LE MAÏS GRAIN HUMIDE, L'AUTRE VALORISATION FOURRAGÈRE
La partie noble de la plante est une source d'amidon de qualité, qui s'associe bien à l'herbe pâturée et aux fourrages riches en celluloses digestibles pour densifier les rations en énergie.
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UTILISÉ POUR L'ALIMENTATION DES PORCS depuis les années cinquante, le maïs grain humide (MGH) entre de plus en plus souvent dans la ration des vaches laitières. Dans ce cas, c'est un concentré intéressant pour valoriser la culture du maïs, en complément de l'ensilage plante entière. Cela permet de gagner en autonomie alimentaire sans engager de frais de séchage et sans besoin de structure de stockage. Certains nutritionnistes privilégieraient même le maïs grain humide sur l'ensilage plante entière dans la ration des laitières, en l'associant à d'autres fourrages de qualité.
ENSILÉ OU INERTÉ, DEUX MODES DE CONSERVATION
Il existe essentiellement deux techniques de conservation du maïs grain humide. Chacune impose une absence d'oxygène, donc un mode de stockage étanche. Si le grain est moissonné assez tôt, à une humidité entre 30 et 35 %, il peut être ensilé après avoir été broyé et tassé. Dans ce cas, les bactéries lactiques fermentent les glucides et abaissent rapidement le pH (4 à 4,5). Cette conservation se fait en silo couloir étroit ou en silo boudin, mais impose un avancement minimum de 10 cm par jour de façon à éviter la reprise en fermentation. Autre méthode de conservation : l'inertage. Elle concerne des grains moissonnés plus secs (2 à 30 % d'humidité) qui sont conservés entiers, souvent dans un big bag étanche.
La respiration des grains consomme l'oxygène et produit du gaz carbonique pour un abaissement modéré du pH (5 à 5,5). L'inertage en big bag de 800 kg est recommandé pour des consommations quotidiennes inférieures à 150 kg bruts, mais elle impose un broyage ou un aplatissage à la reprise. Il existe une autre méthode qui permet d'éviter tout broyage. Il s'agit d'un traitement à l'ammoniac des grains avant de les stocker hermétiquement en big bag. L'ammoniac dégrade la paroi cireuse du grain, ce qui permet de l'utiliser en l'état par la vache laitière sans broyage.
Le gaz est injecté dans le maïs grain entier, à raison de 20 kg/t avant son stockage en big bag. L'humidité doit être suffisante (32 à 38 %) pour bien fixer l'ammoniac. L'intérêt de cette méthode est aussi d'enrichir le maïs en azote : 140 g de PDIN/PDIE au lieu de 82 g pour un MGH non traité. Comme l'ammoniac imprègne l'amidon du grain, il permet un enrichissement en PDIA non négligeable (82 g au lieu de 60 g). La technique apparaît très intéressante dans cette période de correcteur azoté hors de prix. Le maïs grain ainsi traité peut se conserver deux à trois ans dans son big bag, et reste beaucoup plus stable à l'ouverture qu'un maïs inerté. Le prix du traitement à l'ammoniac se situe dans une fourchette de 38 à 40 €/t. Le maïs grain est la partie noble de la plante. Qu'il soit sec ou humide (25 à 35 % d'humidité), il possède la même composition chimique, avec évidemment une dominante en amidon (742 g/kg de MS) supérieure au blé (698 g/kg).
UNE SOURCE D'AMIDON DE BONNE QUALITÉ
De ce fait, sa densité énergétique est très élevée : 1,22 UFL/ kg de MS, bien au-dessus d'un ensilage maïs plante entière qui intègre une partie tige-feuilles assez pauvre (moins de 0,6 UFL). Dans les rations pour vaches laitières, le maïs grain a aussi la réputation d'être dégradé plus lentement dans le rumen, donc potentiellement moins acidogène. C'est indéniable pour le maïs grain sec dont l'amidon vitreux se dégrade lentement (DT : 56 %). Cela l'est moins pour le MGH qui se dégrade assez vite dans le rumen (DT : 74 %) mais moins rapidement qu'un blé (DT : 80 %). Le MGH ne peut donc pas être considéré comme une source importante d'amidon lent. Sa dégradabilité dans le rumen est tout juste un peu plus faible que l'amidon d'un ensilage maïs plante en- 3 QUESTIONS À... tière. Le risque d'acidose n'est donc pas à négliger. Dans le département de l'Illeet- Vilaine, 14 % des producteurs de lait utilisent du maïs grain dans la ration de leurs vaches laitières. 55 % d'entre eux, soit environ 250 élevages, l'utilisent sous forme humide et pour moitié, ils pratiquent un traitement à l'ammoniac du grain.
