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Jean-Denis Vigne, archéozoologue « NOUS REMONTONS AUX ORIGINES DE LA PRODUCTION LAITIÈRE »

© FABIAN CHARAFFI

Domestiquer les bovins pour la viande ou pour le lait ? Telle est la question à laquelle il cherche une réponse depuis des années.

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Ce globe trotteur parcourt le monde à la recherche de squelettes d'animaux et de poteries. À 8 ans, il cherchait déjà des fossiles ; à 14 ans, il se rêvait paléontologue et les hasards de la vie l'ont mené sur la voie de l'archéozoologie. Il s'agit d'étudier les restes des animaux (os, dents, cornes, etc.) afin de comprendre les relations que les groupes humains entretenaient avec les animaux dans le passé (domestication, diffusion des animaux, etc.). Au fil de ses recherches en compagnie de son collègue au CNRS, Daniel Helmer, ils en viennent à émettre des doutes sur l'opinion classique selon laquelle la domestication des ovins, caprins et bovins a été motivée par l'engraissement, l'exploitation laitière n'étant apparue que postérieurement.

RESSOURCES CARNÉES ET LAITIÈRES

Les deux chercheurs en sont convaincus : l'élevage de ces mammifères a eu, dès le début, le double objectif d'en retirer des ressources carnées et laitières. Il restait à le prouver, mais comment ?

DOMESTICATION

Ce qui est établi, c'est que la domestication du petit bétail fut un processus lent, qui a duré des siècles et que l'on peut dater d'environ 8 500 ans avant J.-C. En effet, la mise en captivité agit directement sur les flux hormonaux et provoque un certain nombre de modifications morphologiques, dont la diminution de la taille des bêtes. Les squelettes permettent aussi de déterminer les profils d'abattage. Si les os retrouvés sont ceux d'adultes, on peut en déduire qu'il s'agissait d'animaux utilisés pour la traction, les os de jeunes adultes indiquent une consommation de viande et ceux d'agneaux, chevreaux et veaux laissent supposer une consommation lactée. « Un fort pic d'abattage vers six à neuf mois, qui ne peut pas viser une production de viandedurable, caractérise un élevage laitier », d'après Jean-Denis Vigne. Cette analyse des profils d'abattage, associée à celle de l'émail dentaire pour cerner les variations alimentaires des veaux, croisée avec les résultats des recherches sur les poteries, devrait apporter de nouvelles réponses.

ANALYSE

Bien que la production de lait laisse peu de traces susceptibles d'alerter l'archéologue, l'analyse des résidus organiques, plus précisément des lipides présents dans les poteries, a permis d'importantes découvertes. Grâce à cette technique biochimique, on a pris conscience que des récipients percés n'étaient pas, comme on le croyait jusqu'alors, des faisselles et qu'au contraire, bien des vases à l'apparence anodine avaient contenu du lait, souvent pour la cuisson. « D'ailleurs, la mutation génétique humaine permettant la tolérance au lactose, apparue environ 7 000 ans avant J-C, a contribué, en Europe, à la transition d'un mode de vie de chasseur à une destinée agricole, même si on en ignore encore les modalités », précise-t-il. Une autre question sur laquelle se penchent les archéozoologues.

NADIA SAVIN

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