GRAND-OUEST : « SEREIN, MAIS J'INVESTIS AVEC PRUDENCE »
Mathieu Drouet s'est installé en 2011 avec ses parents lorsqu'une bonne opportunité s'est présentée. Il raisonne les investissements de façon à améliorer l'efficacité en maîtrisant les charges.
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MES PARENTS SE SONT LANCÉS UN AN AVANT l'arrivée des quotas et moi, je me suis installé juste avant leur disparition », remarque Mathieu Drouet, éleveur à Notre-Dame-des-Landes. Technico-commercial en aliments pendant six ans, il souhaitait revenir sur l'exploitation, mais dans de bonnes conditions. « Mes parents avaient un troupeau sélectionné de bon niveau, un parcellaire bien structuré de 80 ha, et un bâtiment de soixante places. »
En 2011, un voisin a arrêté le lait. À 2 km, l'exploitation avait le même système de production et un troupeau à 10 000 kg pour un quota de 280 000 l. La reprise a intéressé Mathieu. Il a bénéficié d'une attribution de 50 000 litres à l'installation ce qui a porté le quota à 700 000 l. « Nous avons investi 30 000 € pour ajouter deux travées dans notre bâtiment afin d'y accueillir le troupeau », précise Mathieu. Au total, le Gaec a investi 100 000 € dans la reprise et Mathieu y a consacré 50 000 € à titre personnel.
« JE FERAI 800 000 L POUR 2014-2015 »
Dès la première année, ces aménagements ont permis de livrer 685 000 litres. Depuis, la référence est montée à 735 000 litres et sur la campagne, la laiterie Terrena (Laïta) a annoncé dès mars une rallonge de volume de 15 %. « Nous ferons environ 800 000 litres pour la campagne 2014-2015. Je ne pensais pas y arriver si vite quand je me suis installé. » Ce volume correspond bien au potentiel fourrager de l'exploitation.
Mais le bâtiment est saturé en hiver. Là se trouve le principal facteur limitant. « Les vêlages sont actuellement groupés sur août à octobre. Mais on peut loger 72 vaches au maximum en réduisant la surface à 5 m2 par vache. » La qualité du lait et la santé du troupeau sont maîtrisées, mais les éleveurs souhaitent lever cette contrainte. « Dans deux ans, le montant des annuités va baisser et nous pouvons emprunter avant avec un différé de remboursement. De plus, nous espérons que le nouveau plan bâtiment (PMBE) nous permettra de bénéficier d'aides. »
« UN LOGEMENT CONFORTABLE ET ÉVOLUTIF »
Les éleveurs vont transformer l'aire paillée en logettes avec matelas. Ils vont faire intervenir des entreprises car ils ont peu de temps disponible et veulent que les travaux soient bien faits. « Un bâtiment, c'est un outil pour une carrière. Il faut un bon niveau de confort pour que ça fonctionne bien. » Le bloc de traite (2 x 6 avec décrochage automatique) date de 1982 et reste fonctionnel. « Nous ne voulons pas augmenter la surface couverte à cause du coût. Même s'il a plus de 30 ans, le bâtiment est en bon état. L'enjeu est de pouvoir produire plus sans déraper sur les charges, d'où le choix des logettes. »
Cette volonté de maîtriser les dépenses constitue la réponse des éleveurs à la volatilité des prix. Mais le projet doit aussi permettre d'être plus efficaces et de travailler dans de meilleures conditions. Un dac est prévu, ainsi que des racleurs automatiques et des portails électriques. « Aujourd'hui, une personne seule ne peut pas effectuer le travail. Notre objectif est d'y parvenir après les travaux. » Les aménagements provisoires ont eu l'avantage de coûter peu, mais ils ne facilitent pas le travail.
Par ailleurs, le passage à un système lisier nécessite la construction d'une fosse. Elle fera 2 000 m3, soit une capacité suffisante pour 120 vaches passant quatre mois et demi en bâtiment. « Nous conservons un espace de 20 m entre le bâtiment et la fosse de façon à pouvoir rajouter des travées plus tard. » Mathieu a calculé qu'il pourrait ainsi aménager 48 logettes supplémentaires. Dans un premier temps, le projet se limite à l'aménagement de 85 logettes. Il est chiffré à 240 000 € et Mathieu sait que la banque suivra. Un bâtiment neuf coûterait plus du double.
« Aujourd'hui, en livrant 800 000 l de lait, nous dégageons trois revenus, sur la base de deux Smic chacun. Produire plus n'est donc pas un objectif. » Mais Mathieu voudrait consolider ce volume. Car sans la rallonge, sa référence est de 730 000 litres. Il a fait une demande en ce sens et devait connaître la réponse de la laiterie avant la nouvelle campagne.
L'essentiel est donc de maintenir ce revenu tout en réduisant le temps de travail pour gagner en qualité de vie. « Mon épouse est salariée à l'extérieur. Je l'ai été aussi. Cette année, mes parents et moi avons pris chacun cinq semaines de vacances et souhaitons continuer ainsi. »
« À TERME, LA MAIN-D'UVRE POSERA UN PROBLÈME »
Mathieu a deux frères dont l'un, inséminateur, s'intéresse à l'exploitation. C'est lui qui fait les accouplements. Ils parlent ensemble du projet d'aménagement du bâtiment. Il n'est pas impossible qu'il s'installe un jour, mais rien n'est décidé.
Car, à terme, la main-d'oeuvre deviendra un problème, malgré les améliorations du bâtiment. Chantal et Thierry pensent prendre leur retraite d'ici quatre à six ans. Mathieu ne pourra pas rester seul. « Notre projet bâtiment vise aussi à rendre l'exploitation plus attractive pour trouver un associé ou un salarié », explique le jeune éleveur. Les salariés de la Cuma réalisent l'essentiel des travaux des champs. Mais cette Cuma, présidée par Thierry, a du mal à se renouveler. Les jeunes ne s'y impliquent pas.
Mathieu travaille aussi sur son coût de production pour améliorer sa résistance à la volatilité. Il participe à un groupe de réflexion sur ce thème avec la chambre d'agriculture. « Je sais que je peux progresser sur la valorisation de l'herbe. Avec les logettes, j'aurai plus de vaches. Je pourrai réduire un peu le concentré. Même si cela pénalise la productivité, rester à 800 000 litres produits. »
« JE NE SUIS PAS FAVORABLE À UN SYSTÈME D'AIDE SYSTÉMATIQUE »
La fin des quotas n'inquiète pas le jeune éleveur car il l'a intégrée depuis longtemps. Il n'envisage pas de vivre des aides, mais plutôt de la vente de son lait. « Je ne suis pas favorable à un système d'aide systématique. Je préfère un vrai soutien en cas de crise. »
Mathieu est confiant dans l'avenir du lait. La volatilité est une contrainte mais cela n'empêche pas d'avancer. « Il faut rester prudent dans les investissements. » Mathieu insiste aussi sur la nécessité de comprendre le marché et de s'investir dans la filière. C'est pour cette raison qu'il fait partie de la commission lait de Terrena. Il s'investit aussi dans l'association de défense des agriculteurs concernés par le projet d'aéroport sur sa commune. Et il pense qu'il est nécessaire de communiquer davantage auprès du grand public sur les réalités de l'élevage et la qualité des produits laitiers.
Dans dix ans, il imagine son élevage produisant 1 million de litres avec 100 ou 120 vaches, sur la même surface qu'aujourd'hui, et toujours en système pâturant. Il pense qu'il dégagera trois ou quatre revenus pour des UTH, idéalement associés plutôt que salariés. Il veut aussi agrandir sa famille et disposer de temps pour elle.
PASCALE LE CANN
Mathieu Drouet a rejoint ses parents sur l'exploitation familiale en 2011. Son objectif est de sécuriser son revenu avec un temps de travail maîtrisé pour consacrer du temps à sa famille.
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