Journée laitière en Loire-Atlantique Deux années d’embellie, et après ?
Renouant avec ses retrouvailles annuelles après les années Covid, la filière laitière de Loire-Atlantique a pris acte des bons revenus des éleveurs depuis 2022 et des signaux encourageants du marché. Des faits positifs en décalage avec les inquiétudes exprimées par l’assemblée.
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Plus de 300 personnes ont assisté à la journée laitière départementale organisée le 22 février dernier à Orvault par le Comité professionnel laitier de Loire-Atlantique (chambre d’agriculture et représentants de la filière). Face à l’assemblée, Benoît Rouyer, économiste au Cniel, a pointé plusieurs bonnes nouvelles, en particulier un résultat historique en 2022 à 54 400 euros par équivalent temps plein non salarié dans les exploitations laitières. « Ce résultat est sans commune mesure avec celui des trente dernières années », souligne-t-il. Par ailleurs, « la demande mondiale en produits laitiers reste soutenue tandis que la production ralentit, complète l’économiste. Et en France, le marché de détail fait preuve de résilience malgré le contexte de forte inflation ».
Invités en table ronde, les représentants des transformateurs renchérissent. « Soyons positifs, déclare Pascal Lebrun, éleveur dans la Manche, président du métier lait de vache conventionnel chez Agrial. Dans notre secteur bien organisé, la loi Egalim a fonctionné. Nous avons pu passer des hausses pour les produits vendus en France. » Christophe Miault, éleveur en Loire-Atlantique et président de la commission lait de Terrena, ne dit pas autre chose.
Décalage entre les chiffres et le ressenti
« Il y a des passages difficiles mais aussi des passages plus faciles : nous avons de belles années devant nous, j’ose y croire », exprime, de son côté, Jérémy Maillard, président de la Fédération départementale des producteurs de lait. Tout en soulignant : « La loi Egalim a mis trop de temps à entrer en fonctionnement. Nous avons accumulé du retard. »
Ce retard explique-t-il la morosité s’exprimant ce jour-là dans la salle ? « Beaucoup d’éleveurs ne connaissent pas encore leurs résultats 2023 mais pour la plupart, ils seront bons à nouveau, confie en aparté Pascal Lebrun. Il est vrai que les trésoreries se tendent avec des prix d’intrants élevés et l’effet des cotisations MSA calculées sur 2022. Mais il y a un décalage entre la réalité des chiffres et le ressenti. » Pour Christophe Miault, « le monde laitier est habitué à un revenu stable, certains sont mal à l’aise avec les variations. Au quotidien, les éleveurs suivent deux indicateurs : le prix du lait et celui des concentrés. Leur ressenti vient de là. Aujourd’hui, le prix d’équilibre dans les projets d’installation est de 400 euros alors qu’il était de 320 euros en 2021. J’espère que le prix du lait demeurera au-dessus de 400 euros mais je ne peux pas le garantir. C’est pourquoi les coopératives doivent soutenir les jeunes installés. Et les éleveurs davantage apprendre à gérer les aléas. Mais nous sommes confiants. »
« Vous signez pour un bail ! »
Pour les économistes du Cniel, Benoît Rouyer et Gérard You, il existe une majorité silencieuse reconnaissant que la situation est favorable. Mais l’expression de difficultés dans ce contexte positif pour le marché laitier vient probablement du manque de confiance quant à la stabilité de cette situation dans le futur. Ainsi que d’un malaise général relatif à la reconnaissance du métier d’agriculteur, fortement exprimé au cours des manifestations des dernières semaines. « Le prix moyen du lait est actuellement au niveau confortable de 430 euros les mille litres, avec des différences entre laiteries en fonction de leurs marchés. Mais comment inscrire ce prix dans la continuité ? En 2023, le niveau des charges est plus élevé et le prix des céréales a baissé : les revenus seront donc moins bons qu’en 2022. Or le ressenti des éleveurs s’exprime sur le moment présent. La production laitière représente des investissements lourds : quand vous vous installez, vous signez pour un bail ! Il faut de la sécurité. Il y a donc un vrai enjeu pour les laiteries à sécuriser le prix payé aux éleveurs. »
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