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Investir mais autrement

Gare aux raisonnements à court terme pour lisser son revenu.

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Après la période des vaches maigres, voici revenue celle des veaux gras et des prix plus rémunérateurs. Pour combien de temps, alors que la crise est autour de nous ? Croisons les doigts pour que ça dure.

Cette année, à la remise des résultats comptables, beaucoup se poseront la question : « Comment faire pour diminuer les bénéfices » ? Pas qu'il soit déshonorant de payer ses impôts et cotiser aux caisses de maladie et retraite. Au contraire, cela relève d'une morale civique. Seulement, à longueur de JT et de reportages racoleurs, on apprend que les ultra-riches payent moins de 20 % d'impôts et s'efforcent d'échapper aux divers prélèvements. Alors on se dit qu'on serait bien bête de ne pas essayer d'en faire autant. Si notre patriotisme pourrait encore nous encourager à payer un peu plus pour désendetter la France, il n'est pas question d'en verser plus à la MSA vu les maigres perspectives des retraites. Il faut dire aussi que le barème n'est pas encourageant puisque pour la tranche de 7 000 à 14 000 euros de bénéfices, notre cotisation va du simple au double mais ne rapporte que 30 points de retraite. À croire qu'ils l'ont fait exprès !

C'est le moment où notre conseiller préféré nous sort la liste de l'arsenal fiscal pour payer moins. Ici, pas de défiscalisation dans les oeuvres d'art. Encore moins d'investissements douteux dans les DOM-TOM. Pas de compte offshore. Il faut faire une DFI (déduction fiscale pour investissement). Et quand elle est pleine, au bout de cinq ans, on achète un gros tracteur. Mais quand les marchés se retournent, ce que l'on n'a pas payé à la MSA, on le verse au constructeur. Pourquoi ne pas plutôt prendre le vacher pour aller en formation, apprendre à mieux anticiper et gérer son revenu. Ces formations financées par Vivea bénéficient d'un crédit d'impôts dont il faut profiter tant qu'il existe.

Privilégier les investissements susceptibles de générer des économies est aussi une façon de prévoir l'avenir. Les panneaux solaires ne sont plus si rentables. Alors, pourquoi ne pas acheter son tank à lait et y adjoindre un récupérateur de calories pour préchauffer l'eau du chauffe-eau, et économiser de l'électricité ? Entre la prime de la laiterie pour le tank, les subventions pour l'échangeur à plaques et les économies de kilowatts/heure, ce n'est pas un investissement qui coûte cher. Embaucher un vacher et profiter de son temps libre pour retaper la vieille grange et en faire un gîte est un autre moyen de créer des charges sur l'exploitation, tout en se ménageant de futures rentrées sur le privé. Il y a aussi la mode des cabinets de gestion qui vous prouvent par A + B qu'en créant une société et raccourcissant l'exercice, on va modifier l'assiette triennale qui…

Mais là, on se demande si ce n'est pas le cabinet qui va faire la meilleure affaire.

C'est que l'agriculture est gourmande en capitaux, demande un gros volant de trésorerie et que la fiscalité n'incite pas à épargner. Le compte DPA (déduction pour aléas) fut créé pour cela. Tous les ans, il était possible de mettre un certain pourcentage de son revenu sur un compte bloqué et ainsi réduire l'assiette des prélèvements. On pouvait piocher dans la tirelire en cas de baisse de revenu exceptionnel. C'était trop simple. C'est pourquoi un clampin du ministère a eu l'idée de l'accoler systématiquement à l'assurance récolte. Résultat, la DPA qui n'avait pas trop de succès avant est devenue une usine à gaz sous-employée. Tout cela relève de l'optimisation alors que dans la plupart des cas, la remontée des cours apporte juste une bouffée d'oxygène à des exploitations mal en point. « Mettre de l'argent de côté pour en avoir devant soi et paradoxalement assurer ses arrières » est une citation de Pierre Dac, et pas de ma grand-mère, pour une fois.

PASCAL POMMEREUL

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