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« L'ANTICIPATION PERMET DE MIEUX MAÎTRISER SES CHARGES »

C'est avec Amaury Smets qu'Emmanuel Delmotte (à droite), conseiller économique ACE, a initié cette approche qui consiste à prendre le temps en début de campagne de déterminer les besoins d'EBE et de marge brute de l'éleveur.

En début de campagne, Amaury Smets a défini son besoin d'EBE et budgétisé ses dépenses pour y parvenir. L'objectif n'est que partiellement atteint, mais cette trame a permis d'identifier la gestion des taries comme axe principal de progrès pour 2017.

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AU PRINTEMPS DERNIER, J'AI CHOISI D'ANTICIPER le scénario des dépenses et des recettes de la campagne à venir, pour être en mesure de tenir à la fois mes engagements professionnels et mes besoins privés, explique Amaury Smets, éleveur au Quesnoy-sur-Deûle. Ce n'est pas une assurance revenu, mais un moyen de faire des choix techniques judicieux au fil de la saison. C'est un challenge très motivant qui devrait être le point de départ de toute nouvelle campagne. »

La première étape de ce travail entrepris avec Emmanuel Delmotte, conseiller économique ACE, consistait à définir le besoin d'EBE : 90 000 €, soit 50 000 € d'annuités, 25 000 € de prélèvements et un budget 9 000 € de service de remplacement pour dégager un peu de temps libre.

« BONIFIER LE PRODUIT EN PRIVILÉGIANT LE LAIT D'ÉTÉ »

Dans un deuxième temps, il s'agit de calculer le niveau de marge brute à atteindre pour y parvenir : objectif de marge brute de l'atelier lait = besoin en EBE + charges de structure - aides Pac - marges brutes des autres ateliers. Chez Amaury, l'objectif 2015-2016 était de 124 500 €, soit une marge de 207 €/1 000 litres.

Pour atteindre cette marge, il faut d'abord définir une stratégie volume et s'assurer qu'elle n'est pas trop ambitieuse, c'est-à-dire que l'exploitation a le potentiel pour livrer le lait attendu. « Car il ne s'agit pas de faire des volumes en saturant le bâtiment, avec des vaches vides ou des "fonds de pis" qui vont plomber l'efficacité alimentaire, souligne Emmanuel Delmotte. En revanche, si le potentiel est supérieur, on pourra envisager de vendre des animaux, ou accepter une baisse de production via la réduction des concentrés. »

La structure de l'exploitation d'Amaury Smets dispose de 80 logettes pour 70 laitières, avec 65 vêlages programmés et une production individuelle de 9 460 litres/VL. Elle a donc le potentiel pour livrer les 580 000 litres du contrat Danone et 18 000 litres à l'atelier transformation, géré par son épouse Marie-Odile (65 x 9 460 litres). Le produit prévisionnel est estimé à 198 000 €, avec un prix du lait à 330 €, plus un produit viande de 24 000 € (30 veaux mâles et 19 réformes). Sur le volet des produits, Amaury a tout mis en oeuvre pour faire du lait d'été, en programmant 75 % des vêlages de mai à octobre. « J'ai ainsi livré 90 % de volume A. Mais je me suis avant tout concentré sur les charges opérationnelles, le principal levier sur lequel je peux agir. » L'éleveur et le conseiller ont pris le temps de budgétiser l'ensemble des charges (voir infographie).

« CONTRÔLER TOUS LES MOIS QUE LE VOLUME EST FAIT, EN RESPECTANT LES DÉPENSES »

« L'idée est de chiffrer les pratiques de l'éleveur, puis de voir ce que l'on peut remettre en cause si l'objectif de marge n'est pas atteint. Tous les mois, on contrôle que le volume est fait tout en respectant les dépenses, explique le conseiller. En règle générale, il faut viser une marge brute d'au moins 200 €/1 000 litres, sachant que les charges de structures s'élèvent en moyenne à 180. » Pour tenir les coûts, ils ont fixé l'objectif d'une consommation de concentrés de 160 g/litre.

