LE GÉNOTYPAGE FEMELLE POUR UNE SÉLECTION PRÉCOCE
Le génotypage des génisses permet de cibler, dès leurs premiers jours de vie, les animaux destinés au renouvellement et ainsi d'accélérer le progrès génétique de son troupeau.
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DEPUIS JUIN 2011, TOUTES LES COOPÉRATIVES D'INSÉMINATION et certains organismes de contrôle laitier proposent à leurs adhérents le génotypage des femelles. « La condition d'accès à ce service est que l'élevage soit inscrit à la certification de la parenté bovine (CPB). C'est le cas de tous les éleveurs adhérents au contrôle laitier, mais cela peut aussi être sollicité auprès de l'EDE », précise Stéphane Barbier, chargé de mission à l'Unceia (Union nationale des coopératives d'élevage et d'insémination animale). Dans la pratique, à partir d'une prise de sang réalisée sur une femelle dès sa naissance, la lecture du génome permet une évaluation immédiate des index de l'animal, sur davantage de caractères et avec une meilleure précision que le mode d'indexation conventionnel. « Grâce à l'évaluation précoce de la valeur génétique de l'animal, on peut ainsi gagner entre trois et quatre ans sur le progrès génétique de son troupeau. »
DES INDEX PLUS NOMBREUX ET PLUS PRÉCIS
Dans le système de sélection classique, la confirmation du potentiel d'une génisse au travers de ses index lait, cellules et morphologie n'est disponible qu'à l'issue de sa première lactation, avec des CD de 0,5 (coefficient de détermination = précision des index sur une échelle de 1). Le génotypage met à la portée de l'éleveur ces informations dès les premiers jours de vie d'une génisse et renseigne sur les caractères à faible héritabilité, tels que la fertilité et les facilités de vêlage pour lesquelles il n'y avait pas, jusqu'à présent, d'index officiels pour les femelles. L'éleveur dispose ainsi d'une valeur génétique pour tous les caractères (production, morphologie, fonctionnels et synthèses) avec des CD compris entre 0,55 et 0,7. D'une manière générale, les caractères fonctionnels non publiés jusqu'à présent ont une précision moyenne estimée par le CD autour de 0,55. Sur les index lait, cellules et morphologie les CD sont compris entre 0,6 et 0,7. « Le mode de calcul des index génomiques femelles est le même que pour les mâles, explique Didier Boichard, directeur de recherche à l'Inra de Jouy-en-Josas (Yvelines). Ce modèle prend en compte quelques centaines de régions du génome influant sur un caractère donné, c'est-à-dire entre 300 et 700 QTL par caractère (quantitative trait loci, les zones du chromosome portant les gènes qui influencent les caractères quantitatifs). Mais les QTL n'expliquent pas toute la variabilité génétique. C'est pourquoi ils sont combinés à une composante polygénique résiduelle, une sorte d'index sur ascendance ». L'index génomique est le fruit d'un calcul qui combine un fichier de généalogies, un fichier de performances (on parle ici des performances moyennes de toutes les filles contrôlées-pointées de chaque taureau de la population de référence) et d'un fichier de typages génétiques (lecture du génome). L'indexation officielle est réalisée par l'Inra et diffusée par l'Institut de l'élevage au travers du SIG (système d'information génétique). Entre la prise de sang et la restitution des index à l'éleveur, il faut prévoir un délai d'environ trois mois qu'il convient d'anticiper pour bénéficier des résultats au moment de l'insémination des génisses.
