« FIENTE DE VOLAILLE-FUMIER CONTRE FOURRAGES »
Malgré les 40 km qui les séparent, le Gaec du Mûrier, dans la Loire, entretient un partenariat avec des céréaliers de la plaine de Lyon.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
EXCEPTIONNELLEMENT VERT CETTE ANNÉE, LE PAYSAGE DES COTEAUX DU JAREZ est généralement plutôt desséché. Dans cette région proche de Saint-Étienne, en limite du Rhône, les terrains pentus sont superficiels et le vent du sud très séchant. « Depuis une décennie, les années sont de plus en plus atypiques et une sur deux est sèche », précise Jean-Luc Guyot, l'un des six associés du Gaec. Sur les 70 ha de prairies temporaires et 40 ha de prairies permanentes fauchées en première et deuxième coupe, les volumes récoltés sont très variables. « Ici, on est précoce, explique le jeune éleveur. Si mars-avril est sec et qu'il ne pleut pas tous les quinze jours, ça devient difficile. C'est pourquoi nous faisons beaucoup de luzerne dans nos mélanges. Les céréales de printemps sont ensilées au stade grain laiteux quand elles poussent et qu'il ne fait pas trop sec. 2012 a été exceptionnelle. Nous avons rentré 9 à 10 t de MS/ ha, ce qui équivaut largement en grains à 50 q/ha, contre 1 t seulement l'an passé ! »
« UN ENGAGEMENT MUTUEL ET TACITE DEPUIS 2005 »
Avec des rendements de 1 à 9 selon les années, l'exploitation a des besoins structurels en fourrages et en paille. En système bio depuis 2011, le Gaec élève ses 300 animaux (dont 100 laitières et une trentaine d'allaitantes) sur aire paillée. Même si ce choix est gourmand en paille (1 t/j en hiver pour entretenir l'aire de couchage des laitières), c'est un atout agronomique. « Nos sols superficiels ont besoin de fumier », souligne Laurent Brousset, autre associé du Gaec. Pour sécuriser et pérenniser son système de production, le Gaec du Mûrier a développé un partenariat avec deux céréaliers bio de la plaine de Lyon. « Autour de nous, il n'y a pas de possibilité d'approvisionnement local, précisent les éleveurs. En année sèche, à l'exception de quelques producteurs qui peuvent irriguer, tout le monde achète. Les ETA elles-mêmes descendent dans la plaine de Lyon ou du Forez chercher de la paille et des fourrages. »
En cédant du fumier ou de la fiente de volaille, le Gaec récupère du foin et de la paille, exceptionnellement du maïs en 2011. Cette année, 170 t de paille, 100 bottes de luzerne (30 t), 200 bottes de foin de prairies mélangées (60 t), 200 t de fumier bien mûr (stocké six mois au champ) et 45 t de fientes ont été échangées. En 2011, une année très sèche dans les coteaux du Jarez, 400 balles de luzerne, 120 bottes de foin de prairies mélangées, 200 ha de paille et 10 ha de maïs sur pied avaient été achetés par le Gaec. Un prix qualifié de « raisonnable » est fixé à chacun des produits (55 €/t pour la paille, 135 €/t pour les premières coupes de luzerne ou de trèfle, 160 €/t pour les regains. Le fumier a été évalué à 10 €/t.
« NOUS N'AVONS RIEN À VENDRE, MAIS PLUTÔT UN SERVICE À RENDRE »
« Notre but n'est pas de vendre le fumier, notent Jean-Luc et Laurent. Nous n'avons pas réellement d'excédents à exporter. C'est plutôt un service que nous proposons à nos collègues céréaliers pour accéder à leur paille. » Leur en donner un peu ne fait pas défaut à l'exploitation. Le Gaec n'achète en effet aucun engrais azoté. Les prairies proches du bâtiment des laitières sont fertilisées avec le lisier, les plus lointaines avec du compost. « Beaucoup de parcelles ne sont pas épandables à cause des pentes. » Intéressant pour les deux parties, l'échange a débuté il y a sept ans. « Nous nous sommes rencontrés par l'intermédiaire de l'Ardab (Association des agriculteurs bio du Rhône et de la Loire) et nous avons sympathisé. Convertis au bio, nos collègues Jean-Charles et Philippe avaient diversifié leur assolement. Ils cherchaient des débouchés pour la luzerne et le trèfle violet, introduits dans leurs nouvelles rotations, ainsi que de la matière organique pour leur sol. En 2005, comme très souvent chez nous, il faisait sec. Nous avions besoin de foin », explique les éleveurs.
« NOS COLLÈGUES CÉRÉALIERS TRAVAILLENT COMME LES ÉLEVEURS »
Depuis, pour travailler le plus efficacement possible, les agriculteurs se sont équipés. Pour rapatrier la paille en balles carrées récupérées au champ, le Gaec a investi 15 000 € dans un plateau de 11 m de long. « Travailler avec des camions, c'est cher et pas toujours simple, alors que la remorque sert aussi sur l'exploitation. » De leur côté, les céréaliers se sont équipés en matériel de récolte de fourrages. « Avec Philippe et un autre voisin non bio, nous possédons désormais toute la chaîne de fenaison, explique Jean-Charles Jocteur, l'un des partenaires céréaliers du Gaec, la faucheuse de 7 m de large, deux faneuses de 6 m, deux andaineurs et une presse 120 x 60. Pour rentabiliser cette machine, Philippe fait un peu d'entreprise. » Les céréaliers lyonnais se sont aussi organisés pour trouver un épandeur plus proche de chez eux. « Au début, ils venaient chercher celui de notre Cuma, précise Jean-Luc. C'était un peu loin. Pour parcourir les 40 km qui nous séparent, il faut en effet compter deux heures et demie de tracteur sur des axes routiers très fréquentés. »
Malgré ces contraintes, le Gaec dresse un bilan très positif de son système d'approvisionnement. « C'est dur d'admettre qu'il faut acheter, reconnaît Laurent. Mais avec nos échanges, nous sommes sûrs d'avoir du foin de qualité à des tarifs raisonnables, équivalents à ceux qui se pratiquent en conventionnel. Et sans spéculation. En 2011, alors que la paille se vendait à des prix fous, nous sommes ainsi restés à 55 €/t (pressage compris). Même chose pour le foin. »
Les associés du Gaec du Mûrier apprécient également la qualité des fourrages produits par leurs collègues. « Jean- Charles et Philippe travaillent comme des éleveurs. Ils font attention à la façon et au stade auquel ils récoltent l'herbe. Cette année, ce dernier a été un peu dépassé à cause de la pluie. Nous travaillons en confiance dans le cadre d'une relation fondée sur un engagement mutuel et tacite. » Une condition indispensable pour surmonter les aléas incontournables dans un tel partenariat. Ainsi, cette année, alors que le printemps s'annonçait sec, les éleveurs ont finalement fait une année fourragère exceptionnelle. « Bien que nous n'en ayons plus besoin, nous prendrons le fourrage que nous avions commandé en fin d'hiver. Ça ne nous arrange pas, mais c'est le deal, déclare Jean-Luc. Heureusement, sur l'exploitation, nous avons la place de stocker. Nous pouvons mettre à l'abri 1 700 bottes de paille et de foin. » La qualité de la relation joue dans les deux sens. « Cette année, Jean-Charles avait besoin d'un peu plus de fumier, explique Laurent. Nous avons fait un effort pour satisfaire sa demande. En 2011, année fourragère très déficitaire chez nous, il nous avait dépannés en nous vendant 10 ha de maïs à ensiler, destinés à être vendus en grains. »
Pour accéder à l'ensembles nos offres :