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Angleterre : fixer le budget, avec le confort des vaches en priorité

Avec des prix du lait souvent bas, les Anglais misent sur des bâtiments « low cost  ». Ils privilégient le confort des vaches pour prévenir les problèmes sanitaires et réduire le travail. Tim McKendrick, consultant chez Dairy Group, décrypte les pratiques.

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Pour Tim McKendrick, la conception d’un projet bâtiment commence par une rencontre avec l’éleveur. Il s’agit de savoir ce qu’il a déjà, ce qu’il souhaite. Ce premier contact comprend une évaluation du budget afin de s’assurer dès le départ qu’il existe une cohérence entre le projet de l’éleveur et les moyens dont il dispose. « L’observation du site est primordiale pour savoir ce qu’il est possible de réaliser, sans bloquer le développement futur », précise Tim.

Dans un deuxième temps, le consultant s’intéresse à la conduite du troupeau. « Le management peut permettre de compenser certains défauts du bâtiment. »

Avant de rentrer dans les détails, Tim dessine un plan sommaire tenant compte des désirs et des moyens des éleveurs. « Je dispose les bâtiments, j’y fais circuler les animaux, les hommes, les machines. Je dessineaussi les évolutions possibles, et je vois si cela plaît aux éleveurs, si cela fonctionne. »

Le confort des animaux est prioritaire. « Les vaches ont besoin d’espace et d’air. » Enfin, Tim recherche toujours la simplicité.

Conception : plusieurs blocs séparés

Tim conseille de réaliser un bâtiment voué uniquement aux vaches en production. Les jeunes, les taries et les fraîches vêlées sont ailleurs. Le bloc de traite est également à part. Cela permet de mieux organiser la circulation des animaux, tout en évitant la poussière dans la salle de traite et en réduisant l’humidité dans le bâtiment.

En cas d’extension à 500 vaches, mieux vaut construire un deuxième bâtiment à côté. Si l’on rallonge l’existant, il devient compliqué d’avoir une taille de lots compatible avec une bonne circulation et un temps d’attente limité en salle de traite. L’agrandissement de la salle de traite doit être prévu dès le départ.

Pour faciliter la circulation, mieux vaut installer la fosse à une extrémité, et la salle de traite à l’autre, ou sur le côté. Pour 250 vaches, le consultant de Dairy Group prévoit un bâtiment de 90 x 30 m.

L’habillage latéral des parois conditionne la ventilation. Tim préconise une hauteur de 4 à 4,50 mètres jusqu’à la base du toit, avec un soubassement en parpaings de hauteur variable selon l’aménagement intérieur. Au-dessus, dans l’idéal et malgré le coût, il conseille de poser des panneaux brise-vent amovibles, dont l’ouverture peut se régler automatiquement en fonction de la météo. « Les bardages en bois, même ajourés, ne permettent pas une bonne ventilation. » Les bardages métalliques ajourés fonctionnent mieux. Selon la nature du bardage, on peut laisser un espace ouvert sur 30 à 40 cm en haut pour améliorer la ventilation.

La sortie d’air se fait par une faîtière ouverte protégée pour éviter les entrées de pluie. Avec des pentes de toit traditionnellement de 12 à 15° en Angleterre, les toitures ne permettent pas une aspiration suffisante. Pour améliorer l’extraction, Tim conseille de laisser un léger espace entre les plaques de couverture (3-4 mm). On peut aussi placer des tasseaux de bois entre les plaques pour les soulever légèrement et créer une ouverture.

L’éclairage est essentiel. C’est un autre avantage des filets brise-vent qui laissent entrer la lumière quand ils sont ouverts. Attention aux translucides si les vaches restent à l’intérieur en été ; elles risquent des coups de soleil ! Tim conseille de limiter les translucides à un seul (1,50 x 1 m) par section. « Les vaches exposées à une intensité lumineuse de 200 lux pendant seize à dix-huit heures par jour produisent 6 à 12 % de lait en plus. » il faut donc un éclairage artificiel pour l’hiver.

Aménagement : une place par vache

Tim recommande une table d’alimentation centrale (6 m de large) avec deux rangées de logettes de chaque côté. Souvent, pour des raisons économiques, les éleveurs veulent en mettre trois.

