Login

LE DOUBS MISE SUR LA SYNERGIE DE SES OPA

Plusieurs conseillers ont oeuvré pour aider Richard Myotte (au premier plan) à recadrer sa distribution de concentrés. De droite à gauche, Fabienne Viprey du CER France Doubs, Jean-Paul Roumet de la chambre d'agriculture, et Christophe Jacquin du contrôle laitier. Même son vendeur d'aliments, Francis Bourdin, y a été associé. - « Avoir en face de moi des conseillers sur la même longueur d'onde m'a aidé à me convaincre de recoler mes pratiques », explique l'éleveur.© J.-M. V.

Dispositif quasi-unique en France, la chambre d'agriculture, le contrôle laitier et le CER France Doubs proposent une prestation commune de conseils d'entreprise pour répondre aux besoins des agriculteurs.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

QUAND LES OPA DE CERTAINS DÉPARTEMENTS PENSENT « embauche de compétences qu'ils n'ont pas », le Doubs réfléchit « complémentarité de celles qui existent ». Pas question ici de gaspiller son énergie à concurrencer le voisin pour le digérer un jour. On préfère miser sur le partenariat. L'intelligence des responsables professionnels locaux est passée par là. Cela vaut au Doubs un dispositif de conseil d'entreprise unique où les techniciens de la chambre d'agriculture, du centre de gestion et du contrôle laitier travaillent de concert. Son nom de baptême : Agrilean(1). Sa finalité est économique : améliorer le revenu des exploitations, sans forcément produire plus car en l'état, les marges sont énormes. D'après le CER France Doubs, l'écart entre les exploitations des quarts inférieur et supérieur, à système équivalent, est de 15 000 €/UTH/an sur la zone plateau-montagne (système foin-regain AOC comté) et de 20 000 € en plaine.

TROIS PRESTATIONS OFFERTES

Agrilean se décline en trois prestations. Agrilean projet, pour des demandes touchant à la structure de l'exploitation (installation d'un JA, fusion de troupeaux…). Le pilotage y revient à l'un des experts du collectif conseil composé de six agents de la chambre d'agriculture, du CER France Doubs et deux du contrôle laitier. C'est cet expert, plus autonome de par sa formation supérieure (ingénieur), qui établit le diagnostic, sollicite les compétences qu'il n'a pas, coordonne l'action des différents agents et suit le dossier. Agrilean accompagnement vise à répondre à des problématiques moins lourdes, ne remettant en cause que les pratiques d'exploitation. Elle s'organise autour d'une rencontre chez l'agriculteur d'un conseiller d'entreprise de la chambre d'agriculture, de son contrôleur laitier et de son comptable-conseil. Objectif de cette discussion d'une demi-journée : s'accorder sur le diagnostic et un plan de progrès. Charge ensuite à l'un des trois de remettre un document écrit à l'agriculteur. Au contrôleur laitier, amené à le visiter chaque mois, de faire le point régulièrement sur la mise en oeuvre des préconisations. Agrilean Concertation est une prestation plus légère, s'adressant plutôt aux conseillers ayant déjà eu l'occasion de travailler ensemble. Charge à celui qui enregistre la demande de contacter ses confrères pour s'accorder sur une réponse partagée et de le visiter pour lui restituer. Coût de ces prestations : sur devis pour Agrilean projet (selon le temps de technicien), 900 € HT pour un accompagnement, 400 € pour une concertation. Lancée en 2007, Agrilean projet est la prestation qui a eu le plus de succès (une cinquantaine de dossiers). Logique pour Jean-Paul Jézéquel, de la chambre d'agriculture : « La difficulté n'était pas là. Dans ce type de dossier à long terme, l'impératif du temps de diagnostic facturé à l'agriculteur est moins une contrainte que dans une prestation d'accompagnement, qui s'inscrit dans une durée plus courte. Chaque conseiller peut aussi rester plus facilement dans son domaine à la différence d'Agrilean accompagnement. » Ce n'est pas pour rien qu'il a fallu une année de réflexion pour établir un cadre pour coordonner l'action des différents conseillers.

