Login

CLAIRE GADIOLET CONNUE ET RECONNUE DANS LE MONDE DE LA GÉNÉTIQUE MONTBÉLIARDE

Complètement impliquée dans l'élevage, Claire reçoit aussi bien les acheteurs de génétique que le vétérinaire.© ANNE BRÉHIER

Dans le monde de la sélection montbéliarde, traditionnellement considéré comme un milieu d'hommes, Claire Gadiolet a fait sa place.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

INSTALLÉE DEPUIS 2001 AVEC SON MARI ROMAIN et passionnée de génétique montbéliarde, Claire Gadiolet restera la première femme à avoir jugé un concours national de la race à Paris. C'était en mars 2011 au Salon international de l'agriculture. « Je n'avais pas bien mangé le matin, se souvient la jeune éleveuse. Juger un grand concours, c'est toujours beaucoup de stress. On ne s'y habitue pas vraiment. Mais une fois qu'on est sur le ring, le micro en main, on est dans sa bulle. »

En 2013, Claire était à nouveau sur le ring, en tant qu'éleveuse cette fois. Avec son mari Romain, elle présentait une vache en deuxième lactation Ello Kitty, une Brigand JB/MicMac. « Nous tenions à présenter un animal à Paris, là où nous nous sommes rencontrés en 2000. Cette année-là, j'étais sélectionnée pour la finale nationale de pointage. Romain venait présenter la vache de ses oncles (Gaec Charton du Jura). »

PREMIÈRE FEMME À AVOIR JUGÉ UN CONCOURS NATIONAL DE LA RACE

Fille d'instituteurs du Doubs, Claire a toujours été attirée par les animaux, les chevaux en particulier. Mais ce sont les copains du lycée agricole où elle préparait un bac S, option bio, qui lui ont fait découvrir l'élevage. « Ce fut un coup de foudre immédiat », se souvient-elle. Cette rencontre l'emmènera vers un BTS productions animales. Claire est arrivée sur les rings par le pointage. « J'aimais dessiner, ce qui m'a donné, je crois, une facilité à déceler à l'oeil une belle ligne de dos, de bons aplombs. Le pointage puis le jugement m'ont permis de concilier mes deux passions : l'élevage et le dessin. » Claire a d'abord fait ses premiers pas dans les comices cantonaux agricoles avant de saisir la chance qui lui était offerte. « Les responsables de l'OS montbéliarde m'avaient repérée sur un concours de Swiss Expo, où les responsables avaient souhaité offrir aux femmes la possibilité de juger. En Franche-Comté, j'ai été ensuite sollicitée pour les concours départementaux et régionaux avant de monter à Paris. » Aujourd'hui pleinement impliquée dans l'élevage jurassien(1), l'éleveuse de 33 ans estime qu'il n'y a pas de différence entre les hommes et les femmes dans la façon de juger. D'autant plus qu'en race montbéliarde, une formation-qualification des juges a été mise en place ces dernières années. « Il s'agit d'assurer des parcours de jugement mieux jalonnés, plus homogènes, en tenant compte de l'évolution des standards de la race montbéliarde. Dans l'Isu, il a été donné davantage d'importance à la largeur de poitrine. Dans nos jugements, nous veillons donc à apporter plus d'importance à ce critère. » Entre femme et homme, les nuances sont peut-être plus à trouver dans le commentaire. « Une femme utilisera peut-être des mots différents, note Claire. Mais cela dépend beaucoup du caractère de la personne. Il y a des femmes plus ou moins sensibles ! La fonction de juge suppose avant tout d'être passionné pour avoir envie de transmettre quelque chose qui vienne du coeur. »

Pour encourager ses jeunes collègues à mettre le pied à l'étrier, Claire a organisé, cet été, en zone morbier un premier concours de meneurs d'animaux réservé aux femmes. Une première en France ! La manifestation s'est bien passée et aura une suite.

