« AVEC UN BON CONTRAT ET DE L'HERBE, J'Y CROIS »
Éleveur dans le sud-ouest de l'Angleterre, Andrew Farrant fait partie de ceux qui ont confiance en l'avenir et investissent. Ses 600 vaches produisent 4 millions de litres pour un quota de 2 millions.
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ANDREW FARRANT S'EST INSTALLÉ À 20 ANS avec son père sur un élevage de 170 vaches. Aujourd'hui âgé de 40 ans, il en élève 600, soit une production d'environ 4 millions de litres (Ml) par an pour un quota deux fois moindre.
« Étant donné le niveau de sous-réalisation du pays, je ne prends pas beaucoup de risques en produisant plus que ma référence », lance l'éleveur. Pour lui, le contingentement de la production n'a plus de sens.
« Nous frisons la pénurie de lait et c'est une bonne chose pour moi. Je suis libre de me développer. Et c'est la même chose pour la viande », rajoute-il. Ce contexte renforce sa confiance dans son avenir. Mais là n'est pas la seule raison.
« J'aime les vaches et ce métier me plaît. Mon exploitation dispose d'un bon potentiel pour l'herbe. Et j'ai un contrat intéressant avec Dairy Crest pour fournir le distributeur Waitrose. » C'est ainsi qu'Andrew Farrant résume les clés de sa réussite. S'il a choisi de développer son exploitation, c'est d'abord pour pouvoir exercer la fonction de manager. Avec sept salariés, les services d'un nutritionniste et d'un agronome, et le recours à une entreprise pour les travaux des cultures, Andrew consacre l'essentiel de son temps à la gestion de l'exploitation.
Un employé à plein-temps travaille ici 48 à 50 heures par semaine. Il est présent 12 jours d'affilée avant de bénéficier de 2 jours de repos. Les deux salariés à temps partiel travaillent 4 jours par semaine et un week-end sur deux. Tous sont logés sur l'exploitation. Une personne expérimentée perçoit environ 36 000 € bruts contre 25 000 € pour un débutant.
L'un des salariés est affecté aux cultures et les autres se chargent de la traite et des soins aux animaux. Le service du consultant en nutrition, qui calcule les rations, coûte 1 800 € par an pour six visites. Andrew effectue quatre à cinq traites par semaine.
UNE FORTE SPÉCIALISATION
Mais l'essentiel pour Andrew est de produire à moindre coût. Et pour cela, il mise sur l'herbe pâturée. Ici, la dimension du troupeau ne remet pas en cause le pâturage. La taille des parcelles comme la constitution des chemins d'accès sont étudiées pour résister à plusieurs centaines d'animaux. « Je fais deux lots de vaches. Jusqu'à 150 jours de lactation, elles sont complémentées à l'herbe avec un mélange de maïs, blé, soja et pulpe de citrus. Les vaches en fin de lactation et confirmées gestantes ne consomment que de l'herbe pâturée de mi-mars à novembre. » En hiver, toutes reçoivent une ration à base d'ensilage d'herbe et de maïs. Les taries restent dehors jusqu'à trois semaines avant le vêlage. Un bâtiment spécifique avec une aire paillée les accueille ensuite. Pour l'hiver, l'éleveur loue 16 ha de terres sableuses à 2 km de l'exploitation. Il y met des navets, et un râtelier de paille et de foin. Il faut passer chaque jour pour avancer le fil, ce qui prend environ vingt minutes.
L'exploitation est très spécialisée. Un éleveur voisin travaille sous contrat avec elle pour élever les génisses de renouvellement. L'éleveur possède aussi un autre site à 140 km. Tous les veaux non nécessaires au troupeau laitier y sont engraissés, ce qui permet un complément de revenu intéressant.
« Mon premier objectif dans la conduite est la fertilité. Si la reproduction fonctionne bien, c'est le signe que tout le reste est au point », résume l'éleveur. La production vient ensuite. Andrew a créé un troupeau holstein de type néo-zélandais, des vaches de taille moyenne, adaptées au pâturage et fertiles. Depuis trois ans, il les croise avec de la rouge norvégienne pour améliorer encore les performances de reproduction. Si la première insémination n'est pas fécondante, il utilise ensuite des paillettes de race à viande afin de ne conserver que les souches les plus fertiles. Les génisses sont conduites pour vêler à deux ans.
UN VEAU PAR AN ET 5 À 6 LACTATIONS PAR VACHE
« 68 % des vaches sont pleines 100 jours après le vêlage, 3 % sont vides à 200 jours », précise l'éleveur, plutôt satisfait. En fonction des années, le taux de renouvellement se situe autour de 15 % et les vaches réalisent, en moyenne, cinq à six lactations. L'intervalle entre vêlages est de 366 jours. Les principaux motifs de réforme sont, dans l'ordre, la fertilité, les mammites, les membres et l'âge. « Si mon lait n'était pas destiné au marché du frais, j'aurais groupé les vêlages au printemps pour me caler sur l'herbe et réduire encore mes charges », précise Andrew. Mais il a signé un contrat avec Dairy Crest et son lait approvisionne le distributeur Waitrose qui exige une régularité des livraisons.
Le volume n'est pas précisé sur le contrat. « Je travaille comme ça depuis une dizaine d'années. Au début, Waitrose voulait toujours plus de lait. Il suffisait de demander pour pouvoir augmenter la production. » Mais depuis quatre ans, le distributeur ne cherche plus la croissance de la collecte. Cependant, la laiterie est engagée à ramasser la totalité du lait.
Le contrat ne prévoit pas non plus de durée. Il se poursuit donc tant que les deux parties remplissent leurs engagements. En cas de départ, le préavis est de trois mois pour les deux parties.
Le prix du lait est fixé par Dairy Crest après concertation avec les représentants des éleveurs, constitués en association. Une autre association regroupe les seuls éleveurs produisant pour Waitrose et discute également du prix. Au prix de base s'ajoute la prise en compte de la composition (TB uniquement), de la qualité (cellules, germes) et de la régularité de l'approvisionnement. Le lait est collecté tous les jours et l'éleveur touche un bonus si le tank de 26 000 l est plein.
Pour Andrew, l'un des gros avantages de la livraison pour Waitrose est la meilleure stabilité du prix du lait. Depuis six mois, il se trouve au même niveau quel que soit le débouché (372 €/1 000 l en janvier). Mais pendant la crise de 2008, les écarts étaient élevés. « Je touchais autour de 340 € quand les autres étaient à 240 € », se souvient l'éleveur. Et en cas de nouvelle chute du prix, il sera partiellement épargné.
« JE DOIS OBSERVER LA FAUNE, SURTOUT LES OISEAUX »
Mais en contrepartie, le distributeur a ses exigences, telle la régularité des livraisons comme on l'a vu. Et surtout, il impose ses critères en termes de bien-être animal et de respect de l'environnement. 15 % de la surface de l'exploitation doit être préservée pour la vie sauvage. Une fois par mois, l'éleveur rédige un rapport d'observation de la faune pour Waitrose. « Ce sont surtout des oiseaux », témoigne Andrew, son guide à la main (faucon pèlerin, vanneau, chouette…). Il doit rendre compte de la composition et de l'équilibre de la ration. L'ensilage doit être stocké dans des silos en dur. Cet engagement avec Waitrose est loin d'être neutre dans la stratégie de l'élevage. « Ce contrat me sécurise, mais il m'impose aussi des options que je n'aurais pas prises autrement et qui entraînent des surcoûts », analyse Andrew. Depuis dix ans, il a investi 1,2 M€ sur un site qui ne lui appartient pas. Il a construit une salle de traite rotative de 50 postes et une nouvelle fosse à lisier. La réfection des silos et des logettes a aussi été nécessaire pour respecter le cahier des charges de Waitrose. « Je rembourse 120 000 €/an », rajoute-t-il.
Il est satisfait de cet outil qui lui permet de gagner sa vie correctement. Andrew reste discret sur le montant de ses revenus. « Ma femme ne travaille pas. Nous avons trois enfants âgés de 11 à 17 ans qui étudient dans des écoles privées. Chacun nous coûte entre 24 000 à 30 000 €/an. C'est cher, mais nous le voyons comme un investissement. »
Pour l'avenir, Andrew prévoit de stabiliser sa production. Déjà, il doit acheter 30 ha de maïs et 20 ha d'herbe chaque année pour nourrir ses laitières. Produire plus supposerait de devenir encore plus dépendant des achats. Ou alors, il faudrait investir dans la terre. L'hectare se négocie ici autour de 7 000 € mais il existe peu de disponibilités. Dans l'immédiat, la production restera donc à son niveau actuel.
Mark Norton, responsable du troupeau, travaille sur l'élevage depuis de nombreuses années et semble très satisfait.
Les vaches pâturent de mars à novembre. Les chemins d'accès sont adaptés à la taille du troupeau. Seules les laitières en début de lactation reçoivent une complémentation au pâturage
Andrew a investi dans une salle de traire rotative de cinquante places.
Le contrat avec le distributeur Waitrose impose de préserver des espaces pour la faune et la flore sauvages, notamment dans les zones humides.
L'éleveur a refait les logettes pour les adapter aux exigences du bien-être animal de Waitrose. Le bâtiment compte 500 places et est ouvert sur un côté. Il est raclé au tracteur. Un autre bâtiment héberge les vaches prêtes à vêler en aire paillée.
Les vaches taries restent dehors en toutes saisons jusqu'à trois semaines avant le terme. En hiver, elles sont sur des parcelles de terres sableuses qui ont une bonne portance. L'éleveur y sème des navets et le fil doit être avancé tous les jours. Des points d'eau et des râteliers à foin sont prévus
Les veaux sont logés dans des appentis construits avec des matériaux de récupération. Ils peuvent être démontés pour le curage. Les animaux disposent d'une aire d'exercice extérieure.
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