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LEVER LES MALENTENDUS POUR PRÉPARER L'AVENIR

D'accord ou pas d'accord, quoi qu'on en dise, la construction de la relation financière éleveurs vétérinaires tourne autour du médicament. L'équilibre économique trouvé jusque-là doit bouger.

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LES RELATIONS ENTRE ÉLEVEURS ET VÉTÉRINAIRES SOUFFRENT-ELLES D'INCOMPRÉHENSIONS ?

De façon caricaturale, on pourrait les résumer ainsi. Les vétérinaires reprochent aux éleveurs de ne pas reconnaître suffisamment les services qu'ils leur apportent. Les crispations s'expriment autour des interventions d'urgence. Certains éleveurs font appel à eux encas d'absolue nécessité, sans s'inscrire parallèlement dans un accompagnement régulier. Autre motif de grief : le refus des éleveurs de payer à sa juste valeur la démarche de suivi conseils que les vétérinaires sont de plus en plus tentés de leur proposer.

Du côté des éleveurs, les principaux reproches portent sur le prix des médicaments qu'ils jugent élevé et sur l'obligation de se fournir chez leur praticien, la vente parles pharmaciens n'étant pas autorisée. « Des vétérinaires délivrent même l'ordonnance à leur cabinet pour être sûrs que nous achetions bien les médicaments chez eux », s'insurge un éleveur. « Certains confrères sont devenus “labo-dépendants”, confirme un vétérinaire de l'Ouest. La centrale d'achat à la quelle j'achète mes médicaments me conseille d'appliquer une marge de 36 %. Ces collègues sont bien au-delà. »

Dans les deux cas, lorsque les désaccords sont profonds, ne reposent-ils pas tout simplement sur un manque de considération ? Il arrive que des vétérinaires, de par leur formation, prennent les éleveurs de haut, tout comme des éleveurs estiment les praticiens à leur entière disposition.

Malgré tout, la question du médicament est centrale. Elle renvoie au mode de facturation des vétérinaires, mais aussi aux relations qu'ils entretiennent avec les laboratoires de médicaments. « Ils appliquent une hausse de 2 à 3 % chaque année. Pour ne pas augmenter la facture globale de l'éleveur, la profession a petit à petit dévalorisé ses actes vétérinaires », justifie Christophe Brard, président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), et vétérinaire dans les Pyrénées-Atlantiques. « La remise accordée par le laboratoire sur les médicaments vendus est de 60 000 par an. Cela a permis l'embauche d'un vétérinaire supplémentaire et contribue à la rentabilité globale du cabinet, confie un confrère. Il ne faut pas oublier que nous sommes à la tête de petites entreprises qui rémunèrent des salariés, font face à des charges en plus de notre rémunération. »« Ces remises arrière posent un problème éthique, juge Alexandre Fauriat, jeune vétérinaire à Boën (Loire) dans un cabinet en convention avec l'association d'éleveurs Copav (voir page suivante). Elles signifient que plus un vétérinaire vend des médicaments, mieux il gagne sa vie.»

ÉLEVEURS–VÉTÉRINAIRES LABORATOIRES : UN TRIO INFERNAL

Voilà trente ans que son cabinet développe une autre approche. Les 95 d'éleveurs adhérents paient un forfait annuel, qui s'élève aujourd'hui à 34 € l'unité d'intervention vétérinaire (la vache et son veau jusqu'au sevrage), ceci quelque soit le nombre d'interventions effectuées dans l'année. Encontre partie, la marge appliquée aux médicaments achetés au cabinet est réduite (voir aussi page suivante). « Untel système fonde notre rémunération principalement sur nos prestations. Nous gagnons deux fois moins qu'un vétérinaire libéral, mais la relation que nous entretenons avec les éleveurs nous satisfait pleinement », souligne Alexandre Fauriat. Le prix du médicament, la rémunération des vétérinaires… à Boën, tout est mis sur la table. « Si nous connectons prix des médicaments et remises arrière pour qu'ils soient moins chers, il faut augmenter le prix du forfait, décortique-t-il. Si les remises arrière sont supprimées, comme cela a été évoqué l'an passé dans le cadre d'une réflexion législative, il faut supprimer un poste de vétérinaire. Ce serait au détriment du service apporté aux éleveurs. L'autre solution serait d'augmenter le prix du forfait annuel. » Cette réflexion menée avec ses trois collègues et la Copav depuis un an traduit toute la complexité de la relation économique qui s'est construite au fil des années entre éleveurs, vétérinaires et laboratoires pharmaceutiques. Ce tricotage s'appuie sur l'autorisation accordée aux vétérinaires de vendre les médicaments. L'ordre des pharmaciens, lui, réclame la dissociation prescription délivrance, tout comme la toute nouvelle association Anarev (Association nationale pour l'amélioration des relations éleveurs-vétérinaires). Elle défend le libre choix du fournisseur de pharmacie vétérinaire (http://www.anarev.com).

La FNSEA, elle, n'en fait pas un cheval de bataille. « Nous voulons plus de transparence sur la fixation du prix du médicament. En revanche, sa prescription et sa délivrance sous la responsabilité des vétérinaires ont permis jusque-là le maintien d'un maillage de la profession dans les campagnes. Il est essentiel», indique Pascal Ferey, vice-président de la FNSEA. La volonté des pouvoirs publics de réduire de 25 %l'usage des antibiotiques met en lumière toutes les facettes de ce débat. Moins d'antibiotiques signifie plus de prévention, donc des éleveurs mieux formés et plus accompagnés par leurs vétérinaires. Les un set les autres accepteront-ils cette mutation, les producteur sen rémunérant davantage l'acte et le conseil, les vétérinaires en leur transférant un peu de leurs compétences ? Face à la baisse du nombre d'éleveurs, ont-ils d'ailleurs vraiment le choix ? La féminisation de la profession de vétérinaire, le développement de l'activité canine et équine dans les cabinets, jugée plus rentable et moins contraignante, sont autant de risques à la pérennité de ce que les vétérinaires appellent « la rurale ». Une situation que connaissent déjà les éleveurs dans les régions où leur nombre a bien diminué ces dernières années. Faire appel à un praticien quand un animal est malade peut tourner à la véritable galère. Il revient donc aux éleveurs de se montrer attrayants, prêts à nouer un partenariat durable pour conserver le service actuel.

PLUS À L'ÉCOUTE DES BESOINS DES ÉLEVEURS

De leur côté, face à la volonté clairement affichée des organismes de conseil (OCL, centre de gestion, chambres d'agriculture, etc.) d'offrir de nouvelles prestations, la profession vétérinaire n'a-t-elle pas tout intérêt à consolider la relation avec sa clientèle ? Christophe Brard, président de la SNGTV, le formule à sa façon en lançant un appel aux éleveurs : « Nous souhaitons qu'ils expriment clairement leurs attentes. Plutôt que d'appeler dix fois le vétérinaire pour un problème de veaux, par exemple, pourquoi ne pas mettre en place un plan de suivi. L'éleveur y a techniquement et économiquement tout à gagner. »

Cette approche plus globale du troupeau est au coeur du plan Ecoantibio 2017 que lance le ministère de l'Agriculture pour réduire l'usage des antibiotiques. Chercheurs, éleveurs, vétérinaires et laboratoires pharmaceutiques, tout le monde devra se retrousser les manches pour relever ce défi. Les fonds Vive a devraient être activés pour un plan de formation massif des éleveurs.

CLAIRE HUE

(1) www.agriculture.gouv.fr, voir« Ecoantibio 2017 » sur la page d'accueil du site.

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