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SEPT POINTS POUR UN GRAND CHANTIER À PRIX MODÉRÉ

En allégeant la structure, on évite les grandes largeurs très coûteuses et souvent moins performantes en terme d'ambiance.© CHAMBRE D'AGRICULTURE DES PAYS DE LA LOIRE

Il est possible de gagner jusqu'à 30 % sur la facture d'un bâtiment en jouant sur la conception ou sur les matériaux. Une réflexion payante donc, qui ne remet pas en cause le fonctionnement.

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L'INVESTISSEMENT DANS UN BÂTIMENT ENGAGE L'ÉLEVAGE pour des années. Avec un prix du lait de plus en plus volatil, mieux vaut limiter le montant des annuités. À côté des "cathédrales", il existe des solutions simples et moins coûteuses qui ont fait leurs preuves. C'est en cherchant les économies poste par poste et en évitant de céder aux tendances du moment que l'on parviendra à maîtriser l'investissement, sans pénaliser les conditions de travail.

1- PROJET VIVE CONCURRENCE

La réflexion qui précède la décision d'investir est cruciale. L'éleveur doit bien identifier ses objectifs en matière d'organisation du travail, de système de production et de niveau d'investissement. Il doit chercher à anticiper les évolutions futures. Visiter d'autres exploitations est essentiel pour profiter des expériences des autres et éviter les erreurs. Il est utile aussi de confronter son projet à l'avis d'un technicien expérimenté. L'oeil extérieur est toujours profitable. Élaborer plusieurs projets permet de les comparer pour retenir la meilleure solution, compte tenu de ses objectifs. On peut ainsi envisager de réutiliser une part plus ou moins importante des bâtiments existants.

La comparaison englobe aussi bien les aspects techniques qu'économiques. Il faut penser à l'organisation du travail comme au coût de fonctionnement du bâtiment.

Et surtout, il est impératif de demander au moins trois devis par corps de métier. Cette démarche prend du temps mais elle est très rentable. Celui qui choisit les entreprises avant même d'avoir vu les devis n'atteindra pas l'optimum en terme de coût. Seule la mise en concurrence et la volonté de négocier permettent d'obtenir le meilleur tarif. Mais il ne s'agit pas non plus de retenir systématiquement l'intervenant le moins cher. Les devis doivent être suffisamment détaillés pour permettre une comparaison qualitative.

Enfin, la bonne coordination du chantier peut éviter des surcoûts. Certains travaux nécessitent des conditions particulières (météo…). Les éventuels retards des uns entraînent des décalages pour les autres. Il appartient à l'éleveur d'obtenir de chacun un calendrier et de s'assurer de la cohérence entre eux comme de leur respect. Le suivi quotidien du chantier est essentiel pour réduire les risques de dérapage sur les coûts.

LES ERREURS QUI PEUVENT COÛTER CHER

- Sous-estimer le temps nécessaire au suivi du chantier.

- Choisir les entreprises sans les mettre en concurrence.

2- TERRASSEMENT ET VOIRIE 20 % DU COÛT TOTAL

Le choix du site de construction conditionne fortement le coût du bâtiment. Les travaux de voiries sont onéreux et mieux vaut les limiter. Il faut penser au raccordement des réseaux. On peut réaliser des économies en adaptant la nature des nouvelles voiries à leur utilisation. Un chemin à vaches coûte bien moins cher qu'un accès adapté aux camions.

La localisation doit tenir compte des pentes. Cela semble évident, mais il ne faut pas oublier qu'un terrassement en déblai-remblai coûtera moins cher que s'il est effectué uniquement en déblai ou en remblai. Avec des hauteurs de remblai importantes, les incidences ne seront pas négligeables sur le poste de la maçonnerie. L'éleveur a intérêt à anticiper les besoins en remblai afin de saisir les éventuelles opportunités de récupération.

Il s'agit d'une voie d'économie importante, à condition de ne pas récupérer n'importe quoi.

Une teneur excessive en argile nuira à la stabilité. La présence de ferraille ou de déchets toxiques (amiante…) comporte des risques. Si le remblai est trop irrégulier, il est utile de le faire compacter par un professionnel. La solidité du terrassement influence la durabilité de l'ensemble.

Il faut utiliser les pentes pour faciliter l'écoulement des eaux pluviale ou des effluents, par exemple. La conception du bâtiment, qui prévoit forcément des différences de niveaux (quais de traite, table d'alimentation…), doit s'adapter au mieux aux pentes existantes. La nature du sous-sol conditionne la portance. Cette étude peu coûteuse est rarement réalisée. Dans les faits, beaucoup préfèrent assurer avec une couche de remblai supplémentaire, d'autant plus coûteuse qu'elle est inutile. L'idéal est d'orienter le bâtiment parallèlement aux courbes de niveau. Cette orientation conditionne le type de bâtiment en permettant, ou pas, d'opter pour un semi-ouvert, moins coûteux en bardage.

La localisation doit être vue aussi sous l'angle de la proximité avec le domicile de l'éleveur ou les pâtures. Le confort de travail comme les coûts de fonctionnement sont à appréhender à ce stade. Et le choix d'implantation doit permettre d'éventuelles extensions. Au total, les économies sur ce poste peuvent se monter à 40 % entre des projets standards ou optimisés.

LES ERREURS QUI PEUVENT COÛTER CHER

- Récupérer du remblai de mauvaise qualité.

- Implanter un bâtiment sans tenir compte des courbes de niveau du sol.

3- SOLS CHOISIR EN FONCTION DE L'USAGE

Le béton pèse lourd dans la construction d'un bâtiment d'élevage (voir tableau ci-dessus). Il existe différents types de béton dont les classes sont normalisées. Faire des économies sur ce poste suppose de choisir le produit adapté à l'usage. Pour qu'il résiste dans le temps, les consignes de fabrication et de mise en oeuvre doivent être respectées. Rajouter de l'eau et diluer un béton prêt à l'emploi est une très mauvaise idée. La pose en sera peut-être facilitée mais la dalle sera poreuse et ne résistera pas.

Ensuite, l'épaisseur de la dalle doit être adaptée à l'usage. Inutile d'en rajouter. En cas d'utilisation exclusive par les animaux (logettes, quais de traite), 12 à 13 cm suffisent. Il faudra monter à 13-15 cm si la dalle sert au passage de tracteurs sans manoeuvre (aire d'exercice, table d'alimentation). Mais là où le tracteur effectue de nombreuses manoeuvres (silo, fumière), il faut une dalle d'au moins 15 cm.

La finition à la règle vibrante est moins onéreuse et peut suffire pour la table d'alimentation. Mais le niveau de qualité sera meilleur pour l'aire d'exercice en utilisant une taloche mécanique. Pour les quais de traite, la pose d'un durcisseur (une chape de 3 à 5 cm de béton contenant de la poudre de quartz) limite la glissance pour un prix de 20 à 25 €/m2. L'option résine époxy est plus coûteuse (40 à 50 €/m2).

Il convient ensuite d'éviter une évaporation trop rapide en phase de prise pour limiter les risques de fissuration. Cette « cure » peut se faire en posant sur la surface un film en plastique (type bâche d'ensilage), ou une géomembrane humidifiée. De même, la réalisation de joints de retrait réduit le risque de fissuration. Si on néglige cette opération, l'alternance de phase d'évaporation et d'hydratation du béton entraîne une dégradation coûteuse.

Deux techniques permettent de prévenir ce risque. On peut réaliser des profils de clavetage lors du coulage de la dalle : il s'agit de créer un arrêté de coulage tous les 5 m en plaçant un liteau de bois, ou un profilé métallique ou synthétique.

La deuxième technique vise à scier la dalle tous les 5 m sur un tiers de son épaisseur.

Les surfaces utilisées par les animaux doivent être rainurées pour éviter les risques de glissades. Cette opération doit être réalisée au bon moment pour ne pas fragiliser la dalle.

Le rainurage pendant la phase de séchage est à proscrire totalement. On pourra le réaliser dans les heures qui suivent le coulage, ni trop tôt pour que les rainures ne se rebouchent pas ni trop tard pour ne pas émietter le béton.

Ce rainurage superficiel s'effectue, par exemple, avec une fourche à bouts arrondis et dents espacées. Passé ce stade, il faut attendre dix à douze mois, et effectuer un rainurage mécanique avec un disque diamanté (3,50 €/m2) ou encore un décapage thermique (5 à 10 €/m2).

On peut réaliser des économies en remplaçant le béton par d'autres matériaux. L'asphalte n'est pas plus intéressant tandis que l'enrobé est compétitif. Terrassement compris, une dalle en enrobé revient à 20 à 35 €/m2. La qualité du terrassement est capitale. Des questions se posent néanmoins quant au transfert éventuel de particules d'hydrocarbure dans l'alimentation (auge, silo).

LES ERREURS QUI PEUVENT COÛTER CHER

- Rainurer pendant le temps de séchage altère la résistance du béton.

- Lésiner sur les opérations qui préservent la qualité du béton (cure, joints de retrait).

4- PAROIS ET BARDAGES SORTIR DU BÉTON

Pour gagner sur ce poste, il faut limiter les hauteurs au strict nécessaire et penser à des matériaux autres que les parpaings ou le béton. Les bétons banchés ou les parois préfabriquées en béton restent indispensables là où la pression de poussée est élevée : fumières, fosses ou silos couloirs. Des matériaux plus légers, type parpaings enduits, suffisent pour le bloc de traite. Ils peuvent être remplacés par un bardage en bois au-delà de 2,80 m (hauteur de quai comprise). Sur le côté du couchage de la stabulation, la maçonnerie peut être réduite à une hauteur de 60 cm. Au-delà, des parpaings creux suffisent. On peut aussi remplacer ce mur par un bardage en bois, séparé des animaux par une barrière.

De même, le muret d'auge peut être en bois.

L'orientation et la hauteur du bâtiment permettent aussi de limiter les surfaces en bardage. (tableaux ci-contre)

LES ERREURS QUI PEUVENT COÛTER CHER

- Les bâtiments mal orientés imposent des surfaces en bardage plus importantes.

- Les grandes hauteurs entraînent des surcoûts en bardage.

5- CHARPENTE ET COUVERTURE CESSER DE TOUT COUVRIR

Ce poste représente 35 % du coût total. On peut le réduire d'un tiers, à condition de s'interroger sur la nécessité de tout couvrir. Cette option a un goût de retour en arrière pour certains. c'est la nécessité de récupérer l'ensemble des effluents qui a imposé le tout-couvert. Mais cela complique la ventilation tandis que les étables ouvertes sont performantes sur le plan sanitaire.

En ce qui concerne le couloir d'alimentation, on peut se passer complètement de couverture, voire la conserver uniquement au-dessus de l'auge (1,50 m).

Diminuer la surface couverte se traduit par une réduction des largeurs de portée, et donc des sections des poteaux.

On est vite gagnant, et pas uniquement sur la surface de toiture. Dans les bâtiments qui dépassent 15-16 m de large, la charpente traditionnelle est remplacée par du lamellé-collé qui coûte 10 à 15 % plus cher.

À l'inverse, pour des structures de petite largeur, on peut se contenter de charpentes mono-pente, toujours plus économiques que les bi-pentes.

En ce qui concerne la couverture, le fibrociment reste le matériau de référence. Cependant, les bacs en acier ou en polyester, plus légers, permettent de réduire les charpentes. Mais ils favorisent la condensation et doivent donc être réservés aux structures de faible portée, couplées à des aires d'exercice découvertes. Dans un bâtiment ouvert, on peut se passer de panneaux translucides, ce qui génère des économies.