LES PRATIQUES IDÉALES POUR DOPER L'EBE IDENTIFIÉES

Aujourd'hui, lors de la rencontre des trois conseillers avec l'agriculteur, chacun a déjà repéré sur son référentiel maison où se situent ses marges de manoeuvre. À ce niveau, c'est la chambre d'agriculture qui était « le maillon faible ». Contrairement au centre de gestion et au contrôle laitier, qui avaient des données facilement disponibles, il lui a fallu mettre au point un outil de diagnostic rapide et fiable. D'où sa typologie validée par la recherche, très facile à s'approprier, même pour des conseillers débutants. Elle classe les exploitations laitières de la zone plateau-montagne selon leur contexte agro-climatique et de densité laitière en onze types. Y est associée une combinaison de pratiques idéales permettant d'optimiser l'EBE. Ces pratiques, au nombre de quatre (le niveau de productivité laitière, la politique d'élevage, de distribution d'aliments et de fertilisation), expliquent 90 % de l'efficacité économique des exploitations. Une typologie identique sera bientôt disponible pour la plaine. Forts de cet outil de diagnostic pleinement opérationnel, les promoteurs d'Agrilean accompagnement visent un objectif ambitieux pour 2012 : au moins 200 prestations. Établir un cadre clair pour l'action des conseillers était un préalable. Les voir collaborer avec leurs cultures d'entreprise et leurs parcours de formation différents était un autre défi. Le Doubs semble l'avoir bien négocié. L'explication tient sûrement à la façon dont est né en réalité Agrilean. Avant la volonté de partenariat des présidents d'OPA et d'un directeur commun à la chambre d'agriculture et au CER France Doubs, il y a la démarche officieuse de trois techniciens de chaque OPA intervenant chez un cas délicat d'Agridif. Sous son impulsion, ils finissent par se retrouver autour d'une table plutôt que l'utiliser pour communiquer entre eux. La rencontre est bénéfique pour tous. « Cette histoire est d'abord celle de personnes qui éprouvaient le besoin de travailler ensemble pour trouver des solutions et touchaient du doigt, vu l'ampleur du sujet à traiter, la nécessité de se compléter », expliquent Jean-Paul Roumet et Fabienne Viprey, le conseiller d'entreprise et la comptable conseil concernés.

Cette expérience réussie et réitérée par le même trio a largement contribué aussi à lever les réticences de leurs collègues à ce type de démarche novatrice. « Le maître mot dans ce genre d'exercice est le respect des personnes et du métier de chacun », insiste Jean-Paul Roumet.

CAS D'ÉCOLE D'UN AGRILEAN ACCOMPAGNEMENT RÉUSSI

Installé à Loray sur 57 ha d'herbe, avec 160 000 l valorisés en comté, Richard Myotte ne regrette pas son Agrilean accompagnement. C'est sa comptable, alarmée par le dérapage du poste aliments, qui lui a proposé. 1,8 t en 2008, 2,5 t en 2009 et 2,1 t en 2010 : l'impact économique devient insupportable pour le JA. Le plus de 1,8 t de concentré est aussi critique pour le cahier des charges de l'AOC. La réunion des conseillers de septembre 2010 met le doigt sur une incohérence. Par sécurité, peur de manquer de fourrage et de perdre en production, l'éleveur distribue à l'année un aliment complet enrichi en luzerne. Pourtant, les 130 t de foin-regain suffisent à couvrir les besoins et la fibre ne manque pas l'hiver. La décision est prise de la supprimer. Les pratiques de complémentation sont aussi affinées avec l'appui décisif du contrôleur laitier. Fini la règle des 2/4/6/8 kg d'aliments, la distribution individuelle est ajustée au plus juste du lait produit. Richard a aussi la main moins lourde l'été pour mieux tirer parti de l'herbe. Le résultat est probant. En un an, l'aliment est ramené à 1,76 t/ VL et son coût 82 à 73 €/1 000 l. Pour autant, la moyenne économique est peu impactée. Elle est passée de 7 568 à 7 238 kg/ VL et sans nuire au TP, bien au contraire.

J.-M.V.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement