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NITRATES : CONSOLIDER LES RÉSULTATS DE QUINZE ANS D'EFFORTS

Avec des épandages de fumier réguliers, il faut tenir compte de ses arrière-effets avant d'apporter un éventuel complément minéral.© THIERRY PASQUET

Une évaluation des deux PMPOA montre les efforts réalisés par les éleveurs dans les zones vulnérables. Il faut les poursuivre. Sinon, la teneur en nitrates dans les eaux remontera.

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VOILÀ QUINZE ANS QUE LES ÉLEVAGES LAITIERS sont engagés dans la réduction de la teneur en nitrates dans les eaux superficielles et souterraines. Un effort considérable de stockage des déjections, accompagné d'un calendrier d'épandage et d'une meilleure répartition sur les exploitations, a été engagé en 1994. Le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) en a été le bras armé. Il a débuté par la mise en conformité environnementale des élevages les plus importants. En 2002, sous la pression de Bruxelles, le PMPOA 2 a restreint la mise aux normes aux fermes situées en zone vulnérable (directive nitrates). Sa date butoir est fixée au 31 décembre prochain. Si l'éleveur estime que ses travaux ne seront pas achevés à cette date, il peut solliciter un report auprès du guichet unique de son département, à condition de justifier sa demande (difficultés financières, etc.). Il faut le faire dès maintenant. Dans une évaluation des deux PMPOA publiée en septembre dernier, l'Institut de l'élevage a recensé 90 000 élevages, toutes productions confondues, ayant obtenu un accord de financement des pouvoirs publics (État, conseils régionaux et départementaux) et des agences de l'eau, soit 40 % des élevages français. À lui seul, le PMPOA 2 touche 53 000 élevages dont 27 100 laitiers. Les financeurs y auront injecté 700 millions d'euros à l'achèvement du programme, soit 20 à 25 % du coût total. De leur côté, les éleveurs auront mis sur la table 2,8 milliards d'euros.

Le second programme double les capacités de stockage des déjections. À partir des projets déposés, l'Institut de l'élevage a constaté qu'en exploitations laitières spécialisées avec plus de 30 % de leur surface fourragère en maïs, la surface des fumières passait, en moyenne, de 90 à 181 m2 et le volume des fosses à lisier de 106 à 275 m3.

Le PMPOA 2 permet aussi une meilleure valorisation des déjections. Les procédés de traitement d'effluents peu chargés ont évité la dilution des lisiers et augmenté leur efficacité agronomique. Les pratiques de fertilisation s'améliorent également. « L'épandage des déjections animales est mieux réparti sur les exploitations, observe André Le Gall, responsable du pôle bâtiment-environnement de l'Institut de l'élevage. Après l'application du PMPOA 2 dans les exploitations laitières, la quantité d'azote organique est de 113 kg/ha fertilisé, contre 151 kg auparavant. En d'autres termes, les surfaces retenues pour recevoir les déjections ont augmenté. »

UN MILIEU NATUREL COMPLEXE

Cette meilleure répartition ne s'est pas toujours traduite par une réduction drastique de l'azote minéral. L'impact du PMPOA 2 joue sur une baisse de 10 kg/ha de SAU (85 kg/ha contre 95 kg/ha avant projet). Il faut dire que ce mouvement avait déjà été enclenché avant le lancement du PMPOA 2, au milieu des années quatre-vingt-dix. Il faut le consolider.

Ces programmes ont-ils eu une réelle incidence sur la diminution des teneurs en nitrates des eaux dans les zones vulnérables (ZV) ? C'est ce qu'a vérifié l'Institut de l'élevage, à la demande des ministères de l'Agriculture et de l'Écologie. À partir des campagnes de mesures 1997-1998 et 2004-2005 dans les eaux superficielles et souterraines des ZV, il a pu évaluer l'impact du PMPOA 1.

Celui du PMPOA 2 pourra être établi après la campagne 2009-2010. Pour cela, l'institut a créé un indicateur de nitrates combinant les résultats des eaux souterraines et superficielles de chaque canton en ZV. Il permet d'apprécier l'état de la ressource en eau vis-à-vis de ce paramètre. Les résultats sont concluants : là où le PMPOA 1 a été le plus développé, principalement dans le grand Ouest qui a une activité d'élevage importante, l'indicateur baisse, en moyenne, de 12,7 mg de nitrates par litre (voir p. 28). Ces cantons représentent 43 % de la SAU des ZV. À l'inverse, l'indicateur augmente de 9 mg de nitrates par litre sur 23 % de la SAU des ZV. « Cela concerne les régions de grandes cultures et les régions d'élevage où le PMPOA 2 ne faisait que commencer », analyse-t-il. Selon lui, le milieu naturel ne répond pas aussitôt aux changements de pratiques. « En zones de grandes cultures, les nitrates migrent en profondeur dans les nappes phréatiques. » De même, dans les bassins versants, le temps de réponse n'est pas immédiat. C'est ce qu'indique le suivi, pendant plusieurs années, d'un petit bassin-versant agricole en Ille-et-Vilaine, non en contentieux avec Bruxelles. À partir de mesures, l'Inra, l'Institut de l'élevage, Arvalis et l'Acta ont modélisé l'effet des changements de pratiques sur la qualité de l'eau. Au bout de cinq ans, une fertilisation optimisée réduit la teneur en nitrates de 5 %, l'optimisation poussée de 7 à 8 % et les systèmes herbagers dés intensifiés de 10 %. Vingt ans après, la première abaisserait le niveau de 15 % et les derniers de 25 %. « Il faut un délai de réponse du bassin-versant de dix à vingt ans, estime Christelle Raison, la chargée des “nitrates-phosphore” de l'Institut de l'élevage. La lutte contre les nitrates est donc longue et complexe. Les résultats encourageants des PMPOA montrent les efforts réalisés depuis quinze ans. Il faut les poursuivre. »

QUELQUES MESURES PRÉVENTIVES CONNUES

- Éviter les sols nus l'hiver : si le sol n'est pas couvert l'hiver, l'azote (N) restant après la culture ou libéré par la minéralisation de la matière organique n'est pas capté. Il est lessivé. L'implantation d'une culture piège à nitrates remédie à ce phénomène. La fertilisation équilibrée, combinée à l'implantation d'une culture intermédiaire, réduit en effet les pertes d'azote nitrique de 50 % dans le cadre de la monoculture du maïs et de 60 à 90 % avec une succession blé-maïs.

- Adapter la fertilisation aux rendements et à l'histoire de la parcelle : la réglementation environnementale exige un plan prévisionnel de fumure. S'il peut apparaître contraignant, il permet de raisonner l'utilisation des déjections sur la surface épandable. Pour chaque parcelle, il repose sur un objectif de rendement réaliste de la culture ou de la prairie concernée. Il s'articule en particulier sur les arrière-effets des déjections apportées les années précédentes et sur l'effet direct de l'épandage de l'année (25 % de l'azote organique pour le fumier, 50 à 60 % pour le lisier). La mesure des reliquats azotés en sortie d'hiver prend en compte les variations climatiques d'une année sur l'autre. « Les flux d'azote sont liés aux conditions climatiques, rappelle Christelle Raison. Lors de la canicule en 2003, l'été sec n'a pas permis une minéralisation de l'azote organique. Ce dernier s'est accumulé dans le sol. Le doux hiver de 2004 a favorisé sa libération, ce qui a généré des reliquats élevés en sortie d'hiver. » Il faut donc adapter la fertilisation azotée au besoin de la culture ou de la prairie en prenant en compte toutes les sources d'azote, avec à la clé une réduction de la consommation des engrais chimiques. A ce titre, les mélanges graminées + légumineuses sont intéressants.

- Supprimer les prairies « parking » : des fuites d'azote sont également enregistrées à partir des prairies. Les pertes sont très faibles pour des prairies de fauche correctement fertilisées, mais peuvent atteindre plus de 100 kg de N/ha/an si elles sont fortement fertilisées et que les animaux y séjournent longtemps. « Le temps de présence des animaux sur la parcelle explique en partie ce phénomène. Une prairie enregistrant moins de 500 journées de présence au pâturage (NDLR : 24 h pour une vache au pâturage) perdra entre 0 et 40 kg de N lessivé/ha. Au-dessus de 550 journées, les pertes peuvent atteindre 80 kg. » La principale mesure consiste à supprimer les « parcelles-parkings » à côté du bâtiment, surtout lorsque la pousse de l'herbe est faible et que les animaux reçoivent un complément fourrager. Il vaut mieux conserver les animaux à l'étable afin de collecter puis de valoriser leurs déjections.

- Maîtriser tout le système fourrager : le système fourrager français, basé sur un taux de labour important remet régulièrement en circulation l'azote, avec risque de lessivage à la clé. « Les exploitations spécialisées de l'Ouest enregistrent un excédent d'azote (1) de 80 kg de SAU pour les plus optimisés à 100 kg/ha. D'après un suivi dans quatre fermes expérimentales, leurs pertes par lessivage sont comprises entre 40 et 60 kg/ha si l'azote est bien géré. Celles des exploitations laitières herbagères intensives du Royaume-Uni et de l'Irlande sont de 10 à 30 kg alors que leur excédent azoté tourne autour de 220 kg. » Leurs prairies de très longue durée, avec plus de 10 % de taux de matière organique, stockent l'azote dans le sol. Selon Christine Raison, en maîtrisant les postes évoqués ci-dessus, les pertes par lessivage des exploitations de l'Ouest pourraient être ramenées entre 30 et 50 kg/ha de SAU.

(1) Bilan entre le N utilisé (aliments, etc.) et les produits sortis (lait, etc.).

Avec des épandages de fumier réguliers, il faut tenir compte de ses arrière-effets avant d'apporter un éventuel complément minéral.

© THIERRY PASQUET

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