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« En système intensif herbager, l’argent se gagne avec l’herbe »

En Loire-Atlantique, Catherine et Jean-Claude Brodu privilégient le pâturage, mais toujours avec du maïs pour maximiser la production par vache, tout en maîtrisant les charges. Une conduite économe et performante.

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Je ne décide pas de mes prix de vente. Alors, j’ai toujours cherché à réduire les coûts », lance Jean-Claude Brodu. À 58 ans, il est éleveur à Grandchamps-des-Fontaines (Loire-Atlantique), avec son épouse Catherine. Leur bâtiment ne peut accueillir que 35 vaches en aire paillée. Les éleveurs se sont interrogés sur l’opportunité d’investir dans un nouveau bâtiment pour augmenter les livraisons de lait.

Mais ils ont préféré maintenir leur système plutôt que se lancer dans l’agrandissement. Ils travaillent en collaboration étroite avec leur conseiller d’Élevage Conseil Loire Anjou, Joël Rousseau. « On étudie nos chiffres chaque mois. On les compare à ceux des autres. Et on voit bien que c’est le pâturage qui nous fait gagner de l’argent. » C’est donc volontairement qu’ils ont conservé une structure d’exploitation adaptée à une valorisation importante du pâturage avec 20 hectares accessibles pour 40 vaches. Ils ont aussi opté pour un système de production intensif afin de maximiser le volume livré. Les vaches produisent en moyenne 9 300 litres, ce qui a permis une livraison de 374 000 litres l’an dernier. Il faut donc de la marge pour assurer le revenu.

« Une saison de pâturage aussi longue que possible »

Jean-Claude Brodu respecte une règle essentielle pour lui : faire pâturer le plus possible et commencer la saison de bonne heure. La portance des sols le guide. En général, les vaches rentrent fin décembre et retournent dehors en février. Le pâturage est maximal à partir du mois d’avril. Cette stratégie est payante, selon son conseiller. « La marge sur coût alimentaire est dans la moyenne du groupe en hiver, mais à 30 €/1 000 litres au-dessus dès que les vaches pâturent, soit pendant huit ou neuf mois. » Les prairies sont ensemencées avec du ray-grass anglais tardif et du trèfle blanc. Jean-Claude fait des paddocks pour 4-5 jours de pâturage. Il a installé de l’eau dans toutes les parcelles. Les vaches sortent à une hauteur d’herbe de 4-5 cm. Pour favoriser la croissance du trèfle et préparer un pâturage riche pour le cycle suivant, Jean-Claude fait pâturer ras. « Les génisses nettoient derrière les vaches, le trèfle a de la lumière pour repartir. » Jean-Claude sait que ce passage des génisses lui fait perdre 4 jours par cycle mais, en contrepartie, il n’a pas à broyer les refus. Il est donc gagnant en temps de travail et en charges de mécanisation.

« Une herbe riche pour une production élevée »

Cette conduite offre une herbe riche en protéines, ce qui réduit les besoins en concentré. « Entre avril et décembre, les vaches produisent en moyenne 27 kg de lait par jour avec 3 kg de concentré », confirme le conseiller. Cependant, les laitières reçoivent toujours un minimum de 4-5 kg de MS d’ensilage de maïs. « La valeur des pâtures fluctue selon la météo. Elles sont parfois trop riches. L’ensilage équilibre la ration et favorise le transit », estime Jean-Claude.

L’éleveur surveille les refus. Au printemps, il écarte certaines parcelles du circuit afin de les faucher pour récolter de l’enrubanné. Il fait en sorte que toutes les prairies soient fauchées une fois par an. Elles ne reçoivent aucune fumure organique, les apports d’ammonitrate sont gérés en fonction des besoins d’herbe pour la fauche.

En cas de sécheresse estivale, les vaches en production sont prioritaires pour le pâturage, quitte à les faire marcher. Les besoins en fourrages stockés sont en moyenne de 2,9 t de MS/UGB. Et parce qu’il veut réserver le meilleur aux vaches en production, Jean-Claude analyse ses récoltes.

Le troupeau est nourri en ration semi-complète. En hiver, il reçoit de l’ensilage de maïs pour les trois quarts et de l’ensilage d’herbe. Selon les dernières analyses, celui-ci apporte 0,9 UFL, 95 g de PDIN et 80 g de PDIE/kg de MS. En moyenne, les vaches consomment 146 g concentré/litre, soit 40 g de moins que la moyenne des élevages. Il s’agit d’un correcteur azoté équivalent au soja. « J’achète des granulés de triticale, faciles à stocker et à reprendre. » Ce produit contient aussi du calcium et l’éleveur y incorpore le minéral. Comme l’herbe est riche en phosphore et en calcium, l’apport de minéral se réduit à 50 kg/vache, contre 70 kg en moyenne. Cette conduite permet un niveau de production à 9 300 kg/vache/an, avec 1,2 t de concentré/vache/an. L’herbe pâturée pèse 48 % de la ration sur l’ensemble des UGB.

« Il faut aussi réduire le poids de la mécanisation »

Dans une optique de réduction des coûts, l’éleveur cherche à faire durer ses prairies au moins cinq ou six ans. Il veut aussi contenir les charges de mécanisation. Grâce à la Cuma, il se situe en moyenne à 307 €/ha (carburant, entretien, amortissements, travaux par tiers), contre 550 € pour le groupe. Il nourrit les vaches avec une petite désileuse amortie depuis longtemps. Ici, le plus gros tracteur (100 ch) a 18 ans. Mais Jean-Claude possède autant de tracteurs que de matériels (pailleuse, chargeur, désileuse, rabot à lisier…). Tous sont amortis. Ce fonctionnement permet un gain de temps sur le travail d’astreinte. Il faut deux heures et demie par jour pour soigner tout le monde.

En suivant son coût alimentaire chaque mois en hiver avec Joël Rousseau, l’éleveur peut être amené à ajuster la ration en fonction de la météo, par exemple, ou encore de l’état du troupeau. Chaque fois que la ration est revue, l’impact sur le coût est évalué. Jean-Claude veut savoir si l’ajout de concentré est rentable ou non. L’acétonémie est surveillée dans les 150 jours suivant le vêlage. Le suivi du rapport des taux donne des indications sur le bon fonctionnement de la ration. Les acidoses sont très rares ici et l’éleveur ne donne pas de propylène glycol.

« Des frais de santé faibles »

Ce système pâturant a des impacts positifs sur d’autres postes du coût de production. Il n’y a pas de parage systématique ici et les boiteries sont rares. Les frais vétérinaires se limitent à 6 €/1 000 litres.

L’éleveur reconnaît que son système est plus sensible que d’autres à la météo. Mais il maîtrise son coût alimentaire de façon régulière. Sur les quatre dernières années, le coût fourrager navigue entre 47 et 55 €/1 000 l et celui des concentrés entre 43 et 55 €. Soit un total tournant entre 90 et 110 € avec un système de production et des performances stabilisés. « J’ai acquis un savoir-faire dans la conduite de l’herbe. Je pense que je le valorise », conclut Jean-Claude.

Pascale Le Cann

- Trèfle.En rasant les pâtures, Jean-Claude donne au trèfle la lumière dont il a besoin. Il compte sur les vers de terre pour aérer le sol dès la fin de l’hiver. p. le cann

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