« Maîtriser les coûts tout en augmentant la productivité »
L’augmentation du lait produit, conjuguée à la maîtrise technique avec des coûts serrés, a aidé Vincent Jacquard, et son père Guy, à surmonter les mauvaises conjonctures et à payer les annuités du bâtiment.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
En sept ans, au Gaec des Dagonnots à Bosjean, en Bresse de Saône-et-Loire, le volume de lait produit a presque doublé (1). Au 31 mars 2017, un peu plus de 800 000 litres seront livrés chez Danone, soit 325 000 litres de plus qu’en 2009. Cette année-là, la stabulation, construite en 2007, est agrandie, 28 logettes sont rajoutées, portant la capacité de 80 places. Les fosses en géomembrane (1 350 m3) étaient prêtes. La salle de traite, une 2 x 5 épi à 50° avait été passée en 2 x 6. Équipée d’un décrochage automatique, mais sans compteur, elle permet de traire aujourd’hui 80 vaches en une heure quarante-cinq minutes, nettoyage compris. L’analyse des coûts de production et des performances technico-économiques de l’élevage entre 2009 et 2015 permet de comprendre comment les éleveurs ont conservé un niveau de marge brute satisfaisant, malgré les années laitières difficiles (2009, 2012 et 2015) et les annuités liées au bâtiment (2 100 € par mois (2)).
« Prudents et progressifs dans les investissements »
Le coût de l’extension du bâtiment a ainsi été absorbé par l’augmentation du volume de lait produit. Malgré un montant annuel plus important (24 440 €/an en 2015 contre 14 625 €/an en 2009), les amortissements, ramenés aux 1 000 litres, sont restés constants : 31 € en 2009, 30 € en 2015. Leur niveau est très raisonnable, comparé au repère retenu dans le réseau technico-économique Galacsy Bourgogne (50 €). « Les éleveurs ont été prudents et progressifs dans les investissements, commente Laurent Lefèvre, de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Ils ont ainsi travaillé au départ avec des silos peu coûteux, constitués d’une dalle et de murs en terre (remblais du bâtiment). Quand le volume a été là, en 2013, ils ont investi dans de nouveaux silos en béton. »
Les coûts de mécanisation ont accompagné l’augmentation de la production, sans déraper aux 1 000 litres de lait produits. De 22 230 €/an en 2009, ils sont passés à 33 852 € en 2015, tout en restant stables aux 1 000 litres (42 € en 2015 contre 46 € en 2009). Le parcellaire de l’exploitation n’est pourtant pas favorable avec 17 ha seulement à moins de 3 km. Les agriculteurs pratiquent toujours le labour et une partie de l’herbe est cultivée en dérobée (jusqu’à trois coupes entre un blé et un maïs les bonnes années). Les machines sont bien utilisées : le tracteur de tête affiche 650 heures/an, le tracteur chargeur de 100 ch en fait 700.
« Nous simplifions, sans nous perdre dans les détails »
Les gros chantiers sont délégués à l’entreprise, y compris désormais le pressage des 800 balles annuelles de foin, regain et paille. « Cela ne nous reviendra pas plus cher que de racheter une nouvelle presse, notent les agriculteurs. Nous n’aurons pas le travail à faire et pas de casse à gérer. » À contrecœur par contre, un semoir à engrais a dû être racheté, faute de pouvoir déléguer cette tâche à un voisin ou d’acquérir ce matériel en Cuma. Les coûts d’élevage et d’alimentation ont été maîtrisés malgré l’accroissement du cheptel. Les charges d’alimentation (115 €/ 1 000 litres en 2015) sont de 23 points inférieures aux moyennes du réseau Galacsy. La ration complète mélangée des laitières est composée de maïs ensilage, de maïs épi et d’ensilage d’herbe. Elle est équilibrée avec un mélange de tourteau de soja, de colza et d’urée à 46 % de protéines (358 €/tonne sur 2015-2016). Le concentré de production et le tourteau correspondent à 193 g par litre de lait (avec le maïs épi considéré comme un fourrage). Distribuée manuellement au cornadis, la VL (285 €/tonne en 2015-2016) n’est donnée qu’aux laitières en début de lactation pour éviter l’amaigrissement des animaux. Les frais d’élevage sont inférieurs de 20 €/1 000 litres aux moyennes du réseau Galacsy. Les frais et honoraires vétérinaires n’ont cessé de baisser depuis 2009. Les éleveurs font très peu appel au vétérinaire. Ils font eux-mêmes le parage. Il y a peu de mammites et les éleveurs ne s’acharnent pas sur un veau malade. Ils ne vaccinent pas. Vincent s’interroge toutefois sur l’opportunité de revacciner contre la BVD, une maladie qui a frappé le cheptel en 2008.
Le développement de l’atelier lait s’est assorti d’une forte augmentation de la productivité par vache (+ 1 240 litres vendus en sept ans). « Cette évolution est liée à l’arrêt du pâturage en 2012 (ration homogène toute l’année), au progrès génétique et au fait qu’on est en régime de croisière, analysent les éleveurs. Depuis trois ans, les réformes sont choisies et non plus subies. » L’augmentation de la productivité à l’animal s’est effectuée avec une amélioration de la richesse des taux et de la qualité. De 33 g/l en 2009, le TP est passé à près de 35 g/litre sept ans plus tard. Même évolution pour le TB, passé de 40 g/l à 42 g/l.
La productivité du travail de la famille Jacquard a également fortement progressé. Avec 458 000 litres de lait par unité de main-d’œuvre, elle est supérieure à la moyenne régionale Galacsy (326 000 litres/UMO), et est équivalente à celle des éleveurs en système robot. « On simplifie, on ne se perd pas dans les détails, précise Vincent. Les génisses, hébergées en partie dans l’ancienne étable entravée, sont au foin sans concentré si la qualité du fourrage est satisfaisante. Les réformes ne sont pas engraissées, les veaux partent dès 15 jours. Tous les fourrages sont ensilés ou fanés. La luzerne qui donnait satisfaction a été arrêtée à cause de la charge de travail l’été. En salle de traite, les trayons sont nettoyés à sec avec de la laine de bois et un post-trempage à l’iode est effectué. »
« Si je veux voir mes enfants, il faut rentrer plus tôt »
En 2016, avec l’embauche d’un salarié (le frère de Vincent), la productivité du travail par UMO va baisser un peu. « Tenir le rythme que nous avions n’était pas durable. Même le week-end, il faut être deux pour le pansage. Mon père commence à fatiguer. Ma mère fait encore la comptabilité, mais ça ne durera pas. »
Père de deux enfants de 3 et 8 ans, Vincent souhaite être présent dans sa famille. « À 20 heures, mes enfants sont couchés. Si je veux les voir, il faut rentrer plus tôt. »
Après s’être pleinement impliqués dans le développement de leur atelier lait, les associés du Gaec Dagonnots entendent veiller légitimement à leurs conditions de vie.
(1) Avec seulement 15 ha repris depuis 2009. (2) Dont 350 € pour l’extension et autant pour les silos en béton construits en 2013.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :