ET SI VOUS OSIEZ LE SEMIS DIRECT
Les itinéraires techniques sont aujourd'hui validés et les économies en temps de travail et en charges de mécanisation sont évidentes. La protection du sol y gagne aussi, ainsi que le rendement.
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EN VENDÉE, ILS SONT UNE CENTAINE D'AGRICULTEURS À AVOIR SAUTÉ LE PAS pour implanter leur maïs en semis direct (SD). Il y a encore une dizaine d'années, semer en direct une culture de printemps apparaissait mission impossible : d'accord pour les cultures d'automne mais un maïs, surtout après un ray-grass italien, pas question ! La charrue revenait et, avec elle, la perte des bénéfices engendrés par l'absence d'un travail du sol en profondeur.
POURQUOI NE PLUS LABOURER ?
« On s'engage le plus souvent dans le semis direct pour des questions de temps de travail ou pour ne plus avoir à ramasser les pierres dans les champs. Les éleveurs constatent aussi que les sols deviennent de plus en plus compacts, et demandent davantage de puissance et de carburant pour être travaillés. Dans un deuxième temps, ils se découvrent une passion pour l'agronomie qu'ils ne soupçonnaient pas. Cela conduit à des agriculteurs un peu plus heureux de leur métier que les autres, car ils deviennent curieux de la mise en place de mécanismes de production naturels et gagnent en autonomie de décision », explique Thierry Gain (Apad Centre Atlantique), qui anime plusieurs groupes de semis direct en Pays de la Loire. Si le labour est dans l'ADN de beaucoup d'agriculteurs, on identifie aussi ses risques et ses dérives. Souvent trop profond, il dilue la matière organique, limite la biodiversité des sols et participe à leur compaction. Enfin, il accentue considérablement le risque d'érosion. « Même dans les systèmes d'élevage, avec 40 t/ha de fumier par an, il est devenu difficile de dépasser les 2 % de matière organique car le labour accélère la minéralisation », explique Thierry Gain.
COMMENT SE LANCER ?
Du labour au semis direct, il existe tout un gradient de profondeur de travail du sol. Entre 7 et 30 cm, les techniques de culture simplifiées (TCS) peuvent s'apparenter à du labour. À moins de 5 cm, on s'approche du semis direct avec l'objectif d'un sol structuré biologiquement, sans zone de tassement. Il existe aussi la technique du strip-till qui consiste à ne travailler que la ligne du semis. Elle a été souvent expérimentée en maïs avec des échecs parfois cuisants. « Dans des parcelles argileuses ou mal ressuyées, le strip-till a tendance à lisser la terre et le maïs se retrouve comme dans un pot de fleur. » La tendance est de passer directement du labour au semis direct, sans l'étape des TCS, car continuer à « gratter » le sol n'enclenche pas les modifications biologiques nécessaires. « Nous savons aujourd'hui que les sols s'adaptent très rapidement, surtout en système d'élevage où nous pouvons placer les maïs derrière des prairies, donc avec un sol déjà bien structuré et vivant. Mon conseil serait de se lancer en rejoignant un groupe d'éleveurs déjà engagés dans cette technique. Cela suppose évidemment des évolutions dans l'assolement où les rotations céréale-ray-grass italien-maïs n'auront plus leur place. C'est une approche globale de l'exploitation, mais notre objectif est clair au niveau de l'Apad : pas question de gagner moins qu'avant, ni de mettre en danger la sécurité fourragère », précise Thierry Gain.
Y A-T-IL DES RISQUES ?