La ration hivernale 2015-2016 se compose de 14 kg de matière sèche de maïs, 2,5 kg de tourteau de soja 50, 1,5 kg de drèches de brasserie et 2,5 kg d'ensilage de RGI. Le concentré de production a été limité à 3 kg au-dessus de 32 litres de lait et distribué pendant quatre mois maximum. Parallèlement, Amaury a négocié ses tarifs d'approvisionnement : « Le budget offre une base de négociation. Sur cette base (85 tonnes de concentrés de production), je m'engage sur un volume d'achats annuel et en contrepartie, je sollicite un effort sur le prix à mon fournisseur. Certains jouent le jeu. Sinon, j'élargis la négociation à d'autres fournisseurs. »

« INTÉGRER UN GROUPEMENT D'ACHATS POUR S'APPROVISIONNER EN SOJA »

Fini aussi les achats au coup par coup : Amaury a contractualisé cet hiver l'achat de 50 t de soja sur le marché à terme, en se rapprochant d'un voisin pour réaliser des commandes groupées par camions de 25 t. Il a aussi fait l'impasse sur le bicarbonate, réduit fortement ses achats de paille alimentaire destinée aux génisses (de 40 à 5 tonnes) qu'il a pu compenser par une seconde coupe d'ensilage d'herbe. Ou encore opéré temporairement une descente en gamme des produits d'hygiène, en contrepartie d'une attention accrue sur la propreté des logettes et de la stabulation. Au final, et malgré un dérapage sur le prix d'achat des engrais, ces efforts ont permis d'être en dessous du budget prévu, avec une production de 602 000 litres de lait.

« JE DOIS INVESTIR DANS LA PRÉPARATION DES VACHES TARIES »

Mais la marge n'est pas atteinte (202 €/1 000 litres). En cause : la perte d'un point de TP et surtout un manque d'effectif dû à une mortalité de 15 %, dont six vaches. « Le manque d'effectif a non seulement pénalisé le produit viande, mais il n'a pas permis d'aller aussi loin que souhaité dans une voie économe en concentrés, dont la consommation s'élève à 180 g/l », analyse Emmanuel Delmotte. Avec seulement 65 vêlages, une partie de la référence a été réalisée avec des animaux à un stade de lactation élevé et du concentré. Ce constat pointe une première piste de progrès : la conduite du tarissement pour améliorer la situation vis-à-vis des pathologies du post-partum. Cet hiver, l'éleveur a donc mis en place une gestion des vaches taries en deux lots, avec une phase de préparation au vêlage : trois semaines avant la mise bas, leur ration est composée de 25 kg de maïs, 1 kg de soja et 250 g de propylène. « L'intérêt de la préparation au vêlage est aussi de maximiser l'ingestion après la mise bas pour miser sur la voie fourrage et réduire les apports de concentrés de production », rappelle le conseiller. C'est à cette fin qu'Amaury a réalisé une première coupe d'herbe très précoce cette année (le 20 avril).

Grâce au suivi reproduction contractualisé depuis trois ans et aux semences sexées, 75 vêlages sont programmés en 2016-2017. « Cette flexibilité va me permettre de basculer dans une logique plus économe, en écrêtant le pic de production. Car le challenge 2017 est toujours d'atteindre 125 000 €, mais avec un prix du lait à 315 €. »

« MON OBJECTIF 2017 : 8 500 LITRES/VACHE ET 120 G DE CONCENTRÉS »

Pour la campagne 2016-2017, l'éleveur vise donc une production de 8 500 litres par vache, avec 120 g de concentrés et un minimum de 28 litres de lait par vache et par jour. « Si la qualité des fourrages après analyse n'est pas au rendez-vous, il faudra rebâtir le scénario à la rentrée », explique-t-il.

Mais d'ores et déjà, Amaury Smets évoque d'autres pistes de réduction de charges : remplacer le concentré de production par un sous-produit de biscuiterie « à valider techniquement avec le nutritionniste », rester attentif au rapport de prix soja/colza, supprimer le lait en poudre pour les veaux et revenir au lait yogourté.

« Je suis déçu de ne pas avoir réalisé mon objectif l'année dernière, mais je ne suis pas abattu. Cela a permis d'atténuer la baisse de recettes laitières et d'avancer concrètement sur le chemin d'une meilleure maîtrise des charges. »

Grâce aux 80 logettes disponibles pour les laitières dans son bâtiment, Amaury Smets a choisi une légère augmentation des effectifs en vue d'une conduite plus économe en concentré.

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