Dans le premier cas, les vaches disposent toutes d’une place à l’auge, pas dans le second. « Le raisonnement se base sur le système d’alimentation. Les vaches disposent-elles d’un autre endroit pour manger ? » Au Royaume-Uni, beaucoup d’éleveurs distribuent des concentrés en salle de traite. Mais il y a les Dac aussi ou la distribution au robot. La disposition des logettes conditionne la conception du bâtiment, mais aussi son fonctionnement. Avec une rangée contre le mur, il est plus difficile d’installer un rideau brise-vent. Deux rangs de logettes nez à nez ont besoin de moins de tubulure.

Elles sont plus rapides à installer et coûtent donc moins cher. Mais il n’est pas possible d’interdire l’accès à l’ensemble pour le nettoyage. Les doubles rangs de logettes doivent être interrompus par des passages. Tim recommande une rupture toutes les 25 logettes, en fonction de la longueur du bâtiment. Certains fonctionnent très bien avec deux blocs de 40 logettes.

On peut placer des abreuvoirs dans ces passages. Il faut prévoir une largeur de 3 m pour un abreuvoir et de 4 m si on en met deux. On peut aussi les placer contre le mur, au bout des aires d’exercice. Dans ce cas, selon les régions, attention au gel.

Tim recommande une logette par vache. Mais selon lui, leur dimension est plus importante que leur nombre. « Un bâtiment peut fonctionner sans avoir une logette par vache, à condition que celle-ci soit confortable. » Ce n’est donc pas sur ce poste qu’il faut chercher des économies. « Pour des vaches holsteins, je préconise une distance de 1,20 m du milieu d’une logette au milieu de la suivante. » Si les logettes sont face à face ou si elles ne se trouvent pas face à un mur, une longueur de 2,50 m suffit.

Pour des logettes situées face à un mur, il conseille une longueur de 2,70 m avec une barre au garrot et une barre de seuil. Sa hauteur ne doit pas dépasser 10 cm pour que la vache puisse passer sa patte au dessus quand elle se lève. Quant à la barre au garrot, il faut la placer à une hauteur de 1,20 mètre. La distance entre cette barre et le seuil d’entrée de la logette doit se situer entre 2,10 et 2,20 mètres.

Du sable pour un confort maximal

Tim ne voit rien de mieux que le sable dans les logettes pour le confort et la santé des vaches. Ce mode de couchage, peu répandu en France, est plébiscité aux États-Unis.

Il suffit d’observer les vaches couchées dans ces logettes pour être convaincu qu’elles y sont à l’aise. C’est un matériau qui n’irrite pas la peau, qui est sain. En France, la mode des racleurs automatiques, avec une mécanique sensible au grippage, semble avoir enterré ce matériau. Ailleurs, le raclage s’effectue généralement au tracteur.

L’utilisation de la phase solide du lisier (non composté) fait son apparition en Angleterre dans les logettes alors qu’elle a longtemps été interdite. Des études ont montré son intérêt sur le plan du confort. Le bilan est plus mitigé au niveau sanitaire. « Le produit doit avoir une teneur en MS d’au moins 40 % et la ventilation du bâtiment doit être excellente pour que cela fonctionne bien. »

Tim pense que les matelas sont moins confortables que le sable ou la sciure. Moins performants sur le plan sanitaire, ils coûtent très cher et il faut les nettoyer tous les jours et rajouter de la sciure. Peu disponible, la paille est rarement choisie au Royaume-Uni.

Les fosses sous caillebotis sont incompatibles avec le sable. De plus, Tim juge ce système inconfortable pour les vaches, sauf si le caillebotis est recouvert de caoutchouc. Mais le prix devient alors prohibitif. Tim préfère le raclage avec un tracteur aux racleurs automatiques. « On voit plus de dermatite là où ce système fonctionne, peut-être parce que le sol n’est jamais vraiment propre. » Il préconise de racler deux ou trois fois par jour.

L’aire d’exercice doit être en pente de 1 à 2 % dans le sens de la longueur pour faciliter l’évacuation des jus. Au-delà de 3 %, la pente devient inconfortable pour les animaux.

Quand la longueur du bâtiment atteint 80-90 m, il faut aménager une canalisation au milieu pour diriger le lisier vers la fosse. Sinon, le racleur est submergé.