LES ERREURS QUI PEUVENT COÛTER CHER

- Se lancer d'emblée dans un projet de type « cathédrale » en oubliant le coût et les difficultés d'ambiance.

6- DÉJECTIONS PRIVILÉGIER UN PRODUIT UNIQUE

Gérer deux effluents est toujours plus coûteux en stockage et en matériel, que de travailler avec un seul produit. Le système le moins cher en investissement reste le fumier de litière accumulée, stockable au champ. Mais si l'on tient compte des coûts de fonctionnement, la filière lisier à 100 % est économique. Ceci est d'autant plus vrai que l'on utilise une fosse géomembrane dont le coût, comparé à celui d'une fosse en béton, est d'autant plus compétitif que le volume est important. Mais dans ce cas, il faut prévoir des tapis ou des matelas dans les logettes, ce qui engendre un surcoût.

Avec des aires d'exercice découvertes, les volumes d'eaux pluviales peu chargées doivent être récupérés. S'ils sont mélangés au lisier, ils augmentent fortement le volume à stocker et à épandre. D'où des surcoûts. L'idéal est donc de les orienter vers un réseau de canalisations spécifique afin de les traiter. Les systèmes de bassin tampon de sédimentation, couplés à des lagunes, ont fait leurs preuves. Le site de l'élevage (superficie, nature du sol) ne s'y prête pas toujours. Et la construction d'un système de traitement des eaux souillées coûte souvent plus cher qu'un surdimensionnement de la fosse. En revanche, en cas d'extension du troupeau, et donc du volume d'effluents, il est souvent plus intéressant d'aménager un système de traitement plutôt que de construire une nouvelle fosse.

LES ERREURS QUI PEUVENT COÛTER CHER

- Produire des effluents intermédiaires, type fumier mou ou lisier pailleux, difficiles à reprendre ou à pomper. Ils augmentent à la fois le travail et les coûts.

7- BLOC DE TRAITE ÉCONOMISER L'ÉNERGIE

Le tank à lait, la pompe à vide et le chauffe-eau sont les gros consommateurs d'énergie. Il faut y penser dès la conception du bloc de traite pour réduire les factures à venir.

La ventilation de la laiterie conditionne la température de la pièce. Plus elle est élevée, plus le tank consomme de l'énergie. L'idéal est d'installer le condenseur à l'extérieur. Sinon, il faut le positionner à côté d'une sortie d'air. Le tank doit être placé de façon à ce que les pâles des ventilateurs renvoient l'air chaud vers l'extérieur.

Des systèmes de prérefroidissement permettent de réduire la consommation du tank.

Compter 2 500 à 4 000 € selon la dimension (voir tableau).

Le retour sur investissement apparaît au bout de dix ans.

La consommation de la pompe à vide est liée au nombre de postes et à la durée de la traite.

On peut la réduire de 15 % en limitant le nombre de postes, quitte à allonger la traite.

La consommation du chauffe-eau peut être diminuée en installant un récupérateur de chaleur sur le tank à lait.

Ceci nécessite l'accord de la laiterie si elle est propriétaire du tank. Ce système permet de préchauffer l'eau à 55°C et de réduire la consommation du chauffe-eau de 80 %, pour un investissement de 2 500 €.

Le retour sur investissement s'effectue en huit ans. On peut aussi utiliser un capteur solaire pour chauffer l'eau.

Ceci permet de couvrir près de la moitié des besoins de la laiterie. L'investissement se situe de 4 000 à 6 000 € hors taxes (hors aides) pour 6 m2 de capteurs correspondant à un chauffe-eau de 300 l. Le retour sur investissement est long, de quinze à vingt ans.

PASCALE LE CANN

D'après les travaux réalisés par le groupe bâtiment des chambres d'agriculture des Pays de la Loire, avec l'appui de l'Institut de l'élevage. Pour en savoir plus : www.agrilianet.com (aller dans "publications" puis "bâtiment")

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