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SAVOIR RÉCOLTER LA LUZERNE EST ESSENTIEL

Les faucheuses-conditionneuses à fléaux sont déconseillées sur la luzerne. Une faucheuse classique qui étale le fourrage et évite ainsi un premier fanage est préférable.

La luzerne est l'un des vecteurs de l'autonomie protéique en élevage laitier. Mais son intérêt économique dépendra, entre autres, des pertes maîtrisées à la récolte.

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LA RECHERCHE D'UNE MEILLEURE AUTONOMIE protéique remet la luzerne au goût du jour dans l'alimentation du troupeau laitier. Cette légumineuse, très complémentaire du maïs, affiche aussi d'autres qualités : résistance à la sécheresse, excellent précédent, sécurisation de la ration sur le risque acidose, etc. Elle a aussi ses inconvénients : choix de la parcelle (sols non hydromorphes, pH > 6), implantation délicate et surtout récolte du fourrage pouvant s'avérer difficile.

QUATRE COUPES, TROIS MODES DE RÉCOLTE

Dans les conditions du nord de la France, il est courant d'exploiter quatre coupes de luzerne en combinant plusieurs modes de récolte. La première, à la mi-mai au stade début de bourgeonnement, se fait généralement en ensilage ou en enrubannage. Quarante-cinq jours plus tard, une récolte en foin est possible, suivie d'une seconde à la mi-août. Cette dernière se fera au stade floraison de façon à ce que la plante reconstitue ses réserves racinaires. La quatrième coupe début octobre se récolte le plus souvent en enrubannage. L'une des règles importantes pour optimiser le rendement est de respecter une hauteur de coupe supérieure à 7 cm (soit une hauteur de main). En deçà, la repousse est beaucoup plus lente et la plante est fragilisée. En bonnes conditions, le rendement d'une luzerne s'établit entre 10 et 15 t de matière sèche par hectare.

LE FOIN, GROS RISQUE DE PERTES AU CHAMP

La récolte en foin de la luzerne s'accompagne parfois de pertes importantes (voir infographie) : plus de 30 % du rendement initial quand les interventions de récolte ne sont pas maîtrisées. « Ce sont les feuilles, très fragiles en se desséchant, qui tombent au sol », précise Gilles Crocq, d'Arvalis-Institut du végétal. En 2011 et 2012, la ferme expérimentale de La Jaillière (Loire-Atlantique) a conduit des essais dans le but de limiter ces pertes. Plusieurs leviers peuvent être actionnés. Pour le fauchage, il est conseillé d'intervenir après la rosée de façon à optimiser le séchage. La faucheuse-conditionneuse à rouleaux, qui écrase les tiges, est l'outil idéal mais accessible seulement aux éleveurs qui cultivent une surface importante en luzerne. « Pour autant, il est déconseillé d'utiliser une conditionneuse à fléaux, trop agressive pour les feuilles de luzerne. On préférera une faucheuse classique qui étale plus largement l'andain. Cela évite un premier fanage aussitôt après la fauche pour amener le fourrage de 15 à 35-45 % de MS », explique Gilles Crocq. Le fanage et l'andainage sont les interventions où le risque de pertes est important. « On n'intervient jamais en pleine chaleur mais impérativement pendant la rosée. Un réflexe que les éleveurs ont du mal à respecter car les fenêtres d'intervention sont limitées à 1 ou 2 h par matinée, insiste Gilles. Ensuite, le fanage se raisonne en fonction de la quantité de fourrage. Il est souvent inutile en troisième et quatrième coupes si la faucheuse a pu étaler l'andain. »

Il est conseillé aussi d'avoir un avancement assez rapide et de limiter la vitesse de rotation des toupies (dans l'idéal à moins de 300 tr/min à la prise de force).

L'andainage doit se faire à environ 50 % de MS pour atteindre les 80-85 % de MS qui autorisent une conservation en foin sans risques. Là aussi, il est impératif d'intervenir le matin dans la rosée et de créer des andains aérés. L'andaineur à soleils est apprécié pour son débit de chantier (6 à 10 ha/h) et, accessoirement, pour son prix d'achat plus modique.

En contrepartie, il crée un andain plus enroulé, donc moins aéré qu'un andaineur à toupies, incitant les éleveurs à retarder alors la mise en andains à un taux de MS plus élevé : de 65 à 80 %.

Les tests d'Arvalis, à La Jail-lière, ont aussi évalué deux retourneurs d'andains : le système à tapis de Dion et celui à rotor de CCM. Ils sont moins agressifs que le faneur-andaineur mais ils peuvent augmenter la durée du séchage, le fourrage restant en andains. Avec un pick-up de 1,50 m de large, le retourneur Dion a un débit de chantier faible (1,5 ha/h) pour les largeurs de fauche de 3 m. « Il peut avoir un intérêt quand la situation est difficile en fin de séchage. » Le retourneur CCM est composé de trois rotors entraînés hydrauliquement de façon à maîtriser leur vitesse de rotation sur un fourrage fragile. En travaillant sur une largeur de trois andains,

il permet un débit de chantier de 4 à 6 ha/h.

