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DES AUTOMATES EN PHASE DE DÉCOUVERTE

Plusieurs distributions de la ration par jour grâce au robot pourraient inciter les vaches à multiplier les repas.© D.G.

Sur le papier, le robot d'alimentation offre une multitude d'avantages qui en feraient presque oublier son prix. Sans gâcher l'enthousiasme, cet équipement manque encore de références objectives.

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APRÈS LE ROBOT DE TRAITE, LE ROBOT D'ALIMENTATION sera-t-il la tendance des dix prochaines années en production laitière ? L'automatisation de l'alimentation, comme celle de la traite il y a vingt ans, est présentée avec tous les bénéfices possibles en termes de gain de temps pour l'éleveur et de performances zootechniques. À l'image du robot de traite à ses débuts, nous avons encore peu de références non commerciales et les premiers éleveurs équipés sont des pionniers parfois partenaires des constructeurs. L'Institut de l'élevage et Arvalis-Institut du végétal viennent de lancer une expérimentation qui permettra d'avoir une vision plus objective sur les bénéfices possibles. Ce travail est réalisé sur la station expérimentale Arvalis de La Jaillière (Loire-Atlantique) qui, dans le cadre de la modernisation de son unité laitière pour réaliser des études sur la valorisation des fourrages, vient de se doter depuis peu d'un automate d'alimentation pour les génisses et les vaches laitières.

QUELS SYSTÈMES D'AUTOMATISATION ?

Une dizaine de constructeurs proposent des automates d'alimentation pour les vaches laitières. Selon notre estimation, une petite douzaine d'installations fonctionne en France. Les robots se différencient sur la manière d'amener les fourrages à l'auge. Cela peut être un wagon sur rail, un convoyeur à tapis ou un véhicule automoteur. Quel qu'elle soit, l'automatisation impose de disposer d'un stock tampon, entre le silo-couloir et le robot, équivalent à au moins la consommation journalière. Ce stockage intermédiaire est souvent la seule intervention de l'éleveur. Il est géré ensuite par l'automate, via des tables à fond mouvant, ou par un grappin pour réaliser la ration complète mélangée. L'option du silo-tour élimine cette étape et permet d'automatiser totalement les rations à base d'ensilage. Les wagons sur rail sont alimentés par batteries rechargeables ou par un second rail de distribution électrique. Ils sont équipés d'un dispositif de pesée pour calculer la quantité distribuée. Ces wagons peuvent être approvisionnés automatiquement par une mélangeuse en poste fixe. La ration se prépare pendant que le wagon distribue, offrant une grande capacité au robot. La mélangeuse est approvisionnée soit par l'éleveur une fois par jour, soit par des tables à convoyeur qui reçoivent les différents fourrages.

D'autres wagons assurent eux-mêmes le mélange de la ration. Dans ce cas, le remplissage du wagon en fourrages passe par des tables à fond mouvant pilotées par le robot. La distribution par convoyeur à tapis impose une mélangeuse en poste fixe. C'est un déflecteur qui, en se déplaçant sur la bande transporteuse, fait tomber la ration dans l'auge. Enfin, le chariot automoteur alimente les auges, guidé par un câble à induction et des capteurs. Il peut desservir plusieurs sites.

QUELS INTÉRÊTS ZOOTECHNIQUEN ?

Les fabricants de robots mettent en avant l'intérêt de pouvoir augmenter la fréquence des repas, jusqu'à douze fois par 24 heures. L'effet serait d'augmenter la quantité de matière sèche ingérée en incitant les vaches à venir s'alimenter à l'auge. Cette multiplication des repas permettrait aussi de stabiliser le pH ruminal. Le tout pour une efficacité alimentaire améliorée. Une ration distribuée tout au long de la journée permettrait aux vaches dominées de s'alimenter sans stress et sans avoir besoin d'une place par vache à l'auge. Au final, le robot offrirait un bâtiment plus calme.