Revêtements de sol : attention aux blessures

Avec du béton neuf, Tim considère que l’essentiel est d’éviter les aspérités qui peuvent blesser les pieds. Au rainurage du béton frais, il préfère une finition à la brosse ou au rouleau avec des motifs hexagonaux (voir photo). Cela évitera les glissades au début. Mais après deux ou trois ans, l’usure impose un rainurage au diamant. Tim préconise la pose d’un tapis sur 1,80 m de large devant la table d’alimentation. « C’est confortable et bon pour la santé des pieds. » L’idéal est de le poser lors de la construction sur la dalle de béton, puis de refaire une couche de béton sur le reste de l’aire d’exercice pour que l’ensemble soit au même niveau. Tim alerte aussi sur la qualité des tapis, très hétérogène.

Traite : un choix économique

« Le prix du lait ne sera jamais assez élevé pour amortir des robots. Quant aux rotos, je considère que c’est du luxe en dessous de 500 vaches. » Tim est catégorique, rien ne vaut la salle de traite jusqu’à 500 vaches. Avec 16 postes en simple équipement et deux quais, une personne trait en moyenne 80 vaches/heure. « Une 2 x 12 peut traire 1 000 laitières par jour en tournant 24 h/24. Le facteur limitant n’est pas la salle de traite, c’est la main-d’œuvre. » Tim rappelle que moins une salle de traite tourne, plus elle coûte cher. Le plus important est de fluidifier la circulation des animaux et d’organiser les lots de façon à ce que chaque vache n’attende pas plus d’une heure. Cette gestion est compliquée quand les vaches pâturent. Il faut imaginer les circuits de façon à éviter les croisements entre celles qui arrivent et celles qui partent. Il est utile de prévoir une porte de tri sur le couloir de retour. Tim conseille aussi d’y placer un pédiluve.

Chouchouter les fraîches vêlées

Pour Tim, l’infirmerie n’est pas nécessaire si les vaches sont en logettes sur du sable !

Il préconise en revanche un logement à part pour les vaches à partir de trois semaines avant le vêlage et jusqu’à deux ou trois semaines après. Cet espace peut souvent être aménagé dans un bâtiment existant. Il conseille d’y mettre des logettes et de prévoir une aire paillée où l’on hébergera les vaches 24 heures avant la mise bas. Elles retourneront en logettes tout de suite après. « Il n’y a rien de mieux que les logettes de sable pour éviter les mammites.  » Cet isolement des fraîches vêlées vise à leur offrir un maximum de confort afin de réduire le stress. L’espace, le couchage et l’alimentation devront être particulièrement soignés à ce moment-là. Il est utile d’installer un cornadis dans ce bâtiment.

Options : le minimum

Certaines options sont nécessaires pour Tim. La mesure de l’activité, par exemple, pour aider à la détection des chaleurs et des maladies. L’identification améliore l’efficacité en salle de traite. Une porte de tri est utile aussi pour pouvoir séparer facilement des animaux. Les compteurs à lait sont nécessaires en système intensif, mais pas avec du pâturage. Les caméras ont de l’intérêt pour surveiller les vaches prêtes à vêler. Certains s’en servent pour surveiller les salariés ! Les pédiluves sont indispensables pour désinfecter les pieds en cas de dermatite. Il faut les garder propres ! Il faut en prévoir aussi pour les taries, en imaginant un circuit qui les oblige à y passer.

D’autres options apparaissent secondaires. C’est le cas des brosses. Les vaches aiment bien, mais ça ne sert pas à grand-chose avec des logettes au sable. Les systèmes automatiques de désinfection des griffes peuvent contribuer à résoudre un problème de mammite, mais il y a plus de maintenance. L’intérêt des ventilateurs dépend du climat et de l’efficacité de la ventilation. Cela peut améliorer le confort en salle de traite et dans l’aire d’attente et en rénovation, ou compenser un défaut de ventilation.

Coûts : viser 2 500 €/vache

Pour un bâtiment neuf conçu pour loger des vaches qui ne sortent pas, Tim prévoit un budget de 2 000 à 2 500 €/vache. S’y rajoute le prix de la salle de traite : 400 000 € (jusqu’à 500 vaches). Pour la fosse, Tim estime le coût à 70 000 € (argile), 200 000 € (béton) pour 250 vaches, avec cinq mois de stockage.

Pascale le cann

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