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TRANSFORMATION DYNAMISME ET CONFIANCE EN L'AVENIR

Arthur Reeves, de Dairy Crest: « Je crois que la production est durablement repartie à la hausse. Les éleveurs sont très sensibles au prix qui devrait rester bien orienté à moyen terme. »

Après plus d'une décennie de production en baisse, les transformateurs cherchent à sécuriser leur approvisionnement. Les investissements récents du Scandinave Arla Foods ou de l'Allemand Müller témoignent de leur confiance dans l'avenir laitier du pays.

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UNE USINE CAPABLE DE TRANSFORMER UN MILLIARD DE LITRES DE LAIT Ce sera le site dédié au lait liquide le plus important du monde. Tel est le projet du Scandinave Arla Foods, qui a choisi de s'installer à Aylesbury, à proximité de Londres. L'industriel a reçu les autorisations nécessaires en 2011 et après une première phase de travaux, l'usine entrera en production fin 2012. Avant de lancer ce projet, Arla réalisait déjà 26 % de son chiffre d'affaires dans les îles britanniques.

Cet événement illustre à lui seul la confiance suscitée par la filière laitière du Royaume-Uni auprès des industriels. D'autant plus que cette décision intervient alors que le groupe récuse toute volonté de fermer des usines et vient de réinvestir sur d'autres sites outre- Manche. Il s'agissait de créer de nouvelles lignes de fabrication de beurre (Westbury, Sud- Ouest) et de crème anglaise, ou de cottage cheese (Leeds, Nord).

ARLA FOODS INVESTIT 300 MILLIONS D'EUROS

Au total, ces investissements d'Arla au Royaume-Uni se montent à 300 millions d'euros. L'industriel justifie ces développements par sa conviction de l'existence d'un fort potentiel du marché britannique à dégager davantage de valeur ajoutée (voir page suivante). Car les produits fabriqués par ces nouveaux outils sont destinés au marché local. Jusque-là, le beurre commercialisé par Arla au Royaume-Uni provenait de ses usines de Scandinavie ou de Nouvelle-Zélande (accord de commercialisation avec Fonterra). L'entreprise est donc engagée dans une stratégie de croissance et réorganise ses sites en vue d'améliorer sa productivité. Dans la foulée, c'est l'Allemand Müller qui a créé la surprise en annonçant le rachat de Robert Wiseman Dairies (RWD) en janvier 2012. Cette entreprise se classait en cinquième position sur le volume de lait collecté au Royaume- Uni. Pour sa part, Müller ne collectait que 240 Ml de lait transformé majoritairement en yaourts. Il affichait une volonté de croissance de sa production locale afin de réduire ses importations en provenance d'Allemagne. Sur ce marché de l'ultrafrais, qui dispose de bonnes marges de développement (6,2 % en valeur en 2010), l'entreprise se trouve en concurrence avec Danone. Le rachat de RWD le propulse à la seconde place du classement des laiteries avec une position forte sur le lait liquide. Cette démarche témoigne elle aussi de la confiance dans le secteur laitier d'outre-Manche.

Parmi les événements récents, on peut encore citer l'annonce de Dairy Crest, actuel numéro un, en mars 2012. L'entreprise envisage de vendre le Français Saint-Hubert, acquis en 2007, afin de se recentrer sur le marché intérieur. L'opération lui permettra de réduire son endettement, d'investir dans son coeur de métier ou de racheter des entreprises possédant des marques fortes dans son pays. Le versement de dividendes aux actionnaires pourrait aussi être amélioré.

Autre fait intéressant, le montant cumulé des investissements des cinq leaders dépasse 120 M€/an depuis cinq ans. Ces mouvements montrent que la transformation a pris en compte la reprise de la production dans le pays et se prépare à la fin des quotas dans l'Union européenne. « Avec une demande mondiale soutenue en produits laitiers, les prix resteront bien orientés, même si des chutes ponctuelles se produiront encore. Nous voyons depuis trois ans que nos producteurs réagissent au prix en produisant davantage », témoigne Arthur Reeves, directeur des affaires extérieures chez Dairy Crest.

Mais si elle a retrouvé la confiance, la transformation a encore des défis à relever.

LA DISTRIBUTION FAIT PRESSION SUR LES PRIX

Tout d'abord, elle fait face à des distributeurs très concentrés, dominés par cinq acheteurs. Dans le contexte de baisse de production qui a longtemps prévalu, les grandes enseignes ont entretenu une sévère concurrence en jouant sur les importations. Aujourd'hui, elles maintiennent la pression en raison de la crise économique. Et l'arrivée des hard discounters sur le marché du lait de consommation pousse dans la même direction.

La tendance est particulièrement sensible sur le marché traditionnellement rémunérateur du lait liquide. Les Britanniques consommant essentiellement du lait frais pasteurisé, les importations sont inexistantes dans ce secteur qui représente la moitié des débouchés du lait. Trois industriels se partagent le « gâteau » : Arla, Dairy Crest et Robert Wiseman Dairies. La pression sur les prix a entraîné une contraction des marges depuis deux ans. En 2011, Dairy Crest et RWD ont perdu de l'argent sur ce marché. Les chiffres d'Arla ne sont pas connus avec précision. Mais le développement de la capacité de production du Scandinave fait craindre un effondrement du marché. La consommation est stable et il ne semble pas y avoir de place pour des volumes supplémentaires. Arla se défend de vouloir casser les prix. « Notre objectif est de doubler la valeur ajoutée afin de maximiser le prix du lait payé aux producteurs », affirmait Ake Hantoft, président d'Arla Foods Amba lors du congrès d'EDF (European Dairy Farmers) au Royaume- Uni en juin 2011.

Malgré tout, les opérateurs s'attendent à une période chahutée dans les prochains mois. Or, c'est actuellement ce débouché qui assure la meilleure valorisation du lait pour les producteurs. Le deuxième débouché du lait au Royaume-Uni est le fromage. Il représente environ un quart de la consommation, dont la moitié est couverte par des importations. Elles proviennent essentiellement d'Irlande, mais la France place quelques produits souvent plutôt haut de gamme. Ce marché connaît une croissance d'environ 2 % par an. Les produits de marque d'entreprise ont su se faire une place dans les rayons, notamment à l'initiative de Dairy Crest et Cheese Caledonian Company, une filiale de Lactalis. Le premier pèse trois fois plus que le second. Tous deux se livrent à une concurrence qui tend également à peser sur les prix. L'expansion de la production laitière britannique devrait permettre une substitution partielle des importations par des fromages locaux.

La croissance de la demande mondiale en produits laitiers attire également les transformateurs d'outre-Manche qui s'étaient logiquement détournés de ce débouché avec une production déprimée. Une seule entreprise, Meadow, a clairement pris cette option. Certaines coopératives disposent également des outils industriels nécessaires. Les exportations concernent essentiellement le beurre, la poudre et le fromage.

SÉCURISER LA COLLECTE AVEC DES LIVREURS EN DIRECT

La forte compétitivité de la production donne des atouts dont la filière a pris conscience pour prendre des places sur les marchés à l'exportation. Et les taux de change sont actuellement favorables. Il faudra du temps pour adapter les outils, mais les industriels d'outre- Manche sauront se donner les moyens de saisir les nouvelles opportunités.

Pour y parvenir, ils devront aussi disposer de suffisamment de lait. « Notre première préoccupation est de sécuriser notre approvisionnement », souligne Arthur Reeves. Le leader laitier du pays collecte 75 % de son lait chez 1 300 livreurs. Le reste est acheté à des coopératives de collecte ou à des négociants. Ce type de fonctionnement prévaut dans la plupart des entreprises. Il présente l'avantage de la souplesse puisque les intermédiaires tamponnent les variations saisonnières.

Mais le besoin de sécuriser la collecte l'emporte désormais. « Le nombre de livreurs continue de baisser, mais un certain nombre d'entre eux augmente leur production », précise Arthur Reeves. D'où la volonté des laiteries de s'assurer de pouvoir collecter du lait chez ceux-là. Elles s'intéressent en priorité aux éleveurs situés à proximité des usines. Des primes sont versées de façon à encourager les gros volumes. En effet, ce sont généralement ces producteurs qui envisagent de se développer encore. Et personne ne doute au Royaume-Uni de la meilleure efficacité de ces élevages grâce à la réalisation d'économies d'échelle.

DÉVELOPPER L'INNOVATION

Chez Dairy Crest, l'écart de prix entre un éleveur livrant 500 000 l et un autre produisant 4 Ml est de 12 €/1 000 l, à l'avantage du second. Cheese Caledonian Company verse également des primes au volume. Et elle propose des aides sous forme de prêts avantageux aux éleveurs qui souhaitent s'agrandir.

Cette tendance va se poursuivre. Si l'encouragement à produire est clair pour les éleveurs qui livrent en direct et se trouvent à proximité des usines, la situation est moins favorable pour ceux qui adhèrent à des coopératives de collecte ou qui sont excentrés. Réunis au sein de Dairy UK, les différentes familles de la filière (producteurs, industriels privés et coopératifs, distributeurs) sont conscients de la nécessité de travailler ensemble pour préparer l'avenir. « Chaque maillon de la filière doit pouvoir dégager un profit », affirme son président Robert Wiseman. Pour lui, le désengagement de l'État donne à la filière la meilleure des opportunités pour élaborer elle-même sa stratégie d'avenir. Le consommateur se trouve au centre des préoccupations puisque lui seul choisit les produits qu'il achète. Dairy UK n'attend plus qu'une chose de l'État : qu'il favorise la recherche à l'échelle du pays comme de l'Union européenne, afin de permettre le développement de produits innovants générateurs de valeur ajoutée.

Arthur Reeves, de Dairy Crest: « Je crois que la production est durablement repartie à la hausse. Les éleveurs sont très sensibles au prix qui devrait rester bien orienté à moyen terme. »

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