L'une des principales critiques sur le semis direct est la maîtrise aléatoire des adventices et des attaques fongiques. N'apprend-on pas à l'école que le labour est le premier des désherbages. Bref, les agriculteurs en semis direct auraient des IFT (indicateurs de fréquence de traitement) plus élevés que les laboureurs ? « Au début, ils restent au même niveau d'utilisation qu'en conventionnel. Ensuite, on apprend à mieux maîtriser les adventices, notamment avec les couverts végétaux. Par exemple, il est plus facile de détruire une prairie à l'automne plutôt qu'au printemps, où la dose d'herbicide nécessaire sera plus élevée. Nous utilisons du glyphosate, mais à des doses souvent inférieures à 1 l/ha (moins de 20 €/ha) ». La biodiversité qui s'installe progressivement dans le sol est aussi une alliée pour moins utiliser fongicides et insecticides. Ainsi le risque mycotoxine, souvent pointé du doigt, s'avère moins élevé en semis direct. Ce n'est peut-être pas le cas en TCS. Seuls les dégâts de limaces apparaissent plus difficiles à maîtriser biologiquement. « Mais nous avons quelques pistes et les connaissances évoluent. Objectivement, les éleveurs en semis direct ont souvent des IFT plus bas que les autres », affirme Thierry Gain. Le non-enfouissement du fumier peut aussi poser un problème et gêner le voisinage. Certains éleveurs utilisent des traitements bactériens pour une évolution aérobie du fumier sans pertes d'azote, car l'azote minéral devient organique sans dégagement d'ammoniac gazeux. « Contrairement à une idée reçue, le semis direct ne permet pas nécessairement des économies de fertilisation. Sans travail du sol, la minéralisation diminue et le sol stocke davantage d'azote sous forme organique. Il est donc nécessaire de maintenir le niveau de fertilisation azotée et d'inclure des légumineuses dans la rotation qui l'enrichiront naturellement. » Enfin, la technique impose l'investissement dans des semoirs spécifiques assez onéreux (35 000-40 000 €) qu'il est possible de partager en groupe.
QUELS ITINÉRAIRES TECHNIQUES EN SEMIS DIRECT ?
Le principe général du semis direct est que la biologie du sol (le travail des racines et des vers de terre, entre autres) remplace le travail mécanique du « fer ». Des racines actives entretiennent une vie biologique intense qui aère le sol. C'est le rôle des couverts qui peuvent être permanents (avec de la luzerne) ou en dérobé (avec un méteil). À la différence d'une Cipan (culture intermédiaire pièges à nitrates), ces dérobés ne sont pas détruits au moment du gel. On les laisse vivants le plus longtemps possible en surveillant quand même que le sol ne s'assèche pas trop si le printemps s'annonce sec. Derrière une céréale, les éleveurs sèment souvent un méteil d'été (pois, trèfle incarnat, trèfle d'Alexandrie, vesce de printemps, moha) qui sera roulé ou récolté à l'automne pour semer un nouveau méteil d'hiver type (féverole pois, vesce, triticale ou seigle) qui lui aussi peut être récolté ou roulé avant le semis de maïs. Selon le choix de l'éleveur, le fumier est épandu en janvier ou après le semis du maïs, ce qui lui assure un paillage. Le désherbage en post-levée du maïs se gère comme sur une culture conventionnelle en fonction de la présence importante ou non de graminées. Avec un précédent prairie, la destruction se fait à l'automne, suivie d'un semis direct de légumineuses qui sera roulé avant l'implantation du maïs.
Semer du maïs dans un couvert pérenne de type luzerne est plus délicat à maîtriser car il faut absolument contenir la luzerne pour qu'elle ne concurrence pas le maïs qui reste prioritaire : coupe rase, léger désherbage... « Il est souvent difficile de réussir les deux cultures. On peut le tenter sur des luzernes en fin de course », précise Thierry Gain.
En semis direct, les rendements en maïs sont égaux ou supérieurs aux maïs après travail du sol. Dans un sol très bien structuré, l'enracinement est souvent plus dense et plus profond. « Mais le choix des variétés est important. Certains hybrides sont plus aptes que d'autres à supporter un sol plus froid au semis, avec un peu moins d'azote disponible. Le critère le plus pertinent est la capacité de germination à froid. Cela se juge facilement en plaçant des graines au réfrigérateur à 6°C. La FRGeda Pays de la Loire conduit des essais depuis plusieurs années. Les rendements peuvent aller du simple au triple suivant la variété », assure Thierry Gain.
Au premier coup de bêche dans les parcelles en semis direct, une multitude de vers de terre apparaissent. On distingue nettement leurs galeries, élément clé de la porosité d'un sol qui a perdu son aspect compact.
En surface, on remarque aussi ces quelques centimètres plus foncés car la matière organique n'est plus enfouie, ni diluée, et participe davantage à l'activité biologique du sol.
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