La fièvre Q représente plus que quelques avortements
Très fréquente en élevage bovin, mais souvent asymptomatique, la fièvre Q se signale par des avortements répétés. Mais les troubles de la reproduction vont bien au-delà, et ses conséquences économiques ne sont pas négligeables. La vaccination constitue aujourd’hui un outil efficace.
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Martine et Joseph Bellier, éleveurs à Argentré-du-Plessis, en Ille-et-Vilaine, vivent avec la fièvre Q depuis près de trente ans. Au milieu des années 1990, une série d’avortements, suivie d’une analyse positive, avait déclenché un premier plan de vaccination dans l’élevage. Chez le ruminant, l’infection bactérienne responsable de la fièvre Q est le plus souvent asymptomatique, les éleveurs n’observent pas de signes particuliers, même si les animaux excrètent la bactérie dans leur environnement. Dans sa forme clinique, la fièvre Q entraîne principalement des troubles de la reproduction. Comme ont pu l’observer M. et Mme Bellier, le signe clinique majeur est bien l’avortement répété. Il peut intervenir à tous les stades de la gestation mais c’est souvent l’expulsion d’un avorton visible qui donne la première alerte. Deux avortements suspects (ou plus) sur 30 jours, ou trois avortements (ou plus) espacés sur neuf mois, doivent faire penser à la fièvre Q et justifient une analyse. « Nous pratiquons une analyse PCR sur écouvillon (vaginal ou sur l’avorton) jusqu’à sept jours après l’avortement », précise Juliette Pichery, vétérinaire intervenant sur l’exploitation. Rappelons ici que dans la nouvelle loi européenne de santé animale, en vigueur depuis l’année dernière, la fièvre Q est une maladie à déclaration obligatoire.
Le réservoir de la faune sauvage
La non-délivrance (persistance du placenta au-delà de 48 heures post-partum) peut être une autre manifestation de la fièvre Q. « La présence d’endométrites rebelles aux traitements classiques est également rapportée, rappelle le Comité fièvre Q, présidé par Raphaël Guatteo, professeur à Oniris Nantes. Mais la fièvre Q est surtout à l’origine de troubles de la fertilité, avec une baisse du taux de réussite à l’IA et des interruptions de gestations se manifestant par des retours en chaleur tardifs. » M. et Mme Bellier n’ont pas noté de dégradation marquée de la fertilité sur leur troupeau, ni d’autres troubles qui pourraient être imputables à la fièvre Q, même si leurs résultats semblent perfectibles : 422 jours d’IVV, et 41 % de réussite en première IA.
Le principal réservoir de la bactérie est ici la faune sauvage des petits ruminants. Dix-huit hectares de pâtures sont en bordure de forêt. « La contamination se réalise essentiellement par voie respiratoire et la bactérie est très résistante dans le milieu », précise Juliette Pichery.
Un vaccin efficace
Comment protéger efficacement le troupeau de la fièvre Q ? Il existe en premier lieu des mesures non médicales : la contamination ayant pour origine les sécrétions génitales et le placenta des animaux infectés, il faut isoler les animaux au moment de la mise bas et déposer les produits de mise bas dans des récipients hermétiques, avant de les éliminer par équarrissage. En cas d’introduction d’animaux dans le troupeau, un dépistage sérologique est recommandé. La vaccination serait un outil de prévention efficace, mais dans la pratique, elle est surtout réalisée après la mise en évidence de la maladie dans le troupeau. C’est aujourd’hui la principale mesure médicale dans les élevages atteints pour limiter les avortements, améliorer la fertilité et diminuer l’excrétion des bactéries.
C’est ainsi que l’EARL Bellier Chaupitre a connu deux épisodes de vaccination, par suite d’analyses positives à la fièvre Q après une série d’avortements. Un seul vaccin est disponible à ce jour : le Coxevac. Il nécessite deux injections à trois semaines d’intervalle et un rappel tous les neuf mois. La vaccination étant d’autant plus efficace qu’elle est réalisée sur des animaux séronégatifs, on vaccine tout le troupeau, les vaches et surtout les génisses dès 3-4 mois d’âge. « Des études montrent une très bonne tolérance de la vaccination sur les animaux gravides, y compris dans le dernier tiers de gestation », précise le Comité fièvre Q, qui conseille donc de vacciner aussi les vaches taries.
Une vaccination qui s’inscrit dans la durée
« Pour autant, c’est un protocole assez difficile à suivre, surtout quand les animaux sont à la pâture, précise Joseph Bellier. Le rappel à faire tous les neuf mois est vite revenu. Ensuite, c’est un investissement important. À 10 € la dose, c’est 20 € par animal pour la seule primovaccination. Mais je confirme que ce vaccin est efficace pour prévenir les avortements. » Avec une bactérie très résistante dans le milieu, il est conseillé de poursuivre la vaccination pendant au moins quatre à cinq ans. « En septembre 2017, lors du deuxième épisode de vaccination, nous avons vacciné tous les animaux pendant deux ans, et ensuite seulement les génisses jusqu’en 2021 », relate l’éleveur.
Évidemment, ce coût de la vaccination et la contrainte du travail supplémentaire sont à mettre en parallèle des pertes de veaux, des non-délivrances, des animaux improductifs ou réformés précocement, ainsi que de tous les autres troubles de la fertilité sur le troupeau. Mais contrairement à M. et Mme Bellier, qui n’ont pas hésité à suivre les conseils de leur vétérinaire, de nombreux éleveurs refusent encore la vaccination. Il y a quelques années, de manière assez empirique, il était d’usage en cas de fièvre Q avérée, d’appliquer un antibiotique (oxytétracyclines) quelques semaines avant le vêlage pour espérer sauver le veau. « Il ressort des études disponibles qu’il n’y a aucun intérêt à réaliser une antibiothérapie en fin de gestation pour prévenir les avortements », affirme le Comité fièvre Q.
Dominique GrémyPour accéder à l'ensembles nos offres :