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« Maximiser le lait par place en ration complète »

La distribution d’une ration complète très concentrée, enrichie en méthionine et en lysine, assure un haut niveau de production en race montbéliarde tout en sécurisant les taux.

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Les huit associés du Gaec Vivieroche se fixent l’objectif ambitieux de produire 2 millions de litres avec un troupeau montbéliard conduit en zéro pâturage et seulement 180 places en stabulation. Dans cette logique, sur la base d’une ration complète enrichie en matières grasses et acides aminés, ils parviennent à combiner une production et des taux élevés : 11 234 litres, à 44,1 de TB et 34,7 de TP lors des douze derniers mois. « Notre approche ne consiste pas à faire des économies sur le coût de la ration, mais à maximiser le lait par vache, autrement dit de compenser une marge sur coût alimentaire plus faible par le volume et la qualité du lait livré », explique Bruno Lambert.

« Le facteur limitant est d’abord l’énergie »

Ici, la productivité du troupeau s’explique par la génétique, mais aussi par un effet troupeau­ (l’impact des pratiques et de l’environ­nement sur les performances) de + 3 910 litres de lait parmi les meilleurs de la race. Sur le volet alimentaire, c’est le résultat d’un travail mené sur le rationnement du troupeau avec la société CLNA, depuis plus de dix ans, qui a d’abord porté sur la densification énergétique de la ration de base. « Contrairement à une idée reçue, le facteur limitant n’est pas l’azote, mais l’énergie. Il faut faire en sorte d’apporter à l’auge le fourrage le plus riche et le plus digestible possible, mais aussi de limiter le tri pour une valorisation optimale des aliments produits à la ferme. »

Premier facteur limitant évoqué, la digestibilité du maïs ensilage. Sa part a donc été réduite à 20 kg brut, au profit du maïs épis. Il s’agit de maïs corné denté (Pioneer M3, indice 280 à 320), choisi pour son amidon farineux plus digestible. Depuis 2020, l’ensilage est récolté avec des éclateurs Schredlage, en brins longs de 27mm. « Couplée à un grain mieux éclaté, cette longueur de fibre permet de réduire l’apport de fibres mécanique [NDLR : le foin]. Pour se rapprocher au plus près d’un ensilage à 1 UF, nous visons une récolte à 35 % de MS, le bon compromis entre la teneur en amidon et l’ingestion. » Six silos et un stock de report de deux mois au minimum permettent de toujours distribuer un maïs bien stabilisé, sur lequel des capteurs de mycotoxine sont appliqués systématiquement.

Stimuler l’ingestion et limiter le tri à l’auge

La récupération de la chaleur issue de la méthanisation permet d’intégrer de la luzerne préfanée, séchée en bottes après quatre jours de ressuyage au sol. Elle est complétée par du foin de prairie (séché au champ), tous deux hachés en brins de 5 cm : le chantier de hachage est réalisé tous les deux mois, avec l’ensileuse en poste fixe. Également pour limiter le tri et favoriser l’ingestion, la ration mélangée est mouillée. La quantité d’eau est mesurée avec précision pour une ration totale à 50 % de MS (cette année l’équivalent de 5 litres/vache avec un maïs à 37 % de MS). Le bon dosage est contrôlé à l’auge avec un testeur d’humidité. « Cette teneur est favorable à une bonne ingestion, souligne Louise Bertolini, conseillère Geni’IA (voir infographie ci-contre). Gare à une humidité trop importante, potentiellement source d’encombrement, de déconcentration et d’accélération du transit. »

Distribuée deux fois par jour, la ration complète intègre depuis deux ans du blé floconné, dont la cuisson présente l’intérêt de réduire les propriétés acidogènes de la céréale­. Cette année, un nouvel essai va être mis en place en substituant du maïs micronisé à l’ensilage d’épis : « Il s’agit d’un grain sec passé au broyeur très fin(50 % inférieurs à 5 microns), précise Gérald Cressier, responsable de CLNA. Cette part micronisée est digérée dans l’intestin, ce qui contribue à désencombrer le rumen et donc à limiter les variations de pH dans des rations à forte teneur en amidon (supérieure à 22-23 %). L’idée est de privilégier des amidons lents rendus assimilables par la finesse de la granulometrie. »

« Pas d’intérêt sans des fourrages de qualité »

Cette ration complexe comprend un minéral à la carte formulé par CLNA en fonction des analyses de matières premières.