500 KG PAR VACHE
Le MGH est utilisé dans les rations hivernales, en complément de l'ensilage de maïs qui domine toujours les rations bretonnes. Les quantités distribuées dépendent de la richesse en amidon du fourrage de façon à ce que la ration totale ne dépasse pas le seuil critique de 27 % d'amidon. « Dans ce cas, le maïs grain humide peut avoir deux fonctions : corriger un ensilage maïs pauvre en amidon (trois points d'amidon peuvent se corriger par 1 kg de MGH) ou enrichir en énergie une ration mixte comprenant une part conséquente d'ensilage d'herbe. En général, nous ne dépassons pas 1 à 1,5 kg de maïs grain humide par vache et par jour. Le traitement à l'ammoniac peut être judicieux à cette période en permettant une économie de 400 g de correcteur azotée, soit un gain de 3 à 4 €/1 000 l », explique Alain Bourge, d'Eilyps (Conseil élevage d'Ille-et-Vilaine).
Autre usage pendant la période de pâturage où l'amidon du maïs grain humide permet de densifier la ration en énergie. « En général, nous ne dépassons pas le seuil de 2,5 kg/jour, car peu d'éleveurs arrêtent l'ensilage maïs pendant le pâturage. Bien sûr, il n'y a pas de traitement à l'ammoniac ici de façon à ne pas rajouter de l'azote soluble. » Un éleveur qui distribue du maïs grain humide en hiver et au printemps en utilise environ 500 kg par vache. Avec un rendement moyen estimé à 90 q/ha à 35 % d'humidité, un troupeau de 60 vaches nécessitera un peu plus de 3 ha. « C'est assez souple car, en fonction des surfaces disponibles en maïs et du rendement de l'année, l'éleveur remplit en priorité ses silos de fourrage et dispose ensuite du maïs grain humide nécessaire. Cela permet de gagner en autonomie mais comme tout aliment fermier, il faut être très attentif à ne pas le gaspiller », avertit Alain Bourge.
LE CHANTIER EST RAPIDE
Jérémie, éleveur dans l'Ille-et- Vilaine avec 90 laitières à 9 200 kg, utilise le MGH dans la ration des vaches depuis 2008. Il lui en faut 25 t traitées à l'ammoniac en big bag pour la ration hivernale et 25 t broyées et stockées en silo boudin pour le printemps. « Je distribue 1,2 kg de MGH par vache en hiver dans une ration équilibrée à 30 kg de lait avec 50 kg d'ensilage maïs, 5 kg d'ensilage luzerne et 3,7 kg de correcteur azoté. Au printemps, avec une ration de deux tiers d'ensilage maïs et un tiers de pâturage, je passe à 2 kg par vache. » L'exploitation de 155 ha de SAU compte chaque année environ 54 ha de maïs. En année normale, 40 ha sont ensilés, 7 ha passent en maïs grain humide, le reste est moissonné sec et vendu. « Pour moi, le maïs grain humide présente plusieurs intérêts. C'est d'abord un amidon moins acidogène que le blé qui permet de densifier les rations en énergie. Il faut cependant être très prudent sur la fibrosité de la ration. C'est d'autant plus intéressant chez nous que certaines de nos terres très humides imposent du maïs chaque année. Ainsi toutes les autres céréales (blé, triticale) produites sur l'exploitation sont vendues. » L'éleveur apprécie aussi un chantier rapide : le grain est moissonné le matin, puis ensilé ou traité l'aprèsmidi par une entreprise. Le stockage a un coût, mais il est simple : big bag ou boudin. « Il faut veiller à l'étanchéité, donc protéger le boudin des oiseaux. Il faut aussi avancer d'au moins 10 cm par jour. Je m'assure en utilisant un conservateur. Seul inconvénient : il faut remplir la mélangeuse à la pelle. »
Le traitement à l'ammoniac avant l'inertage a plusieurs avantages : il enrichit de façon non négligeable le maïs en azote et permet de distribuer le grain en l'état sans avoir à le broyer. Le gaz attaque la paroi cireuse du grain et lui donne une teinte brune. L'idéal est d'avoir un taux d'humidité entre 32 et 38 %. © CHRISTIAN WATIER
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