ans. » Le groupe implanté près de Varsovie parcourt 550 km tous les jours, depuis 2009, pour ramasser ses 11 000 l de lait et le double chez son voisin. « En 2009, le prix du lait est tombé à 160 €/1 000 l. Marek et moi avons menacé notre laiterie de ne plus la livrer, sans résultat. Nous avons opté pour Lactalis. Il n'est pas le meilleur payeur, mais il offre la stabilité. Pour lui, c'est une aubaine de collecter deux fermes à 11 Ml. » L'éleveur a perçu 320,84 €/1 000 l(1) sur 2012, pas loin de ses collègues français mais au-dessus des collègues polonais. Eux ont touché en moyenne 290 €/1 000 l.

ENRACINEMENT

L'éleveur ne fait pas partie de ces expatriés qui, faute de comprendre les gens du pays, s'enferment dans leur univers. Lui prend tout des Polonais : « Leur fierté nationale et leur mentalité chapardeuse. » Son mariage avec Agnieszka, en 2001, est sa première attache. L'achat du corps de ferme et de 400 ha il y a trois ans contribue à son ancrage professionnel. Parlant couramment polonais, il en aborde un troisième : l'obtention de la nationalité polonaise. Arrêter en si bon chemin n'est pas son genre. Il vise 600 vaches en 2015. « Je me prépare à l'après-quotas et à la prochaine crise laitière, car il y en aura d'autres. » Les 250 000 € qu'il a réinjectés en 2009 restent un souvenir cuisant. « Je veux aussi pérenniser l'emploi de mes 25 salariés par plus de productivité. » On reconnaît bien là sa double démarche : l'attachement au pays et le business.

CLAIRE HUE

(1) À 38,3 de TB, 34,1 de TB et en qualité super A pour 1 € à 4,18 zlotys.

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