Elle est aussi enrichie avec de la méthionine protégée : 22 grammes de Kessent (Kemin), intégré au correcteur. Plus récemment, les éleveurs ont intégré de la lysine (Lysigem de Kemin), seconds acides aminés structurellement­ limitants dans la ration des ruminants, apportés à hauteur de 24 g/VL/jour. « L’objectif était de maximiser le TP, souligne Alain Bergey, qui est plus particulièrement en charge de la préparation de la ration. Nous nous sommes rendu compte que cela contribuait aussi à monter en lait. Mais les acides aminés n’ont pas d’intérêt sans des fourrages de qualité etune bonne structure de la ration à l’auge.C’est fondamental. » La ration des vaches taries pendant la préparation au vêlage comprend également de la méthionine protégée : lors de cette phase cruciale de trois semaines avant la mise bas, la ration se compose de 3 kg de foin, 14 kg de maïs ensilage, 2 kg de maïs épis, 0,5 kg de blé et 3,5 kg de Prépalac, un aliment dosant 30 % de MAT, 0,98 UFL et, donc, de 10 g de Kessent.

« Les acétonémies et fièvre de lait sont très rares »

Cet aliment formulé à la cartecontient également un acidifiant puissant pour réduire la Baca et 300 g de carbonate de calcium, un dosage loin d’être contradictoire souligne Gérald Cressier car « l’acidification force l’animal à puiser dans ses réserves osseuses de calcium, qu’il faut compenser par un apport dans l’alimentation ». L’analyse du pH urinaire (objectif de 5,5 à 6,5) et des corps cétoniques par une prise de sang et un lecteur portatif sont des moyens de contrôle mis en œuvre à la ferme. « La phase de préparation au vêlage est une étape fondamentale qui nous a permis de franchir un palier, explique Alain. Depuis que le protocole est appliqué, les problèmes d’acétonémie et de fièvre de lait sont très rares. C’est un moyen de préserver les performances de reproduction, pour ne pas déraper sur l’IVV (387 jours) afin d’avoir un maximum de vaches en début de lactation (mois moyen 5,8) capables de bien valoriser la ration complète. » De ces pratiques découlent une forte consommation de concentrés (335 g/l) et un coût alimentaire élevé de 178,9 €/1000 l, mais aussi un haut niveau de production et des taux de matière utile source de plus-value : prix de base 2020-2021 de 336 €, pour un prix payé par la laiterie de 387,1 € (avec 192 000 leucocytes). Ce résultat, c’est aussi le fruit du temps passé aux soins et à l’observation par au moins deux associés qui se consacrent au troupeau. « Nous sommes tout le temps dans les vaches. L’analyse de tank est notamment un outil qui nous permet d’être réactifs. C’est essentiel pour piloter des VHP : un écart de taux anormal, un taux d’urée qui décroche des objectifs compris entre 250 g/l et 280 maximum, mais aussi un taux cellulaire qui dérape sont autant de signes d’alerte à mettre en lien avec la santé et la valorisation de la ration. » Prochaine étape : remplacer le foin par un ensilage d’herbe. Une voie privilégiée pour réduire le coût alimentaire, en allant chercher un fourrage dosant au moins 0,9 UFL et 18 % de MAT à travers des fauches précoces et l’implantation de prairies multi-espèces à base de mélanges suisses. Première récolte programmée au printemps prochain.

Jérôme Pezon

© j.p. - Confort. Il contribue aux performances d’un troupeau en zéro pâturage : des logettes (1 place par vache), équipées de matelas, abondamment paillées, une ventilation dynamique, une brumisation sur le couloir d’alimentation, des rideaux mobiles gonflables sur les deux longs-pans du bâtiment. j.p.

© j.pezon - Vaches taries. Elles bénéficient d’une large aire paillée et d’une phase de préparation au vêlage de trois semaines avec une ration complétée en méthionine protégée.j.pezon

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