Login

« NOUS PRODUISONS 1 ML DE LAIT À COMTÉ, EN TOUT PÂTURAGE »

Le Gaec des Lancieux fonctionne avec quatre unités de main-d'oeuvre, par roulement entre les quatre associés et trois salariés. Ici, de gauche à droite, Patrice Trouttet, salarié, les associés Dominique, Sylvain et Benoît Marmier (Philippe Alpy est absent de la photo), et Bertrand Bousson, salarié.REPORTAGE PHOTOS : © CATHERINE R.EGNARD

Faire pâturer 190 vaches tout l'été et ne distribuer des fourrages récoltés qu'en hiver, c'est possible. Le Gaec des Lancieux, avec un objectif de production réaliste, peu de concentrés et une organisation rigoureuse du pâturage, produit ainsi plus d'un million de litres de lait en AOP comté.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

LE GRAND TROUPEAU DE MONTBÉLIARDES DU GAEC DES LANCIEUX pâture près de cinq mois dans l'année sans apport de fourrage à l'auge. Cette pratique contraste avec le développement de l'affouragement en vert qui accompagne l'agrandissement des troupeaux francs-comtois (lire encadré). Mais elle fait ses preuves. Producteur de plus d'un million de litres de lait transformé en AOP mont-d'or, morbier et comté, cet élevage, soumis au rigoureux cahier de charges de cette dernière AOP, satisfait haut la main à ses exigences de chargement et d'alimentation. « Il n'est pas question pour nous d'affourager en vert ! Car cette pratique est coûteuse, gourmande en temps, et elle ne correspond pas à l'identité de nos AOP, fondée sur le pâturage », affirment les associés. En permanence sur l'exploitation, Benoît Marmier, l'aîné d'entre eux, coordonne l'équipe. Son frère Dominique, leur cousin Sylvain Marmier, et leur beau-frère Philippe Alpy exercent plusieurs responsabilités à l'extérieur de la ferme. L'objectif de « gagner sa vie et ne pas travailler tout le temps », affiché par Benoît Marmier dès son installation en 1977, a donc toujours guidé une organisation rationnelle et efficace du travail au sein du Gaec.

« NOUS DISTRIBUONS 900 KG DE CONCENTRÉ PAR VACHE »

Dès la fin des années soixante-dix, celui-ci établit sa stabulation à logettes pour 100 vaches à 3 km du village, au milieu de son parcellaire. « Notre volonté a toujours été de réunir le foncier, pointe Benoît Marmier. Son regroupement est la clé de notre système. » L'exploitation comprend 170 ha de prairies entourant ses bâtiments, ainsi qu'un site de 60 ha dédié au pâturage tournant tout l'été et situé à 1,5 km de la stabulation. Au centre de ces pâtures d'été, un bâtiment très simple accueille la traite de mi-mai à début octobre. Les 28 postes de la salle de traite 2 x 14 de la stabulation y sont transférés, ainsi que le tank, dès la mise au pré sur les 60 ha. « C'est également l'occasion de faire un vide sanitaire de la stabulation », remarque Dominique Marmier.

« Notre objectif est de produire notre lait avec le fourrage disponible, cadrent les associés. Dans nos conditions de sols et de climat rude, nous parvenons à cette autonomie fourragère (pâture l'été, foin de l'exploitation séché en grange l'hiver) avec un chargement global de 0,9 UGB/ha. » À comparer à la limite de chargement du cheptel laitier fixée par l'AOP, de 1,3 UGB/ha de surface fourragère. « Et avec 900 kg de concentré par vache et par an, soit la moitié de la limite fixée par l'AOP, nous produisons 6 300-6 400 l/VL », poursuivent les éleveurs. Avec ce système extensif, ils réalisent toujours leur quota et 1,2 million de litres de lait ont été produits sur la dernière campagne.

Au 15-20 avril, le troupeau sort en pâture autour de la stabulation, en journée uniquement, pour un déprimage sur les 170 ha de prés de fauche. Il y reviendra à partir du 1er octobre, pour pâturer les troisièmes coupes.

« Ainsi, les transitions alimentaires sont lentes, pointe Benoît Marmier. Dédier ces surfaces à la fauche permet d'épandre le lisier et de récolter les foins au plus près des bâtiments. »

« ON NE PEUT PAS RISQUER DE MANQUER D'HERBE »

Excepté lors de ces périodes de transition en début et fin de saison, aucun fourrage sec ne vient complémenter la pâture.

Elle débute pleinement mi-mai. Vaches et équipement de traite rejoignent le site de 60 ha de pâtures, divisés en huit paddocks. Le pâturage tournant y est rationné au fil. « Nous le déplaçons au jugé, deux fois par jour après chaque traite, pour que les vaches disposent d'herbe fraîche à chaque repas, explique Dominique Marmier. Avec une tendance à pâturer un peu grand. Car sans fourrage complémentaire et peu de concentré, on ne peut pas risquer de manquer d'herbe. » De 36 ares par vache au printemps, la surface d'herbe allouée passe à 50 ares en été grâce aux 30 ha supplémentaires disponibles après fauche. Les éleveurs distribuent en salle de traite un concentré acheté (VL 18) : « 2,4 kg aux vaches fraîches vêlées, et 1,2 kg à celles à plus de 100-120 jours de lactation, identifiées au moyen de bracelets ». Ils acceptent que la production au tank puisse varier en fonction de l'herbe. Mais à aucun moment, ils ne laissent sa gestion ni sa culture au hasard (lire encadré). « Nous nous sommes donné les moyens de pâturer, en investissant dans les chemins, barrières, points d'eau..., énumère Benoît Marmier. Et il faut rester rigoureux et veiller au quotidien à leur bon fonctionnement. Car avec un grand troupeau, tout incident prend de l'importance ! »

L'ÉQUIPEMENT DES PÂTURES EST PRIMORDIAL

Au cours de cet été 2014 très humide, « grâce à nos chemins et à une plus grande vigilance sur l'état des pâtures, nous avons pu pâturer sans que la production s'en ressente », assure-t-il. Comme d'ordinaire, grâce à une rigueur quotidienne, la traite a été menée à deux en à peine deux heures tout compris, et sans aller chercher le troupeau ! « Cela s'explique par le fait que nous ne changeons jamais le rythme des vaches, grâce à des horaires de traite très réguliers matin et soir. Pour traire de 17 h à 18 h 30, nous ouvrons les barrières à 16 h : les vaches ont l'habitude, elles regagnent seules l'aire d'attente de la salle de traite d'été. Même depuis les pâtures les plus éloignées, à presque 2 km. »

CATHERINE REGNARD

Les vaches remontent matin et soir en autonomie à la salle de traite d'été. Parmi elles, un taureau - il passe en salle de traite et y reçoit du concentré - simplifie la conduite de la reproduction au pâturage, pour un quart du troupeau. Car les trois quarts des vaches et génisses sont inséminées (par l'éleveur) à la stabulation entre octobre et avril. Avec l'aide, depuis l'hiver dernier, d'un système de détection des chaleurs basé sur leur activité (déplacements, rumination) : il a simplifié la surveillance et permis « de ne manquer aucune chaleur ».

La maîtrise de la qualité du lait (100 000 à 150 000 cellules) résulte d'une action immédiate (traitement au tarissement, réforme) sur toute vache dont les résultats au contrôle laitier dérapent, et d'une hygiène de traite systématique. « Aucune vache n'est écartée, nous trayons tout le troupeau », souligne Benoît Marmier.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement