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« Aîné de la famille, j’ai hérité de l’ex ploitation »

Allemagne.Par le biais de l’avantageuse loi Höfeordnung, Christian Schlütke, 32 ans, a reçu gratuitement le capital de l’exploitation ­familiale : les terres, les bâtiments, avec une stabulation neuve et une porcherie. Une entreprise saine dont il poursuit le développement avec son père.

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A 32 ans, Christian Schlütke a hérité de l’exploitation familiale : 82 ha de terre, les bâtiments de l’exploitation, dont une stabulation neuve construite en 2015 pour 180 vaches, et une porcherie de 5 500 porcs gras par an. La transmission de l’entreprise s’est effectuée conformément aux usages en vigueur dans le nord de l’Allemagne. « Je répondais aux deux conditions posées par la Höfeordnung, explique le jeune agriculteur. Je suis l’aîné d’une fratrie de trois enfants et j’ai suivi une formation agricole d’ingénieur agronome. »

Christian a donc reçu gratuitement le capital d’exploitation. Outre la formation qui leur a permis de devenir pharmacienne et gynécologue, les deux sœurs de Christian ont eu une somme d’argent, bien supérieure à l’indemnisation symbolique prévue par la loi. « L’indemnité versée aux frères et sœurs qui ne restent pas sur la ferme est calculée selon un barème précis, précise l’éleveur, mais les parents peuvent donner plus. Ce qui a été le cas chez nous. »

Les activités d’énergies renouvelables à part

La loi Höfeordnung protège l’exploitation agricole. Elle ne couvre pas les activités commerciales, ni la production d’énergies renouvelables de biogaz et d’électricité photovoltaïque développée depuis 2010 et gérée dans le cadre de plusieurs sociétés détenues par Christian et son père, Benno.

Sans cette loi très avantageuse pour le repreneur, Christian aurait dû emprunter de grosses sommes d’argent pour reprendre l’entreprise qui a connu un gros développement ces huit dernières années : 4,5 millions d’euros ont été investis dans la production de biogaz (trois tranches pour une puissance totale de 790 kWe), d’électricité photovoltaïque (puissance totale de 180 kWe) et dans le développement de l’atelier lait (de 70 à 210 vaches). « La fenêtre d’opportunité biogaz, avec des prix intéressants garantis sur vingt ans, n’a duré que trois ou quatre ans. Il fallait la saisir. » Le jeune agriculteur, âgé alors de 24 ans et encore étudiant, s’est impliqué à fond dans la construction du méthaniseur. Chaque soir, il parcourait 60 km pour rentrer sur l’exploitation et surveiller le chantier. « L’exploitation n’aurait pas eu le développement qu’elle a connu ces dernières années sans le biogaz et l’électricité photovoltaïque. »

Parallèlement, la famille Schlütke a décidé d’investir dans le lait. « Avec 70 vaches, notre atelier n’avait pas d’avenir. »

En 2015, une belle stabulation pour 180 vaches a été construite (72 m de long, 40 m de large et 11 m de haut). L’ancienne a été rénovée pour les génisses. Son toit a été surélevé, des filets brise-vent ont été posés sur un long-pan pour améliorer la ventilation, des Plexiglas ont été installés pour amener de la lumière, et les logettes ont été élargies. « La taille de la nouvelle stabulation a été définie en fonction de la capacité d’élevage du bâtiment des génisses. Investir dans le méthaniseur nous a évité de le faire pour le stockage d’effluents. »

Une rente mensuelle versée aux parents, à vie

Grâce à la couverture de la moitié du toit de la nouvelle stabulation avec des panneaux photovoltaïques (investissement amorti en sept ans), le coût du bâtiment des laitières s’est élevé à 6 500 € par place, robot compris (+ 1500 € sans le toit photovoltaïque). En contrepartie du capital d’exploitation qu’il a reçu gracieusement, Christian versera à ses parents, aussi longtemps qu’ils vivront, une rente mensuelle dont le montant est encore en cours de discussion. La somme qui leur sera versée tiendra compte de leurs besoins et sera en relation avec la taille de l’exploitation. Les parents, qui bénéficient également du lebenswohnrecht (droit d’habitation), vont déménager dans la maison toute proche, que l’exploitation a construite et financée en 2011. Christian et sa conjointe vétérinaire s’installeront alors dans la maison familiale. Une centaine de mètres à peine sépare les deux maisons. « Cette proximité est un atout pour veiller surmes parents le jour venu. S’ils devaient un jour partir en maison de retraite médicalisée, le financement serait assuré d’abord par leurs revenus et biens propres, ensuite par la fratrie. Dans notre famille, il n’y a jamais eu de problème à cause de l’argent. »

« Les décisions stratégiques concernant l’avenir se sont faites avec mon père dès 2009 »

L’ambiance et la qualité des relations qui règne à l’intérieur de la famille sont essentielles pour assurer une transmission dans de bonnes conditions. « Il est important que la transmission se prépare longtemps à l’avance, quand les enfants sont encore jeunes, estime Christian Schlütke. Mon père m’a toujours encouragé à prendre des initiatives. Petit, j’ai d’abord eu un élevage de lapins, puis une petite cabane avec seize cochons. À 16 ans, je louais à mes parents une étable libérée l’été pour élever des porcs. Je voudrais plus tard avoir la même attitude avec mes enfants. Mon père travaillera encore avec moi sur la ferme jusqu’à sa retraite, à 65 ans. Il m’a transmis une exploitation bien gérée, avec un endettement très faible, de bonnes performances sur les animaux. Les dernières années avant que je ne reprenne l’exploitation, il n’a pas pris seul de grandes décisions stratégiques. Au contraire, dès 2009, nous avons entrepris conjointement une réflexion concernant l’avenir de l’exploitation », explique Christian Schlütke.

La réflexion a été constructive : Christian estime avoir aujourd’hui un très bon niveau de vie, équivalent à celui de ses sœurs.

Anne Bréhier

© a.b. - Le toit du bâtiment, recouvert sur une moitié de panneaux photovoltaïques, est translucide sur l’autre partie. Selon un concept venu d’Irlande, le toit renvoie la chaleur et laisse pénétrer la lumière. Preuve de cette bonne luminosité, les quelques arbres plantés à l’intérieur de la stabulation. Les plans du bâtiments ont été entièrement conçus par Christian et son père.

© a.B. - L’ancienne étable des laitières a été rénovée pour les génisses. Son toit a été surélevé, des filets brise-vent ont été posés sur un long-pan pour améliorer la ventilation, des Plexiglas ont été installés pour apporter de la lumière, et les logettes ont été élargies.

© a.b. - Méthanisation.L’exploitation n’aurait pas eu le développement qu’elle a connu ces dernières années sans le biogaz et l’électricité photovoltaïque.a.b.

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