L'ACTE D'INSÉMINER N'EST PAS UN ABOUTISSEMENT
Au-delà de l'insémination, la maîtrise des objectifs de reproduction passe par la prévention et par une surveillance accrue des pathologies post-partum, en vue d'assurer la fécondité des femelles.
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POSER LES PAILLETTES EST À PORTÉE DE TOUS mais ce n'est qu'un geste qui intervient dans un processus global de gestion de la reproduction », prévient Claude Joly, vétérinaire à Lumbres (Pas-de-Calais), qui propose des formations pratiques aux éleveurs par l'intermédiaire de Reprogen, sa société. Autrement dit, l'éleveur ne peut pas espérer résoudre ses problèmes de reproduction par la seule prise en charge de l'acte d'inséminer. « Au mieux, il peut espérer améliorer le taux de réussite de 5 à 10 %, grâce à une meilleure maîtrise du moment de l'insémination », commente le praticien. La gestion de la reproduction ne se résume pas à un geste systématique. Elle passe par une détection précoce et individualisée des pathologies afin de réduire le nombre d'animaux réformés pour infécondité. « L'objectif d'un suivi de reproduction efficace est de réduire les causes d'infécondité en se fixant un objectif idéal de moins de 6 % de réformes sur ce critère. La réforme doit être considérée comme un échec car, dans la pratique, les vaches infertiles sont très rares. »
LA CYCLICITÉ DES CHALEURS
La détection des chaleurs comme marqueur de l'ovulation reste l'élément incontournable d'une bonne conduite de la reproduction. À ce titre, la tenue d'un planning prévisionnel (rotatif ou linéaire) facilite la détection. Chez les génisses, la première chaleur correspond à la puberté. Elle intervient autour de 10 à 12 mois, puis se répète en moyenne tous les 21 jours (entre 19 et 25 jours). Chez la vache laitière, la première ovulation intervient avant 50 jours après le vêlage, elle est souvent silencieuse. Par la suite, de nouvelles ovulations accompagnées de chaleurs se répètent selon le même cycle de 22 jours en moyenne. Le moment le plus propice à l'insémination intervient au moment de l'ovulation, c'est-à-dire 10 à 12 heures après la fin des chaleurs. La règle veut donc qu'une vache détectée en chaleur le soir soit inséminée le matin, tandis qu'une vache détectée en chaleur le matin est inséminée le soir. « Le respect de cette règle et une observation rigoureuse des chaleurs autorisent, sur des animaux sains, des taux de réussite de 65 %. L'objectif consiste à aller chercher une amélioration des résultats de reproduction sur les 35 % restants », estime Claude Joly.
LA REPRODUCTION COMMENCE AU VÊLAGE
Pour détecter précocement les pathologies sources d'infécondité, la surveillance accrue des animaux dans les 15 jours qui suivent le vêlage est fondamentale. Au cours de cette période, trois paramètres sont révélateurs de la bonne santé de l'animal : une température inférieure à 39°C le matin, une bonne ingestion et une courbe de lactation conforme, c'est-à-dire une production de lait qui augmente progressivement. « Si ce tryptique est au vert, dans la plupart des cas, la vache est capable de se défendre contre les risques d'infection de l'appareil génital. En revanche, le non respect d'un de ces trois paramètres est un critère d'alerte à partir duquel il convient de définir un protocole d'intervention, avec un niveau de médicalisation adapté. » Cette surveillance post-partum (après vêlage) est naturellement accrue à la suite d'une mise bas difficile, appelée dystocie. Car cet événement est favorable aux infections de l'appareil reproducteur par des germes d'environnement. Aussi, les règles d'hygiène doivent être respectées : une zone de vêlage propre, laver ses mains et la vulve de la vache, désinfecter tous les ustensiles utilisés pour l'intervention, ne pas délivrer les vaches manuellement afin d'éviter tout risque de blessure de l'appareil génital. La délivrance, ou expulsion des enveloppes, est une étape qui se déroule sur 24 heures, qu'il convient de ne pas brûler par une surmédication inadaptée.
PRÉVENIR LES MÉTRITES ET AUTRES INFECTIONS CHRONIQUES
Une recommandation qui s'applique aussi lors de suspicion de métrites, infections chroniques (sans atteinte de l'état général de la vache) ou aiguës (avec atteinte de l'état général) de l'utérus. La métrite aiguë est souvent due à un accident lors de la mise bas. Elle apparaît dans les 2 à 15 jours après le vêlage, se traduit par des écoulements blanchâtres au niveau de la vulve et peut évoluer vers une métrite chronique qui se déclare environ trois semaines après le vêlage. Les écoulements sont alors permanents et les chaleurs irrégulières. C'est pourquoi l'impact du moment du diagnostic est essentiel pour renforcer l'efficacité du traitement. « On considère que trois semaines après le vêlage, il ne doit plus y avoir d'écoulements. Avant trois semaines, si le tryptique température, ingestion et courbe de lait est au vert, il n'y a pas lieu de traiter. En revanche, le dérèglement d'un des trois paramètres doit permettre de détecter précocement une métrite aiguë. » Des interactions alimentaires favorisent l'apparition des métrites et peuvent être prévenues par les pratiques de rationnement : l'excès d'azote au tarissement et un déficit énergétique en début de lactation. Les déficits d'apports minéraux au tarissement en Ca, Mg, Vit E, Se ou les excès de phosphore qui limitent la capacité de purgation des enveloppes après le vêlage.
L'INVOLUTION UTÉRINE, UNE CONDITION PRÉALABLE
Dans la chronologie des événements post-partum, la métrite est souvent associée à un retard d'involution utérine. Il s'agit d'un phénomène physiologique qui se déroule entre 20 et 50 jours après la mise bas, et au cours duquel l'utérus va retrouver sa taille et son poids normaux. Au cours de ce processus, le tissu qui tapisse l'utérus est renouvelé. « C'est une condition préalable à toute nouvelle gestation », rappelle Claude Joly. Ce n'est qu'à l'issue de l'involution utérine que l'insémination est possible. C'est à cette étape, autour de trois semaines, que peut intervenir un premier examen gynécologique qui permettra de contrôler l'état de l'involution. Les événements infectieux ne sont pas les seuls responsables du retard d'involution. La diminution de l'immunité liée à une carence en vitamine E et Se ou encore les déséquilibres métaboliques telles que l'acidose, la cétose, les carences en protéines ou les excès d'azote sont autant de facteurs favorables.
IDENTIFIER LES CAUSES D'ANOeSTRUS
En l'absence de pathologies, à 60 jours au plus tard, on doit avoir constaté le premier retour en chaleur. Dans le cas contraire, l'anoestrus, ou absence de chaleur constatée, peut avoir deux causes : la première est fonctionnelle, c'est-à-dire liée à un dysfonctionnement ovarien marqué par l'absence d'ovulation, encore appelé anoestrus vraie. À ce titre, l'ovaire lisse ou le kyste ovarien sont des problèmes qui peuvent être détectés à l'échographie. La seconde, malgré une reprise de l'ovulation, est liée à un défaut de détection des chaleurs par l'éleveur (suboestrus) confronté à des chaleurs silencieuses, ou parfois à une désynchronisation de l'ovulation et des chaleurs qui explique les échecs répétés de l'insémination. La persistance de l'anoestrus, au-delà de 60 j, doit amener à établir un diagnostic qui déterminera notamment l'intérêt de mettre en oeuvre un protocole de synchronisation des chaleurs, visant à enclencher la reprise d'un cycle régulier. « L'objectif du diagnostic est de déterminer la cause de l'absence de chaleurs. Car lorsque l'on synchronise des vaches en anoestrus vrai, le taux de réussite de la première IA ne dépasse pas 35 %. Dans ce cas, il faut éviter d'inséminer avec des premiers choix d'IA, beaucoup plus chers. »
APPROCHE GLOBALE DE LA FÉCONDITÉ
L'éleveur ne peut pas tout faire, il n'a pas les compétences pour réaliser un diagnostic fiable dans toutes les situations. Néanmoins, le suivi des événements post-partum facilite l'échange avec son praticien pour l'aider à mettre en oeuvre un protocole de soins adapté aux conditions d'élevage et à l'historique de l'animal. Ce travail de diagnostic prendra en compte quatre paramètres : les pathologies infectieuses (métrites chroniques, mammites, BVD, néosporose…), la physiologie et l'anatomie de l'animal, les déséquilibres alimentaires et l'environnement (qualité des semences, organisation du travail, conditions de logement, stress…). « Dans tous les cas, la troisième insémination non fécondante doit déclencher le diagnostic, déclare Claude Joly. Pour chaque pathologie, il existe plusieurs traitements. Le rôle du vétérinaire est de choisir le plus opportun. »
JÉRÔME PEZON
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