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LA MIXITÉ LAIT-VIANDE N'EST PAS MENACÉE

Que vont faire, après 2015, ces exploitations qui combinent plusieurs ateliers bovins ? Vont-elles se spécialiser et développer l'atelier laitier, ou plutôt maintenir une certaine mixité ? Les évolutions s'annoncent contrastées selon les bassins laitiers.© CHRISTIAN WATIER

Alors que 40 % des exploitations laitières françaises disposent d'un atelier viande (jeunes bovins ou vaches allaitantes), l'Institut de l'élevage s'est interrogé sur leur avenir.

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AU REGARD DE LEURS VOISINS DU NORD DE L'EUROPE, les 74 000 exploitations laitières françaises sont peu spécialisées : en 2013, 40 % d'entre elles engraissaient des jeunes bovins ou conduisaient un troupeau allaitant. Et 53 % des gros bovins abattus dans notre pays en étaient issus. « Cette situation s'explique, entre autres, par le mode de gestion des quotas laitiers, analysent les économistes de l'Institut de l'élevage. L'attachement au foncier des droits à produire a stoppé les mouvements de concentration géographique. Freinés dans leur croissance, les laitiers ont introduit des vaches allaitantes ou des boeufs sur des surfaces herbagères éloignées des corps de ferme. Dans les régions intensives, des exploitations laitières ont développé la production de jeunes bovins, essentiellement à base de veaux mâles nés dans l'élevage. » Que vont faire après 2015 ces exploitations laitières qui combinent plusieurs ateliers bovins ? Vont-elles se spécialiser et développer l'atelier laitier, ou plutôt maintenir une certaine mixité ?

TROIS « FRANCE LAITIÈRES » ANALYSÉES

Pour éclairer ces questions, l'Institut de l'élevage a organisé au printemps 2014 des ateliers de prospective dans trois régions laitières de forte mixité lait-viande : la Lorraine, l'Auvergne et le Grand-Ouest. Chaque atelier a réuni une douzaine d'éleveurs. Ces derniers se sont exprimés sur le devenir des productions lait et viande de leur exploitation et de leur région. Cet exercice a permis de cerner dans ces trois « France laitières », les facteurs favorables et défavorables au devenir du lait et de la viande bovine (lire encadré p. 33).

Les évolutions s'annoncent contrastées selon les bassins laitiers. « La mixité lait-viande reculera probablement dans le Grand-Ouest, avec des mouvements différents selon que l'on est en Bretagne ou en Normandie, annonce l'équipe de Gérard You, responsable du département économie à l'Institut de l'élevage. Elle résistera mieux dans l'Est et dans le Massif central où la part élevée des surfaces toujours en herbe est propice au maintien des boeufs ou des vaches allaitantes. »

Dans le Pays de Fougères, région d'Ille-et-Vilaine à forte dynamique laitière, la majorité des éleveurs enquêtés entend accroître leur production laitière. Seuls ceux en fin de carrière et sans successeur déclarent opter pour une croissance modérée sans réinvestir. L'intensification animale et fourragère est la voie privilégiée pour produire plus. La plupart envisagent d'augmenter leurs surfaces en cultures fourragères (surtout maïs) dédiée aux vaches laitières, aux dépens des prairies temporaires, voire des surfaces toujours en herbe.

Néanmoins, dans le Grand-Ouest où le profil des exploitations laitières est contrasté (massivement spécialisé en Bretagne, majoritairement diversifié en Normandie), des facteurs propices au maintien de la mixité lait-viande subsistent tel que le manque de main-d'oeuvre(1), et la meilleure résistance économique des exploitations diversifiées face à la volatilité des marchés laitiers. La crise laitière de 2009 reste dans toutes les mémoires.

« Certains éleveurs perçoivent la viande comme un coproduit du lait (valorisation des veaux, des prairies permanentes, des refus des laitières, des bâtiments anciens) à faible coût de production et peu exigeant en travail », note l'institut. Une autre raison peut favoriser le maintien, voire le développement d'ateliers de jeunes bovins : la déduction fiscale pour investissements donne la possibilité de réduire le bénéfice imposable des agriculteurs(2) et indirectement leurs cotisations MSA. La DPI permet de financer dans les cinq ans la constitution de stocks ou de parts sociales de coopératives. Grâce à ce dispositif, des éleveurs financent le fonds de roulement nécessaire à l'acquisition de bovins maigres pour l'engraissement de jeunes bovins, qui devront rester au moins un an sur l'exploitation.

Dans les grandes exploitations sociétaires, des raisons sociologiques (répartition des responsabilités, aversion de certains associés pour le lait...) peuvent aussi inciter au maintien de plusieurs ateliers.

Dans l'Est (Lorraine, Haute- Marne et Ardennes) où la mixité lait-viande s'est plutôt renforcée entre 2005 et 2013, la viande bovine a de l'avenir. Les exploitations sont souvent de grande taille et sociétaires avec un parcellaire dispersé. Les ateliers viande bovine sont d'autant moins menacés que l'intensification fourragère libère des prairies permanentes.

NOUVELLE PMTVA ACCESSIBLE AU-DELÀ DE 10 VACHES

Dans le Massif central, la fin des quotas laitiers et la mise en oeuvre de la nouvelle Pac, en particulier les nouvelles références de PMTVA, ne vont pas modifier outre mesure les tendances lourdes déjà à l'oeuvre. « La production laitière reste bien plus sensible à court terme aux aléas climatiques (disponibilités fourragères) et économiques (prix du lait et de l'aliment concentré) », note-t-on à l'institut.

Au-dessus de dix, toutes les vaches allaitantes des exploitations mixtes seront éligibles à la nouvelle aide aux bovins allaitants, aide couplée qui remplace la PMTVA (Prime au maintien de troupeaux de vaches allaitantes).

L'intégralité de l'étude de l'Institut de l'élevage est parue en octobre 2014 dans le numéro 450 de la revue Économie de l'élevage, dossier « Prévision viande bovine en 2020 ».

(1) Les éleveurs interrogés sont généralement réticents à employer des salariés.(2) Jusqu'à 27 000 €/an et par associé dans la limite de trois.

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