Quand on voit ce qu’on voit…
Plus ça change, plus c’est la même chose. Quel que soit le sens pris pour changer.
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Dans le dernier numéro, je me suis fendu d’un papier sur la disparition des élevages laitiers. J’avais lu dans la presse que la Manche avait perdu 45 000 VL en un an et la Bretagne 65 000. J’ai bêtement recopié ces chiffres. Lecteur perspicace, Germain m’a fait remarquer que la Manche ne pouvait pas avoir perdu 45 000 têtes… vu que le cheptel total s’élève à 258 000. Et que je ferais bien de vérifier mes sources, à l’avenir. À relire l’article, repris par plusieurs journaux, il prête effectivement à confusion. Axé sur le lait, on y parle de vaches (qui ne seraient pas toutes laitières ?) puis, plus loin, « On va perdre… ». En fait, ces chiffres sont plutôt à étaler sur dix ans. Bref, à l’époque d’internet et de l’info ultrarapide, il faut, même avec la presse papier, prendre le temps de la vérification. Mea culpa et autoflagellation.
Ce même lecteur ajoute que, dans mes chroniques, j’ai une vision assez noire du paysage laitier. D’ordinaire, pourtant, je suis plutôt d’humeur positive, joviale, guillerette, espiègle, badine, voire folâtre certains matins de printemps. Mais avec l’âge… et la conjoncture, l’enthousiasme du début de carrière s’est un peu émoussé. J’ai pas mal milité pour faire connaître les groupes de développement, ferraillé au moment de la grève du lait, défendu les OP verticales et l’écriture des premiers contrats. Quand je vois des propositions faites il y a dix ou quinze ans régulièrement remises sur le tapis puis repoussées aux calendes grecques, il y a quand même matière à devenir un peu ronchon. Force est de constater qu’en quarante ans, nous n’avons toujours pas renversé le rapport de force avec l’industrie laitière et les GMS. Mais promis, je vais me soigner. Pour la prochaine chronique, je mettrai un gros nez rouge de clown.
Tiens, au chapitre des thèmes qui me hérissent le poil, l’affirmation suivante : « Les éleveurs de viande n’ont pas su prendre le virage de la qualité et sont restés avec la charolaise et la limousine, qui ne répondent plus à la demande du consommateur. » Encore une fois, on culpabilise l’éleveur. Rappelle-toi, dans les années 2000, les nutritionnistes vilipendaient les matières grasses animales. Haro sur la viande grasse et le beurre. Nous avons donc orienté la sélection bovine sur des lignées maigres ou aux TB négatifs. De plus, le prix de la carcasse n’évoluant pas, les abatteurs nous ont incités à alourdir les animaux. Étant donné qu’en génétique, il faut environ quinze ans pour obtenir le plein effet d’un choix stratégique, nous subissons aujourd’hui le renversement de mode. On redécouvre l’intérêt nutritionnel et gustatif du gras et du persillé, et il faut des bêtes plus légères. Nos gros charolais, avec leurs carcasses de 500 kg, ne sont plus à la mode. Il n’y en a que pour l’angus, l’hereford, le wagyu et autres races exotiques. Reste que si on nous avait demandé des carcasses légères et de la viande goûteuse et persillée, nous aurions répondu à la demande. Alors, la faute à qui ? En élevage, nous sommes dans le temps long, et la mode est par définition dans le temps court.
Allez, restons positifs (pas au Covid-19 !) : « Noël Omicron, réveillon à la maison et Pâques aux tisons. »
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