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L'hiver sera rude

Un hiver rude qui risque de durer, c'est celui de nos comptes en banque.

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La Maria, c'est ma voisine. L'autre jour, elle m'annonce : « Mon p'tit gars, c't'année, l'hiver s'ra rude. Les oignons ont plusieurs plisses, les guêpes et frelons se sont ramassés de bonne heure, les chênes ont donné plein de glands. » Pendant ce temps, nos climatologues prédisent un réchauffement. Alors qui croire ? La Maria serait-elle climatosceptique ? En attendant, un dicton, qui ne se dément pas : « Neige en novembre, Noël en décembre ». Ça au moins, ça rassure.

Un hiver qui sera rude et risque de se prolonger, c'est l'hiver de nos comptes en banque. Il n'y aura sans doute pas de printemps car la tendance des marchés au premier semestre 2016 est tout, sauf optimiste. À 270 € au premier trimestre et 280 € au second, le compte n'y sera pas, surtout que le tunnel allemand va nous plomber. En cette fin d'année, les laiteries maintiennent artificiellement le prix au-dessus du seuil psychologique de 300 € à coups « d'à-valoir » ici, de prime à la sous-réalisation par là. Mais quand il faudra acheter les intrants pour les cultures, les trésoreries vont s'effondrer.

Des climatosceptiques, on en trouve. Des sceptiques tout court, il y en a au moins un, Phil Hogan, le commissaire européen à l'agriculture qui explique : « Je ne crois pas que les agriculteurs produisent pour un prix inférieur à leurs coûts de production. Ils le disent, mais jusqu'ici, ils continuent à produire. Or, dans n'importe quelle entreprise, si vous avez un coût supérieur à votre prix de vente sur une longue période, cela crée des difficultés pour le business. » Sceptique, cynique et... irlandais. Trois raisons pour tacler cet ultralibéral. L'homme sait parfaitement que les Allemands, adossés à des méthaniseurs, peuvent attendre des jours meilleurs. Que les Irlandais, avec des coûts de production bas, ont engrangé un trésor de guerre en 2014 qui assure leurs arrières. Que les Hollandais ont cette capacité à serrer les dents et à s'adapter. Ces trois pays attendent que les plus faibles jettent l'éponge pour repartir de plus belle lorsque l'embellie poindra. Phil Hogan est d'autant plus immoral qu'il sait pertinemment que l'agriculture familiale, partout dans le monde, a cette capacité à produire en dessous de ses coûts de production en acceptant de ne pas percevoir de salaire et d'engager ses fonds propres jusqu'à l'extrême limite de ses forces financières, physiques et psychiques. Pendant ce temps, l'agriculture de type industriel se doit d'être rentable, sous peine de déposer rapidement le bilan.

Des cyniques ou des réalistes ? « Les Européens disent que les Chinois viennent en Europe pour la qualité et la sécurité. Ce sont des paroles ! Je viens en Europe pour le prix, pour gagner de l'argent. Le lait français est plus cher qu'en Allemagne mais j'espère qu'à court terme, le prix va s'harmoniser en Europe », a déclaré le PDG de Synutra, groupe chinois qui a investi dans la tour de séchage de Carhaix en Bretagne, alimentée par 300 millions de litres de lait Sodiaal. Autrement dit, vu de Chine, le producteur français sera la variable d'ajustement. Bongrain annonce qu'avec 50 % de son chiffre d'affaires à l'export, il est confronté aux prix mondiaux et il est donc normal d'aligner le prix d'achat du lait. C'est faire peu de cas de la valorisation spécifique française sous forme de fromages de qualité comparés au gouda et à l'emmental qui servent de référence pour calculer notre prix du lait.

Dans un précédent « Rebrousse-poil », je vous expliquais pourquoi Poutine n'était pas prêt à lever l'embargo. On nous annonce aujourd'hui que ce même embargo serait maintenu jusqu'en 2020. Quand je vous dis que l'hiver (russe) risque d'être long !

PASCAL POMMEREUL

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