À COURNON CETTE ANNÉE AVEC DEUX MONTBÉLIARDES

« Sur le ring, nous avons veillé à apporter un peu de féminité. Nous étions toutes en tailleur jupe, loin des chemises de garçons trop grandes qu'on nous fait porter habituellement. » Et de souhaiter « qu'il y ait, à l'avenir, plus de femmes impliquées dans les concours. Cela prouverait que le jugement est une question de compétences et non de sexe ». Claire Gadiolet souligne la chance qu'elle a d'avoir un associé, son mari en l'occurrence, qui comprend et partage sa passion de la sélection. Avant de s'installer, tous deux ont travaillé dans un service de remplacement. « Nous voulions emménager en zone comté et avec des montbéliardes. Nous aurions pu nous associer avec les oncles de Romain, mais je craignais d'être toujours considérée comme la femme du neveu, et d'avoir du mal à me faire une place. Parmi les quatre exploitations que nous avons visitées, celle de Chaumusse disposait d'une référence de 245 000 l de lait à comté AOP, de 113 ha et d'une étable entravée. De ce fait, l'investissement de départ n'était pas trop lourd pour nous hors cadre familial. Par ailleurs, la qualité du troupeau nous a séduits. L'élevage pratiquait l'insémination artificielle depuis toujours et était suivi au contrôle laitier. Génétiquement, le troupeau avait du potentiel. » En octobre, Claire et Romain seront à Cournon avec deux montbéliardes dont Framboise, une premier veau issue d'une souche du troupeau d'origine. En douze ans, le couple a acheté de nouvelles souches et a travaillé le troupeau avec la transplantation embryonnaire puis, plus récemment, avec la Sam (sélection assistée par marqueurs). La surface de l'exploitation a été agrandie et une stabulation libre a été construite. L'exploitation dispose aujourd'hui de 320 000 l de quota et 180 ha, mais avec un parcellaire très éclaté. « Produire au moins 380 000 l nous donnerait un peu plus de marge, et peut-être les moyens de nous libérer plus facilement qu'aujourd'hui, estime l'éleveuse. Même si le comté va bien et que le lait nous est payé 450 €/1 000 l par notre coopérative, il faut tout de même rembourser l'emprunt lié à l'achat de l'exploitation. »

« J'AI LA CHANCE D'AVOIR UN ASSOCIÉ, MON MARI, QUI PARTAGE MA PASSION »

Comme sur la ferme où Claire trait et soigne les veaux pendant que Romain alimente les vaches et fait la litière, les tâches sont partagées à la maison. « Nous essayons de faire 50-50. Aussi bien pour les activités ménagères que l'éducation de notre fils Nino (quatre ans et demi). Je fais le repas et je m'occupe du linge. Romain débarrasse la table et fait la vaisselle. Il aspire, je récure. Il se charge de la toilette de Nino le soir. Le matin, je l'habille et je l'emmène à l'école, où j'arrive souvent en bottes. C'est un peu dur pour moi. » L'idéal serait de pouvoir embaucher un salarié, ou alors s'équiper d'un robot. « Cet outil nous permettrait d'avoir une vie moins décalée par rapport au reste de la société. Le matin, nous ne serions pas obligés de descendre Nino à 6 h 30 pour venir traire. Claire et sa famille n'habitant pas sur le site d'exploitation mais à 4 km de là, un lit a été installé pour le petit garçon dans le bureau à proximité de la salle de traite. Mais acquérir un robot est inenvisageable : le cahier des charges du comté AOP l'interdit et notre structure n'est pas suffisamment importante. Dans le Jura, on nous empêche de grossir pour tenir le prix du lait et installer des jeunes. Ce qui est super. Mais ce qui nous bride aussi dans notre développement. » Dans la Cuma locale, l'idée d'embaucher un salarié en commun, mais aussi une femme de ménage pour soulager les jeunes couples est en discussion.

UN SENTIMENT D'INJUSTICE : L'INÉGALITÉ FAITE AUX CONJOINTES QUALIFIÉES

Pour Claire, les douze années d'installation n'ont été que « du bonheur ». Un bonheur entaché toutefois par une insatisfaction liée à un vif sentiment d'injustice : l'iniquité faite aux conjointes qualifiées dans l'accès aux droits à produire et aux aides. « Faute de bénéficier de la transparence quand nous étions en SCEA, nous avons perdu 120 000 € en dix ans (subvention bâtiment, ICHN, PHAE, CTE), déplore le jeune couple. Bien que nous ayons repris deux fermes. Nous avons opté pour le statut de Gaec entre époux en 2012 car il nous semblait important de montrer qu'une fille vaut un garçon, mais cela ne règle rien. La loi n'est pas rétroactive. Pour bénéficier de la transparence des aides, il faudrait encore apporter une demi-SMI supplémentaire et retrouver 10 ha supplémentaires, ce qui n'est pas évident dans le secteur. On nous demande de nous réinstaller. Toutes ces exigences sont parfois un peu décourageantes. »

Heureusement, il y a la génétique et la montbéliarde !

ANNE BRÉHIER

(1) Claire est membre du bureau de Jura-Bétail et présidente du comice de Grandvaux.

Il y a dix ans, Claire et Romain Gadiolet (sur la photo avec leur fils Nino) se sont offerts la belle Usage en cadeau de mariage. Elle est aujourd'hui l'emblème du troupeau dont l'Isu s'affiche à 109 en morphologie et 120 en synthèse.

© ANNE BRÉHIER

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement