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« Rémi s’est installé et le volume va doubler sur trois ans »

Une partie des investissements liés à l’installation de Rémi avec son oncle et au doublement de la production laitière pourra être reportée si nécessaire.

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En décembre 2014, alors que le prix du lait commençait à plonger, Patrick Janodet a fait venir Laurent Lefèvre, conseiller spécialisé lait de la chambre d’agriculture. Son neveu Rémi, qui rêve d’être paysan depuis le collège, terminait alors sa deuxième année de BTS ACSE en alternance. Dans une conjoncture laitière incertaine, Patrick voulait vérifier que la ferme avait la capacité de financer une installation économiquement viable, avant d’accueillir son neveu sur l’exploitation.

Le projet de Rémi, lié à une augmentation de la production laitière de 300 000 litres (90 % en A, 10 % en B) en trois ans, exigeait en effet le doublement de la stabulation (passage de 42 à 84 places de logettes sur caillebotis). Un investissement global chiffré à 400 000 € (avec rénovation de la salle de traite, construction d’un silo supplémentaire et d’un hangar pour les fourrages).

« On paie les intérêts, mais pas le capital »

En mobilisant les surfaces de cultures de vente pour produire davantage de fourrages, l’exploitation disposait des ressources alimentaires nécessaires à l’accroissement du troupeau. Côté effluents, une fosse à lisier semi-enterrée de 1 000 m3 avait été construite en 2012 (1), déjà dans l’optique de l’arrivée de Rémi. L’outil de production en place fonctionnait bien. En ration mélangée maïs, herbe et foin avec les concentrés de production individualisés au Dac, les 40 laitières affichaient une moyenne de 9 200 kg à 40,2 de TB et 33,3 de TP, avec une consommation de 164 g de concentré par litre de lait et un coût alimentaire de 120 €/1 000 litres. Des femelles étaient disponibles pour développer la production par croît interne.

Compte tenu de la situation saine de l’exploitation, la banque a accordé sans sourciller le prêt bâtiment sur quinze ans. Prudents, les éleveurs ont toutefois opté pour un différé d’un an. « On paie les intérêts, mais pas le capital. Ce qui allège la trésorerie dans cette conjoncture délicate et compensera la baisse de production liée à l’autoconstruction du bâtiment. » Absorbés par les travaux ces cinq derniers mois, Patrick et Rémi ont consacré moins de temps au cheptel. Ils ont réalisé tous les travaux du nouveau bâtiment par eux-mêmes, avec l’aide d’un maçon. Par ailleurs, cette année, les ensilages sont moins bons et quelques génisses de deux ans à peine, prêtes, ont été intégrées au troupeau. Elles n’exprimeront pas tout de suite leur potentiel.

« Avoir la possibilité d’ajustement nous rassure »

Rémi s’est installé officiellement le 9 mars 2016, un mois après la création du Gaec. Entre septembre 2015 et janvier 2016, il avait été salarié sur l’exploitation qu’il connaissait bien pour y avoir réalisé son BTS ACSE (15 jours par mois).

Les investissements prévus seront réalisés en trois étapes et sur trois ans, avec la possibilité de reporter les deux dernières tranches de travaux : modernisation de la salle de traite et aménagement du hangar de stockage du fourrage. « Avoir cette possibilité d’ajustement nous rassure », souligne Patrick.

Cette année a été réalisé l’allongement de la stabulation par le pignon nord, avec la construction d’une nouvelle fosse sous caillebotis et le remplacement des logettes creuses par des logettes en béton avec matelas. De l’autre côté du couloir d’alimentation, quatre cases collectives pour les génisses et les taries ont été installées. Un silo supplémentaire d’une capacité de 600 m3 a été construit pour l’ensilage maïs. Le gros des travaux s’est terminé mi-novembre, juste à temps pour mettre en service 12 logettes supplémentaires (soit 54 logettes occupées) et poser deux cornadis. Dehors jusqu’à cette date, les vaches n’avaient accès qu’à l’auge et aux caillebotis. Il était temps de finir. En parallèle, ont été menés des travaux d’aménagement de la nurserie dans l’ancienne étable entravée (cases individuelles et collectives sans Dal, box de vêlage et infirmerie).

