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« PRODUIRE PLUS SANS FRAGILISER L'ÉQUILIBRE DE L'EXPLOITATION »

L'investissement récent dans un roto de 28 postes était indispensable face à l'augmentation du troupeau.© D.G.

Sébastien Ligaud a su cumuler productivité du travail et maîtrise des coûts de production dans un système intensif peu banal en zone de déprise laitière.

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DANS LE DÉPARTEMENT DE LA VIENNE, le départ à la retraite des parents est souvent fatal à la production laitière », note Sébastien Ligaud, éleveur laitier désormais entouré de céréaliers dans son canton. Pour ceux qui sont restés attachés à l'élevage, la déprise laitière, c'est d'abord la difficulté de trouver de l'entraide pour les gros chantiers.

Ensuite, il faut conserver sa motivation d'éleveur quand les voisins céréaliers travaillent quasi à mi-temps. Pour Sébastien, il n'était pas question de faire autre chose que du lait, par goût bien sûr, mais la structure l'imposait aussi. « Je me suis installé en 1997 avec 83 ha de SAU et 430 000 l de quotas. La pression foncière est telle ici que je n'ai pas beaucoup agrandi ma surface. » Peu d'hectares disponibles mais du quota, oui !

« UNE PROGRESSION DE 100 000 L PAR AN »

À partir de 2007, année d'installation de son épouse en EARL, le droit à produire a progressé d'environ 100 000 l par an pour un quota qui atteignait 1,025 million de litres en 2011- 2012. Ce volume est produit sur moins de 100 ha de SAU, séparés en deux blocs distants de 5 km et avec un potentiel agronomique très moyen (55 q en blé). Le tout est sans irrigation et dans une région qui reçoit, en moyenne, 500 mm de pluie depuis quatre ans. Allons tout de suite au résultat : 160 000 € d'EBE cette année pour 80 000 € d'annuités.

« L'un des atouts de Sébastien Ligaud est d'avoir toujours approché au plus près son droit à produire. Certes, nous bénéficions cette année d'une conjoncture très favorable. Mais même en 2009, avec 130 000 l de quota de moins qu'aujourd'hui et un prix du lait à 280 €, il affichait un EBE à 96 000 qui n'a pas mis la trésorerie en danger », note Nicolas Lambert de Cogedis- Fideor. À plus de 10 000 l/ha, l'exploitation atteint un niveau d'intensification peu commun dans la région, couplé à une productivité du travail très supérieure à la moyenne française : 400 000 l/UTA.

Dans ce contexte intensif, Sébastien a su maîtriser son coût alimentaire : 114 €/1 000 l. Cela passe par une forte proportion de cultures dérobées : 30 ha de ray-grass ensilés avant le maïs, et 17 ha de sorgho sucrier semés après l'ensilage des céréales immatures, ces dernières étant réservées à la ration des génisses. Hormis les vaches taries et les génisses, il y a très peu de pâturage dans le système fourrager. Les 110 vaches en production ont accès à 12 ha de prairies dont la fonction première est de préserver la santé des membres.

« UNE GRANDE SENSIBILITÉ AUX ALÉAS CLIMATIQUES »

« J'accorde une attention particulière à l'alimentation. C'est la clé de voûte de la production laitière qui détermine l'état sanitaire du troupeau. Avec plus de 100 vaches, il faut d'abord que cela reste simple. Ensuite, pour économiser ce qu'il y a de plus cher, le concentré azoté, j'associe au maïs un ensilage d'herbe de qualité. Enfin, je ne cherche pas à maximiser les performances individuelles mais des vaches entre 8 500 et 9 000 kg, en bonne santé et qui vieillissent bien. C'est avec ce cahier des charges que je confie le rationnement du troupeau au marchand d'aliment. Il a une obligation de résultat. Sinon, je change de fournisseur », explique Sébastien.

Sur la dernière campagne, les vaches ont consommé, en moyenne, 2 640 kg de concentré, acheté 324 €/t, pour 8 840 l produits par vache. Avec un chargement supérieur à 1,8 UGB/ha de SFP et un potentiel fourrager moyen (les rendements du maïs ensilage varient entre 8 et 14 t/ha de MS), l'exploitation est sensible aux aléas climatiques. L'an passé, la catastrophe a été évitée de peu. « Par sécurité, j'ai acheté 5,5 ha de maïs à un voisin : 1 300 /ha pour un rendement entre 10 et 11 t/ha. Avec des céréaliers irriguants, proches de l'exploitation, j'aurai toujours cette possibilité en cas de coup dur, mais les prix demandés sont souvent élevés. L'an passé, on m'a proposé du maïs à 2 300 / ha. S'agrandir de quelques hectares serait une solution, mais les tarifs d'achat sont prohibitifs (6 100 /ha) et les opportunités rares. Aberration de la Pac, j'ai 55 ha de jachères permanentes qui entourent mon exploitation. C'est rageant. »

« UNE CINQUANTAINE DE GÉNISSES CHAQUE ANNÉE »

Sébastien avait à subir un autre facteur limitant : un bâtiment saturé. L'augmentation rapide de la production impose d'élever 50 à 55 génisses chaque année, soit un total de 172 UGB à loger. L'an dernier, il a trait jusqu'à 120 vaches dans une salle de traite 2 x 6, soit trois heures matin et soir. Les investissements ont commencé en 2010 avec l'achat de tapis dans les couloirs et de matelas dans les logettes (33 000 €). « Le confort des animaux est incomparable. Je n'ai plus de gros jarrets et surtout, je n'ai plus à euthanasier trois vaches accidentées chaque année. » Ce printemps, l'éleveur a installé une salle de traite rotative de 28 postes et finalise la construction d'un bâtiment pour les génisses : 300 000 €.

« MES INVESTISSEMENTS SONT PROGRESSIFS ET RAISONNÉS »

Désormais, les 120 vaches sont traites en 1 h 10. « Cette année, le niveau des annuités devrait dépasser 85 000 puis retomber à 55 000 dans quatre ans, un niveau tout à fait acceptable au regard de l'EBE. Même en cas de baisse du prix du lait, l'exploitation conserve une marge de sécurité. Mais il faudra stabiliser le coût de production, aujourd'hui à 330 /1 000 l, dans un contexte d'augmentation du coût des intrants. Outre la prudence dans les dépenses, l'un des points forts de cette entreprise est d'avoir su raisonner les investissements », analyse Nicolas Lambert.

Le choix du roto répond aussi à la volonté de poursuivre la croissance de la production. « L'objectif est d'approcher 1,2 million de litres en 2013. Mais je n'irai pas plus loin. La main-d'oeuvre ne suivrait pas, ma vie de famille non plus », déclare Sébastien Ligaud. Il emploie un salarié à plein-temps. Actuellement en arrêt longue maladie, il a été remplacé provisoirement.

« LA CROISSANCE RAPIDE DE LA PRODUCTION A PLOMBÉ LE NIVEAU DE CELLULES »

Trouver un salarié compétent, capable d'assurer la traite au moins un week-end sur trois sera l'une des difficultés majeures pour ces exploitations laitières en zone de déprise laitière. Dès cette année, Sébastien se donne un autre challenge : réduire le niveau de cellules (300 000) plombé par la croissance du troupeau. « Je me pénalise sur le prix du lait, même si je compense avec de bons taux (33,8 de TP). J'ai du ménage à faire dans le troupeau. » Vous l'aurez deviné, l'investissement génétique est très orienté sur les fonctionnels et l'éleveur n'hésite pas à croiser avec la race montbéliarde pour aller chercher de la rusticité.

Les difficultés de fertilité à l'IA sont réglées avec un taureau de monte naturelle. « J'ai encore des marges de progrès pour améliorer le coût de production. Je resterai aussi très prudent sur les charges de mécanisation. Il n'y aura jamais de télescopique ici et les tracteurs à remplacer le seront par des achats d'occasion. »

DOMINIQUE GRÉMY

L'investissement récent dans un roto de 28 postes était indispensable face à l'augmentation du troupeau.

© D.G.

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