Connaître les difficultés pour mieux les surmonter
Manque de candidats et ressources financières insuffisantes constituent les principaux obstacles à l’embauche d’un salarié. Pour recruter, l’éleveur doit donc séduire.
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Un éleveur laitier qui souhaite embaucher met, en moyenne, quatre à six mois pour trouver son salarié. Anticiper le besoin est donc primordial. Un recrutement réussi est un recrutement préparé. Dans l’urgence, il est très difficile d’y parvenir. Les difficultés viennent d’abord du fait que les candidats sont moins nombreux que les postes. De plus, il existe un décalage entre ce que cherchent les employeurs et ce que souhaitent les candidats. Les jeunes veulent souvent un poste à responsabilités et ceux-ci restent rares. Les éleveurs demandent des doubles compétences, en élevage et en culture, alors que ces profils sont moins répandus. Les candidats ayant la fibre éleveur ont souvent un projet d’installation à moyen terme. Ils ne s’inscrivent pas dans la durée en tant que salariés.
L’autre écueil majeur pour les laitiers réside dans l’insuffisance de moyens financiers. Le travail ne manque pas, mais le lait ne paie pas assez. Pour embaucher, il faut une certaine dimension économique que l’on situe autour de 80 vaches laitières. Un produit rare est un produit cher, les bons candidats le savent. Les salaires sont globalement plus faibles en lait que dans d’autres productions, mais ils tendent à augmenter. Or, si le salarié est mieux payé que l’éleveur, la situation n’est pas tenable. Ce contexte crée une concurrence entre employeurs. Les candidats choisissent et la production laitière, avec ses astreintes particulières, manque d’attractivité. Ceux qui maîtrisent la conduite des engins, par exemple, préféreront souvent un poste de chauffeur en Cuma ou en ETA. Ils seront mieux payés, car ces entreprises facturent leurs prestations en intégrant leurs coûts. Ils auront aussi, bien souvent, des horaires de travail moins contraignants.
« J’ai en permanence 150 postes à pourvoir en élevage laitier, assure Gilles Durel à l’Anefa 29 (Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture). La plupart finissent par trouver quelqu’un, mais parfois en débauchant ailleurs. On déplace les pions. » Il gère la bourse d’emplois du département et accompagne ceux qui le souhaitent. Les tensions sur le marché de l’emploi varient localement. Là où le taux de chômage avoisine les 5 %, les candidats seront moins nombreux. La plupart refusent de faire plus de 20-25 kilomètres pour aller travailler. Pour recruter, l’éleveur doit donc séduire. Il ne peut pas se contenter de dire qu’il a besoin d’aide car il a trop de travail. « Certains éleveurs laitiers continuent de considérer le salarié comme une charge, et non comme un investissement, souligne Gilles Durel. Les serristes ou les éleveurs de porc raisonnent différemment et rencontrent moins de difficultés pour recruter. »
L’organisation du travail n’est pas immuable
Il regrette que les laitiers participent peu aux formations organisées pour les employeurs. Ils connaissent donc moins bien les techniques de gestion des relations humaines ou le droit du travail. Ils ont aussi plus de mal à mesurer la qualité et la rentabilité du travail d’un salarié. La première étape consiste à définir le poste. Pour cela, il est nécessaire de bien identifier les tâches que l’on est prêt à déléguer et les prérogatives que l’on souhaite accorder au salarié. « Il doit exister un équilibre entre les deux, notamment dans la répartition des tâches ingrates », précise Valérie Heizer, conseillère à l’Anefa 35.
L’éleveur doit conserver ce qu’il aime dans son métier afin de préserver sa propre motivation. Mais il ne faut pas non plus dépouiller le salarié des travaux les plus gratifiants, pour que lui aussi ait envie de se lever le matin. L’annonce va formaliser ce besoin et devra être attractive. Il faut accepter l’idée que l’organisation du travail n’est pas immuable. Des études ont montré, par exemple, qu’il est possible de faire varier les horaires de traite, sans pénaliser la production. Mais si l’on veut rester intransigeant sur ce point, on peut compenser en accordant plus de liberté sur d’autres. « Certains éleveurs imposent l’horaire du matin au salarié, mais s’adaptent à ses souhaits pour l’après-midi », confirme Valérie. De même, ceux qui refusent d’embaucher des femmes doivent savoir qu’ils se privent de près de la moitié des candidats. Or, leur moindre force physique peut tout à fait être compensée par des aménagements mineurs visant à réduire les efforts. Les hommes les apprécieront aussi ! Cela demande juste un peu d’imagination. L’attractivité passe aussi par la mise à disposition de locaux propres et adaptés : sanitaires, douche, salle pour la pause déjeuner.
Clarifier le rôle du salarié pour qu’il se sente à l’aise
Ensuite, il peut être difficile de trouver la perle rare parmi les candidats, celui qui répond à toutes les exigences du poste. Il faut faire preuve de pragmatisme. Le manque d’expérience, par exemple, n’est pas forcément un frein si l’on sent que le candidat a envie d’apprendre, et si l’on est disposé à consacrer un peu de temps pour le former. Par ailleurs, un salarié spécialisé pourra aussi apporter des compétences nouvelles sur l’élevage, ce qui sera plus rarement le cas avec une personne polyvalente.
Une fois que le salarié est là, encore faut-il le garder ! Gilles Burel constate que bien souvent, les échecs s’expliquent par une organisation du travail qui ne clarifie pas suffisamment le rôle du salarié. Il ne sait pas dans quelle mesure il peut, ou pas, prendre des initiatives. Il ne trouve pas sa place parce que l’employeur n’a pas précisé exactement ce qu’il attend de lui. Parfois, en présence de plusieurs associés, il reçoit des informations ou des consignes contradictoires. Il revient à l’employeur de définir clairement le poste en amont, et de s’y tenir.
Donner du sens au travail
De plus, expliquer au salarié comment l’on souhaite qu’il effectue une tâche ne suffit pas. Encore faut-il lui faire comprendre les raisons de ces exigences. L’hygiène de traite constitue un bel exemple. Le salarié doit saisir les enjeux de ses pratiques pour la qualité du lait, et donc pour l’obtention d’un prix de vente optimal. Donner un sens au travail relève de la responsabilité du patron. Et cela contribue à impliquer le salarié. Il est important qu’il connaisse la stratégie de l’éleveur, au moins dans les grandes lignes.
À ce titre, l’entretien annuel d’évaluation est essentiel. C’est un moment clé pour parler de l’entreprise, des attentes de l’employeur et du salarié. Elles peuvent évoluer dans le temps. Se voir tous les jours ne suffit pas pour les apprécier. L’employeur a aussi intérêt à laisser une marge de manœuvre au salarié. Cela crée un climat de confiance bénéfique pour tous, y compris pour l’entreprise. Car les aléas sont nombreux en élevage, un animal malade, une panne de matériel, etc. Le salarié doit être réactif dans ces situations pour qu’elles ne dégénèrent pas. S’il reste à attendre que le patron rentre, il y a un problème. La communication est donc un point essentiel. Travailler à deux sur une ferme avec un salarié nécessite d’être à l’écoute de l’autre. Un peu comme dans un couple. Être patron n’empêche pas de faire parfois des concessions. Cette gestion des rapports humains s’apprend.
pascale le cannPour accéder à l'ensembles nos offres :