LA SEMENCE SEXÉE POUR LA MAÎTRISE DU RENOUVELLEMENT
Malgré une fertilité altérée, l'achat de semence sexée est en plein développement, notamment sur les génisses. C'est un accélérateur du progrès génétique qui peut être un complément utile au génotypage des femelles.
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CHOISIR LE SEXE DES VEAUX ! UN RÊVE D'ÉLEVEUR DÉSORMAIS ACCESSIBLE grâce au sexage de la semence. Une technologie découverte aux États-Unis et arrivée en Europe à la fin des années quatre-vingt-dix. À l'époque, c'était cher, avec peu de choix de taureaux et une fécondité très altérée. Des améliorations successives au processus de sexage ont permis de lever une grande partie de ces handicaps pour devenir aujourd'hui pleinement accessible aux éleveurs. La différenciation des spermatozoïdes porteurs du chromosome X (femelle) de ceux porteurs du chromosome Y (mâle) repose sur une quantité d'ADN supérieure de 4 % pour le chromosome X. En faisant passer les spermatozoïdes un par un dans un tube très fin, un rayon laser et un champ magnétique permettent d'identifier et de trier les cellules X, les cellules Y et une troisième catégorie composée de cellules spermatiques déficientes ou n'ayant pas pu être caractérisées.
UNE PRÉCISION À 90 % À UN COÛT ACCEPTABLE
Plusieurs laboratoires de sexage de semence bovine fonctionnent en Europe sous la licence de l'entreprise américaine Sexing Technology. Le premier laboratoire français a été installé en 2009 dans le Doubs. Ces équipements autorisent aujourd'hui une précision de sexage de 90 % à un coût acceptable. Mais toutes les contraintes techniques ne sont pas levées. Le sexage des spermatozoïdes provoque toujours une perte importante de matériel de reproduction. Si un éjaculat permet de produire, en moyenne, 700 paillettes conventionnelles contenant environ 18 millions de spermatozoïdes, il ne produira que 300 doses sexées contenant 2 millions de spermatozoïdes. C'est la conséquence du tri lui-même qui sépare mâles, femelles et indéterminés.
Ensuite, le processus de sexage malmène les cellules spermatiques, d'où une perte non négligeable. « Il faut relativiser ce moindre nombre de spermatozoïdes dans la paillette sexée. La semence conventionnelle qui n'a pas été triée peut contenir une part de spermatozoïdes non performants, tandis que le sexage met au rebut une grande partie les cellules anormales ou mortes », précise Jean-Yves Dréau, directeur de la création génétique chez Amélis.
Toujours est-il que les taux de non-retours en génisses et en vaches sont inférieurs de 15 % (9 à 19 % selon les races) avec de la semence sexée (source : Institut de l'élevage). Et des différences importantes existent selon les taureaux. Certains permettent une fécondité très proche en semence sexée et en semence conventionnelle, d'autres accusent des performances en retrait de 20 à 30 % sur la première insémination artificielle. « Paradoxalement, certains taureaux ont de meilleures performances en semence sexée du fait d'avoir écarté les spermatozoïdes anormaux. D'autres ne sont pas sexables, car ils ne disposent pas d'une concentration en spermatozoïdes suffisante », note-t-il. L'unité de sélection Amélis présente aujourd'hui un choix conséquent de taureaux en semence sexée : dix en race normande, huit en prim'holstein auxquels il faut ajouter dix taureaux de la gamme Gen'France. Amélis annonce un taux de gestation en IA1 de 57,6 % en génisses holsteins et 43,9 % en vaches holsteins.
LES PAILLETTES 30 € PLUS CHÈRES
Toujours selon Amélis, le sexage connaît un succès croissant en races laitières : de 0,5 % en 2009, les doses sexées ont représenté 5,9 % des ventes en novembre 2011 pour la race prim'holstein (voir infographie). Un marché qui serait en plein essor malgré un surcoût de la paillette sexée d'environ 30 €. Ce surcoût est justifié par la prestation de service du laboratoire, par la baisse de rendement des éjaculats (un taureau ne produira que 1 500 paillettes sexées par mois contre 8 000 doses conventionnelles) et à la logistique nécessaire : déplacement des taureaux dans le Doubs, gestion en flux tendu de ces paillettes, etc. Avec des paillettes moins performantes et plus chères, le premier conseil dans l'utilisation de la semence sexée est de privilégier les femelles les plus fertiles, donc a priori les génisses. Les statistiques de l'Institut de l'élevage le confirment (voir infographie) : 65 % des premières inséminations artificielles sexées se font sur des génisses et seulement 21 % sont des IA de retour.
« Avec la semence sexée, l'éleveur est pleinement acteur de sa stratégie de renouvellement. Il ne subit plus le ratio mâles/femelles de 50/50 », avance Christophe Lebihan, d'Amélis. L'éleveur s'assure à 90 % d'avoir une femelle sur les souches qu'il souhaite conserver. Il peut aussi rééquilibrer un ratio mâles/femelles défavorable sur une vache particulièrement intéressante. On comprend facilement l'effet levier important sur l'amélioration génétique par la voie femelle, du fait d'une pression de sélection accrue et du gain de temps entre les générations puisqu'il n'y a plus le risque d'avoir un veau mâle. « L'utilisation de semences sexées peut s'inscrire dans un schéma de progrès génétique plus global, qui associe l'utilisation de taureaux génomiques (diminution de l'intervalle entre générations) et génotypage des femelles (augmentation du CD de 30 à 60) », explique Jean-Yves Dréau.
Au-delà du progrès génétique, le sexage de la semence est aussi un formidable outil pour anticiper une augmentation du troupeau et s'affranchir ainsi des achats extérieurs avec les risques sanitaires qu'ils comportent. Plusieurs éleveurs l'ont compris et utilisent des paillettes sexées sur toutes leurs génisses avec, en point de mire, la sortie des quotas (voir reportage ci-contre).
LA POSSIBILITÉ D'AUGMENTER LE CROISEMENT INDUSTRIEL
Dans un autre contexte, le producteur de lait pourrait aussi augmenter sa production de viande. Les paillettes sexées femelles sont alors ciblées sur les meilleures pour assurer le renouvellement du troupeau pendant que les autres vaches sont inséminées par des taureaux de race à viande et, pourquoi pas, sexées mâles pour donner des animaux plus aptes à l'embouche. Le croisement industriel en élevage laitier pourrait ainsi passer de 10 à 30 %, voire 40 %. Notons que cette stratégie, si elle se répandait, pourrait déstabiliser l'élevage allaitant du fait d'un afflux d'animaux de bonne qualité bouchère. L'autre intérêt, et pas des moindres, de l'usage de la semence sexée est la diminution du nombre de vêlages difficiles sur les génisses. Avec 90 % de femelles, les veaux sont naturellement moins gros. « En semence sexée, un taureau gagne deux à trois points d'index de facilité de naissance », précise Jean-Yves Dréau.
DOMINIQUE GRÉMY
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