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« En système herbager de montagne, le pâturage fait la différence »

À 1 000 mètres d’altitude, avec un assolement 100 % prairies naturelles et du foin séché au sol, la maîtrise du coût alimentaire se joue au cours de la saison de pâturage.

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Deux des quatre associés du Gaec des Violettes se sont installés hors cadre familial en 2008, au cœur de la chaîne des Puys, à 1 000 mètres d’altitude. L’exploitation repose sur des sols volcaniques peu profonds, où la pluviométrie est néanmoins favorable à la pousse de l’herbe estivale en année « normale ».

Ici, seule la traite du dimanche est collectée par Lactalis et 80 % du lait produit par les 37 vaches (60 % de montbéliardes, 40 % d’abondances) est transformé en saint-nectaire, pour l’essentiel vendu à la ferme (un marché hebdomadaire).

« Je m’épanouis au contact des animaux »

Afin de limiter les investissements matériels, les associés valorisent les ressources offertes par leur environnement à travers un assolement 100 % prairies naturelles. Rémi Bony, qui se consacre avec son épouse au suivi du troupeau, avoue d’ailleurs ne pas savoir semer. « Nous sommes au régime forfaitaire et nous n’avons pas intérêt à investir dans du matériel au vu du nombre d’heures de travail réalisées par les machines. C’est un système dans lequel je m’épanouis au contact des animaux. » Afin d’approvisionner la fromagerie, les vêlages (27 mois en moyenne) sont étalés toute l’année. L’objectif est de maintenir un niveau de production de 20 kg de lait/VL/jour, sur la base du pâturage et d’une ration foin séché au sol + regain pendant cinq à six mois d’hivernage en stabulation (logettes). Le chargement de 0,8 UGB/ha garantit l’autonomie fourragère « sans forcer, souligne l’éleveur. Chaque année à la ferme, nous accueillons 3 000 à 4 000 visiteurs qui aiment voir les vaches manger du foin. Nous devons répondre à cette attente. » Accessoirement, ce mode de rationnement répond aussi au cahier des charges de l’AOP saint-nectaire. Le morcellement et l’éloignement de certaines parcelles permettent difficilement l’alternance fauche-pâture. Les surfaces accessibles depuis les bâtiments sont donc dédiées au pâturage et ne reçoivent aucune fertilisation. Les prés de fauche ont 20 m³ de lisier épandu à l’automne et en hiver puis, après la première coupe, 20 unités d’azote minéral pour les regains. Le rendement est évalué à 7 t de MS/ha.

« En hiver, le coût de la ration est soumis aux aléas climatiques »

La fenaison est réalisée collectivement et intégralement en Cuma, soit 30 ha en première coupe et 20 ha de regain. En hiver, la ration de base est composée de 10 à 12 kg de foin et 6 kg de regain, soit une production permise de 13 litres de lait. La complémentation est assurée au Dac, calibré tous les mois en fonction des résultats du contrôle laitier : 1 kg de tourteau (70 % colza et 30 % lin) en début de lactation, et du concentré de production au rythme de 1 kg pour 3 litres de lait, avec un plafond de 4 kg/VL.

« La première coupe, réalisée vers le 15 juin, correspond à ce que l’on appelle du petit foin de montagne, bien consommé par les animaux, mais ne dépassant pas 0,75 UFL pour les meilleurs. Cela signifie qu’en matière de sélection, il faut aussi savoir conserver les souches adaptées à ce régime à base de fourrages peu fertilisés. » Plus riche, le regain affiche régulièrement des valeurs de 0,82 UFL pour 100 g de PDI. Or, depuis deux ans, cette seconde coupe est fortement pénalisée par la sécheresse estivale. En 2016, seulement 7 ha ont été récoltés, ce qui a eu pour conséquence de limiter la quantité de regain dans la ration hivernale à 2 kg/VL/j. Un déficit compensé par l’achat de 40 t de luzerne (235 €/t), qui a plombé le coût de la ration à cette période (voir ci-contre). « La qualité du foin séché au sol est dépendante des aléas du climat. C’est pourquoi nous n’avons pas d’autre choix que d’optimiser le pâturage pour maîtriser le coût alimentaire du troupeau. À l’avenir, si ces épisodes­ de sécheresse se répètent, nous devrons envisager l’implantation de prairies temporaires dans le cadre de la Cuma. »

« C’est le lait au tank qui décide du changement de paddock »

La gestion rigoureuse du pâturage commence avant la mise à l’herbe : avec sa conseillère, l’éleveur définit les surfaces qui seront dédiées au pâturage en fonction des effectifs présents. La conduite du troupeau repose ensuite sur le pâturage tournant, avec des paddocks de trois à cinq jours au maximum et de 1,3 à 1,8 ha. Précoce, la mise à l’herbe intervient mi-mars, « dès qu’il n’y a plus de neige. Cela permet de faire une transition longue et d’instaurer un décalage de hauteur d’herbe entre les différents paddocks, pour éviter de se laisser déborder au printemps. Le plein pâturage débute mi-avril, mais toujours avec 1 à 2 kg de foin à l’auge afin de stabiliser le TB pour la transformation fromagère ».

Jusqu’au 10 juin et la fin de la pleine pousse de l’herbe, la surface pâturée est de 25 ares/VL, soit une dizaine d’hectares. Puis, 2,5 ha enrubannés mi-mai sont réintroduits dans le cycle de pâturage, soit 35 ares/VL jusqu’à fin juillet, avec des repousses feuillues de qualité. À partir du mois d’août, chaque vache dispose de 45 ares (18 ha) jusqu’à la rentrée à l’étable programmée en octobre. Le planning de pâturage aide à s’y retrouver au quotidien et à faire un bilan en fin de saison.

« Pour prendre la décision de changer de paddock, le niveau de lait au tank est un indicateur qui ne trompe pas, observe Rémi. Je change dès que la baisse atteint 15 % par rapport à l’entrée dans le paddock. Avec les repères de hauteur d’herbe, on a tendance à ne pas laisser suffisamment les vaches raser le paddock au printemps et, à l’inverse, à les parquer trop longtemps à l’automne dans un fourrage de moindre qualité. » Au pâturage, les vaches à moins de 20 litres de lait n’ont pas de complémentation. Au-delà, elles sont complétées avec des céréales ou du VL au rythme de 1 kg pour 3 kg de lait (maximum 3 kg de concentré). Les vaches à plus de 25 litres reçoivent 1 kg de tourteau.

Jérôme Pezon

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