Dernière étape : le pressage se fera le matin après la rosée ou le soir. Les presses à chambre variable sont préférables car le temps de rotation du fourrage dans la chambre est plus faible que sur une chambre fixe. Toujours pour limiter les pertes, le liage-filet est indispensable. Une enquête, menée auprès de cultivateurs de luzerne en Pays de la Loire dans le cadre du projet Luzfil(1) a montré qu'il fallait en moyenne cinq jours après la fauche pour atteindre les 85 % de matière sèche.

L'ENRUBANNAGE, POUR PLUS DE SÉCURITÉ

L'enrubannage est un mode de conservation jugé souvent onéreux. Ce coût est à relativiser en élevage laitier où la luzerne n'entre qu'en proportion modeste dans la ration, notamment pour la qualité de ses fibres. En outre, cette technique permet d'éviter les mauvaises conservations liées à une météo capricieuse et un fanage trop long. Par rapport au foin, il autorise une coupe plus précoce au printemps pour un rendement annuel supérieur. La réussite de l'enrubannage impose d'atteindre 50 % de MS avec le moins d'interventions possibles : une fauche qui étale le fourrage et un andainage peuvent suffire, le tout dans un délai de deux à trois jours, soit deux jours de moins que pour le foin. L'option d'un rotocut sur la presse est intéressante pour couper les tiges à 5 cm. Cela forme une balle plus dense qui se conserve mieux. La reprise est facilitée et le fourrage mieux consommé. Là aussi, le liage-filet est indispensable. Pour éviter le risque de perforation, il peut être conseillé de passer de quatre à six couches de film, voire huit pour les balles carrées.

L'ENSILAGE, JAMAIS SANS CONSERVATEUR

L'ensilage s'envisage sur la première coupe, quand la surface en luzerne permet la confection d'un silo de taille suffisante. Mais l'ensilage de luzerne est plus difficile à réaliser que celui des graminées. En cause, sa faible teneur en sucres et son pouvoir tampon lié à sa richesse en azote et minéraux. Deux règles s'imposent : passer les 30-35 % de MS par un ressuyage suffisant (un à trois jours) et utiliser un conservateur acide, surtout si le préfanage est insuffisant. Le tassement et une couverture hermétique du silo sont aussi indispensables.

Autre méthode, l'affouragement en vert se développe, notamment dans le grand Ouest. Dans ce cas de figure, pas de perte et aucun risque de météorisation, contrairement au pâturage puisque les vaches consomment tiges et feuilles en même temps. Mais le passage répété des engins qui compactent le sol et des cycles de récolte souvent plus courts réduisent la pérennité des luzernes.

La multiplicité des coupes fait que le coût de mécanisation de la luzerne est élevé.

COÛT ET INTÉRÊT ÉCONOMIQUE

Une approche a été réalisée par le BCMA. C'est la récolte en foin qui apparaît la moins onéreuse à 150 €/ha, puis l'ensilage à 170 € et l'enrubannage à 200 €. Pour une luzerne à 10 t de MS/ha, exploitée en quatre coupes : un ensilage (4 t), deux coupes en foin (2,5 t/coupe) et un enrubannage (1 t), le coût total des récoltes s'élève à 570 €/ha, soit 57 €/t de MS. Des simulations de l'institut montrent que l'introduction de luzerne (4 à 5 kg de MS) dans des rations hivernales à base de maïs ensilage permet d'améliorer l'autonomie en protéine : 9 t de correcteur azoté économisées pour un troupeau de 46 vaches à 8 000 l/an. Mais 16 t de céréales sont autoconsommées en plus. Dans un contexte de prix élevé, le bénéfice économique est relativement limité, d'autant que la luzerne est pénalisée par son coût de récolte. « L'intérêt de ce fourrage résulte davantage dans l'écart de rendement qu'on peut obtenir par rapport au maïs ou à l'herbe. La luzerne fera d'autant plus la différence économiquement qu'elle est placée dans des parcelles séchantes où le maïs et l'herbe ne peuvent pas exprimer leur potentiel », termine Gilles Crocq. Mais d'autres qualités difficilement chiffrables n'ont pas été prises en compte : la réduction du risque d'acidose, l'amélioration de la structure des sols, etc.

DOMINIQUE GRÉMY

(1) Projet régional à l'initiative de Terrena pour favoriser le développement de la luzerne en élevage.

Le risque de perte de feuilles est très important pendant le fanage. Il est impératif d'intervenir pendant la rosée.

© O. VERNOT- ARVALIS INSTITUT DU VÉGÉTAL

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