STÉPHANE VIOLLEAU« Évaluer la valeur fertilisante est primordiale »
Si les teneurs N, P et K sont précisément mesurées au préalable, les effluents d’élevage peuvent couvrir une grande partie des besoins en fertilisant des prairies. Un argument économique non négligeable, selon Stéphane Violleau, conseiller en fourrages.
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L’ÉLeveur Laitier : Comment estimez-vous l’intérêt des fertilisants organiques ?
Stéphane Violleau :Le fumier et le lisier possèdent de réelles valeurs agronomiques et économiques, mais comme les éleveurs n’achètent pas ces produits, ils n’ont pas toujours conscience des sommes que cela représente. Si je prends l’exemple d’un système laitier classique en Auvergne fondé sur l’herbe, les apports naturels de déjections au moment du pâturage, complétés par l’épandage des effluents, compensent une grande partie des exportations dues à l’exploitation des prairies. Nous estimons ces apports à 90 % des besoins pour le phosphore, 85 % pour le potassium et 65 % pour l’azote. Traduit en euros, cela signifie qu’une dose de 25 m3/ha de lisier de bovin est équivalente à environ à 165 € d’engrais minéraux et que 20 t/ha de fumier valent entre 150 et 155 €. Ce calcul ne tient compte que des unités d’azote, phosphore et potassium (N, P et K) rapidement disponibles pour la culture en place, sachant que les effluents d’élevage libèrent aussi des éléments minéraux sur le long terme. À lui seul, cet argument économique me paraît suffisant pour inciter les éleveurs à bien valoriser leurs apports avec des pratiques qui limitent les pertes et garantissent une répartition homogène sur le terrain.
LEL : Quels sont les moyens de connaître la valeur fertilisante de ces engrais de ferme ?
S.V. : Pour valoriser les effluents de son exploitation, l’éleveur doit impérativement connaître leurs teneurs N, P et K. Avec du fumier, la meilleure solution consiste à pratiquer une analyse auprès d’un laboratoire. Cela coûte 50 € environ. La qualité de l’échantillonnage est primordiale : je conseille aux agriculteurs de réaliser au moins une dizaine de petits prélèvements dans les conditions d’un épandage, c’est-à-dire à l’intérieur du tas. L’erreur classique est de ne prendre que des échantillons en surface non représentatifs. Il faut ensuite mélanger le tout et le transmettre dans la journée au laboratoire. Il n’y a pas de problème à réaliser des analyses pendant la période d’épandage. Les résultats réels arriveront après la fin du chantier, mais l’éleveur s’en servira pour calculer la dose d’engrais complémentaire à apporter par la suite. Sinon, il existe des tables de références indiquant des valeurs théoriques selon le mode d’élevage, le niveau de production des animaux et leur alimentation. C’est généralement assez fiable, mais pour les vaches à haut potentiel, le niveau d’apports en aliments concentrés et la complémentation minérale peuvent entraîner des écarts significatifs entre les références théoriques et les valeurs réelles. En lisier, l’éleveur a la possibilité d’estimer lui-même la valeur fertilisante en mesurant la densité. Il suffit de plonger un densimètre dans un échantillon représentatif, prélevé après un brassage de la fosse. Certains utilisent un outil appelé Quantofix qui donne, en quelques minutes la quantité d’azote efficace, c’est-à-dire rapidement utilisable par la plante. Comme pour le fumier, il existe aussi des tables théoriques donnant la valeur du lisier. Mais cela n’est valable qu’à condition de connaître le taux de dilution réel du produit. Si la fosse reçoit aussi des eaux de lavage ou de pluie, c’est compliqué à mesurer.
LEL : Comment l’éleveur évalue-t-il la dose à apporter ?
S.V. : En général, dans une exploitation herbagère sans hors-sol, avec un hivernage de cinq à sept mois, la quantité totale de fumier ou de lisier produite en bâtiment ne couvre pas la totalité des surfaces à épandre. Il faut ajuster les doses pour éviter tout gaspillage. La priorité sera donnée aux parcelles de fauche intensives, destinées à de l’ensilage ou de l’enrubannage, qui reçoivent moins de déjections au pâturage. Pour le calcul de la dose, on cherchera à couvrir les besoins en phosphore et potassium des prairies, sans excès, quitte à compléter cette fertilisation avec de l’azote sous forme minérale pour les prairies les plus intensives. Cela revient souvent à limiter les apports autour de 15 à 20 tonnes par hectare pour les fumiers et 20 à 25 m3 par hectare pour les lisiers.
Dans les prairies moins intensives, récoltées en foin, ou celles pâturées recevant beaucoup de déjections, leurs besoins en P et K sont plus faibles. L’apport de fumier ou de lisier peut se faire uniquement tous les deux ou trois ans. L’éleveur se contentera alors d’un apport d’engrais azoté les années sans fumier ou sans lisier.
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