En 2017, si la conjoncture le permet, la salle de traite sera rénovée, avec allongement des quais, ajout de deux postes supplémentaires et extension de l’aire d’attente. « D’une 2 x 5 avec décrochage, on passera à une 2 x 7 avec compteurs à lait, explique Rémi. Les compteurs seront connectés aux Dac dont deux stalles supplémentaires seront installées dans la stabulation. Nous avons aussi prévu de poser un tapis antidérapant sur les quais carrelés. »

En 2018 est prévu l’aménagement du hangar de stockage des fourrages, de la paille et du matériel sur le long-pan à l’est. Dix poteaux sont d’ores et déjà prêts à l’accueillir.

« Il faut garder la tête froide et rester raisonnable »

Par contre, le projet de recouvrir les caillebotis par un tapis a été ajourné, malgré le niveau des aides perçues dans le cadre du PCAE (Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles). En tant que JA reprenant d’emblée 50 % du capital de l’exploitation, Rémi a bénéficié d’un taux de subvention pour le bâtiment de 47 %. Le fait de produire du lait AOP beurre et crème de Bresse lui a donné des points supplémentaires pour sa DJA (+ 25 %, soit + 3 400 €). Inattendu, ce niveau d’aide (2) n’est pas une raison pour flamber ! « Cette année, avec les annonces de Sodiaal et la qualité, nous devrions arriver à un prix du lait de 300 €/1 000 litres, soit 30 centimes en dessous de la référence retenue dans l’étude prévisionnelle faite avec la chambre d’agriculture, notent Patrick et Rémi. Il faut garder la tête froide et rester raisonnable. » Les dépenses réalisées à ce jour (233 000 €) correspondent à 3 000 € près aux investissements programmés.

« Le prix du lait au plus bas en 2016 ne peut que remonter »

Prudents, Patrick et Rémi Janodet ont décidé pour l’instant de ne prélever que 1 200 € par mois chacun, au lieu des 1 700 € initialement prévus. Heureusement, une aide à la création d’entreprise (Acre), versée pendant la première année d’installation, aidera Rémi à rembourser son prêt JA (500 €/mois) et à faire face aux besoins du quotidien. Malgré le contexte difficile et incertain, Patrick et Rémi sont contents de se projeter ensemble sur l’exploitation. « Rémi est arrivé au bon moment, même s’il eut été préférable qu’il aille travailler un peu ailleurs avant de s’installer, avance Patrick. Alors que mon père, 85 ans aujourd’hui, m’avait beaucoup aidé, j’allais me retrouver seul. L’arrivée d’un jeune et les projets de développement motivent. Être deux permettra aussi de se libérer un week-end sur deux et de prendre des vacances. Un rythme qu’il sera peut-être plus difficile à tenir quand l’effectif du troupeau aura doublé. Quant au prix du lait, au plus bas en 2016, il ne peut que remonter. Le jour où il repartira à la hausse, on mettra d’abord de l’argent de côté avant de réinvestir. » D’ici là, l’objectif est de produire le plus vite possible pour saturer les charges liées au nouveau bâtiment. Cette année laitière 2016-2017, le troupeau produira 450 000 litres.

(1) Cette année-là, l’aire paillée des laitières avait aussi été transformée en logettes creuses paille-chaux (114 000 € investis ). (2) Le hangar à fourrage et le silo ne sont pas subventionnables.

© Anne Bréhier - Économie. Pour réduire les dépenses, des anciens matériaux ont été réutilisés dans la construction du nouveau bâtiment :- bardage en bois de la façade ouest de la stabulation ;- bardage en tôle du pignon nord et des stalles de l’étable entravée pour la nurserie et les cases à veaux. Anne Bréhier

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