LA COMBINAISON SEXAGE-GÉNOTYPAGE
« La précocité et la fiabilité de la sélection génomique sont avant tout des outils de tri qui doivent permettre d'accélérer le progrès génétique du troupeau. » Grâce aux index génomiques, il est possible de déterminer sans attendre les génisses à garder pour le renouvellement. Leur nombre sera d'autant plus restreint qu'elles pourront être inséminées avec des semences sexées femelles. Plus de génisses à trier, c'est d'abord une économie sur le coût du renouvellement (bâtiments, alimentation, main-d'oeuvre, une plus grande part de SAU libérée pour les cultures de vente) et/ou, en fonction des opportunités du marché, la possibilité de vendre davantage d'animaux de boucherie ou de reproduction. Toujours dans une logique de réduction des coûts, le recours au génotypage peut alors être une porte ouverte au retour du taureau dans les troupeaux laitiers. En fonction des résultats du génotypage, pour simplifier le travail de détection des chaleurs, on peut très bien imaginer que la gestion de la reproduction des femelles qui sortent du plan d'accouplement destiné au renouvellement soit assurée par la monte naturelle. « À nous de faire comprendre que même sur un croisement avec un animal à viande, les éleveurs ont intérêt à utiliser l'insémination artificielle, remarque Stéphane Barbier. Et pourquoi pas avec de la semence sexée mâle. »
ENTRE 115 ET 130 € PAR ANALYSE
Actuellement, le génotypage femelle n'est disponible que pour les races prim'holstein, normande, montbéliarde et pie rouge des plaines. Les programmes de recherche en cours offrent des perspectives à court terme pour la brune, la simmental, l'abondance et la tarantaise. Avec plus de 3 000 analyses réalisées à ce jour, le génotypage rencontre un succès modéré compte tenu du prix élevé de l'analyse : en moyenne 115 à 130 €/animal. « Le génotypage de toutes les femelles d'un troupeau, associé à l'utilisation de semences sexées, doit être considéré comme un investissement à l'échelle de l'exploitation », rappelle Stéphane Barbier. Un investissement à moyen terme dont l'Unceia a chiffré les bénéfices économiques. Grâce au génotypage, si l'éleveur trie ses génisses présentant de mauvais index cellules avant leur première lactation, il peut attendre un gain économique lié à une meilleure valorisation du lait produit. Dans le détail, l'Unceia estime que le gain d'un point sur l'index cellules entraîne une réduction de 15 % des comptages au-delà de 300 000 leucocytes/ml, soit un gain évalué à 1 585 €/an. La sélection sur les critères de reproduction est aussi un levier d'amélioration des performances du troupeau. À ce titre, le gain d'un point sur l'index fertilité entraîne une amélioration de 3 % de réussite en première insémination et une réduction de dix jours de l'IVV (intervalle vêlage-vêlage), soit un gain de 3 €/vache/an. La sélection sur l'amélioration de l'index longévité laisse entrevoir une réduction de 10 % du taux de renouvellement, soit un gain de 21 €/1 000 l. L'impact inhérent à la réduction du taux de renouvellement est estimé à 1 407 €/an et jusqu'à 2 095 €/an, selon que le taux de renouvellement se situe à 35 % ou 17 %. Au regard de ces estimations, l'Unceia met en avant un retour sur investissements du génotypage de toutes les femelles du troupeau, associé à l'utilisation des semences sexées, entre cinq et huit ans.
UNE NOUVELLE PUCE POUR RÉDUIRE LES COÛTS
Le génotypage à partir de prélèvement de cartilage d'oreille, qui sera mis en service cette année, ne modifiera pas sensiblement le prix de l'analyse, mais sera plus pratique à mettre en oeuvre dans les élevages et devrait pouvoir à terme être réalisé par l'éleveur. « En revanche, les essais réalisés à partir de prélèvements de poils ou de mucus se sont révélés moins fiables. C'est pourquoi les pistes engagées par l'Unceia pour réduire le coût portent principalement sur de nouvelles techniques d'analyse. » La lecture du génome est rendue possible grâce à l'utilisation d'une puce capable de lire 54 000 marqueurs génétiques (54 K) sur l'ADN d'un bovin, qui en comprend 3 milliards. « La plupart n'ont pas d'impact sur les caractères qui nous intéressent aujourd'hui, précise Stéphane Barbier. Mais des pistes de recherche se concentrent sur les marqueurs qui ont une influence sur la composition du lait ou la résistance des animaux aux infections. »
En 2012, la diffusion de nouvelles puces basse densité (7 K), moins chère que la puce 54 K et avec une fiabilité quasi identique, permet d'envisager une baisse significative du coût du génotypage.
JÉRÔME PEZON
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