Autre argument souvent cité, la présence de fourrages toujours frais dans l'auge diminue le pourcentage de refus et participe à l'efficacité de la ration. « Dans une enquête suisse réalisée auprès de dix-huit élevages équipés d'un automate d'alimentation, en Europe du Nord, le nombre de distributions est de sept en moyenne mais varie de moins de trois à treize, et la moitié des élevages nettoient l'auge tous les jours. Les effets seront donc variables selon la conduite choisie (nombre de distributions, élimination des refus…). Il n'existe pas de référence avec des fréquences de distribution aussi élevées. C'est pour cela qu'un essai est en cours à la station expérimentale d'Arvalis de La Jaillière. Le protocole prévoit de comparer une seule distribution de la ration, repoussée manuellement deux fois par jour, avec trois et huit distributions par 24 heures avec l'automate », explique Jean-Luc Menard, de l'Institut de l'élevage.

À ce manque de références objectives s'ajoutent plusieurs interrogations. Une augmentation du nombre de distributions dans la journée implique-t-elle nécessairement une augmentation du nombre de repas chez la vache ? Et jusqu'où faut-il aller ? À partir d'un certain nombre de passages, ne bouleverse-t-on pas inutilement le rythme journalier de l'animal qui se répartit entre repas, rumination et repos ? Nous n'avons pas non plus de réponses sur un meilleur accès à la ration pour les animaux dominés. « Quant à avoir moins de refus avec un robot, je ne vois pas pourquoi, sauf à ne pas distribuer la même quantité que lors d'un seul passage. Nous pouvons seulement émettre l'hypothèse que la ration reste plus longtemps dans l'auge avec un risque de reprise des fermentations. Mais cela reste à vérifier », précise Philippe Brunschwig, de l'Institut de l'élevage. Seule certitude, l'automatisation de l'alimentation est adaptée aux élevages ayant des rations multiples et complexes et pratiquant la conduite en lots.

QUELLES ÉCONOMIES D'ÉQUIPEMENTS ?

Pour démontrer l'intérêt économique d'un robot d'alimentation, les économies sur la conception du bâtiment et les équipements sont régulièrement mises en avant. En effet, le robot n'impose pas un couloir d'alimentation large : 2 m peuvent suffire. La multiplication des distributions, donc a priori des repas, permettrait de réduire aussi le nombre de places à l'auge sans qu'il y ait besoin de cornadis. On imagine immédiatement un bâtiment plus compact. Du côté de la distribution, l'économie du fonctionnement biquotidien d'une mélangeuse et d'un tracteur est aussi à mettre dans la balance. Des arguments que relativise Jean- Luc Ménard : « Les bâtiments compacts ont leurs limites. Il faut tenir compte des aires de vie suffisantes, de la surveillance et de l'accès au troupeau, des raclages plus fréquents, des risques sanitaires (dermatites). Et quid de la place des abreuvoirs pour ne pas créer de compétition entre les animaux au niveau des points d'eau ? S'il est possible de réduire la largeur du couloir d'alimentation, comment fait-on en cas de panne ? À l'inverse, je n'approuve pas la réduction des places à l'auge ni l'absence de cornadis. Ce sont des éléments essentiels pour la contention collective ou pour la conduite sanitaire (blocage après la traite). Et les économies réalisées ici doivent être compensées par d'autres systèmes de contention toujours coûteux. Quant à l'abandon de la mélangeuse, cela n'est pas toujours possible lorsque l'exploitation possède plusieurs sites. »

QUEL GAIN DE TEMPS ?

Le gain de temps, et de pénibilité, du travail permis par l'automatisation de l'alimentation apparaît incontestable, souvent plus d'une heure par jour. Mais comme tout automate, le robot d'alimentation nécessite de bien maîtriser la programmation. Certes, la machine est moins complexe qu'un robot de traite et sa prise en main paraît plus simple mais elle a aussi ses servitudes : entretien, réglages, alarmes, pannes, imperfections. Certains éleveurs, parmi les pionniers, n'ont pas hésité à l'évoquer. Un temps d'adaptation est toujours nécessaire. Il sera sans doute plus court chez les utilisateurs d'un robot de traite. D'ailleurs, les constructeurs ne manquent pas de signaler la synergie entre ces deux automates. En créant davantage de mouvements dans le bâtiment, le robot d'alimentation permettrait d'optimiser la fréquentation du robot de traite, surtout dans les heures habituellement creuses (12 h-17 h et 0 h-5 h).

Le robot permet de concevoir un bâtiment plus compact en économisant le large couloir d'alimentation. Mais il y a des limites.

© CÉDRIC FAIMALI/GFA

Convoyeur à tapis, wagon sur rail ou chariot automoteur : plusieurs solutions sont proposées par les constructeurs.

© D.G.

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