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Crépuscule

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Il y a quinze ans, je martelais que la région de Fougères était le premier arrondissement laitier de France en matière de concentration de vaches laitières, et que nous produirions toujours du lait. Les conditions pédoclimatiques, les infrastructures, et cette culture du lait ancrée semblaient inaltérables. Nous entendions les rumeurs de la déprise laitière monter par le sud, l’est et le nord de la France mais, tel le village d’Astérix, nous nous sentions invincibles. Eh bien, le chancre de cette déprise nous touche. En un an, - 65 000 VL en Bretagne, - 45 000 VL à l’abattoir dans la Manche. 40 % des producteurs vont atteindre la retraite dans les sept ans et une exploitation sur trois sera potentiellement reprise. Dans ma commune, il ne restera plus que 4 producteurs, quand nous étions 25 ; sur 4 km entre deux clochers, on comptait 450 VL, aujourd’hui 60 VL, au robot. Les clôtures ont disparu en bord de route, signe d’une végétalisation à base de maïs, blé, colza. Une vache laitière ou allaitante en moins, ce sont 90 mètres de haie qui disparaissent.

Et il n’y a pas que les prétendants à la retraite qui jettent l’éponge. Maintenant, l’éleveur arrête à tout âge par écœurement et manque de rentabilité. Même de gros Gaec profitent du départ d’un associé pour virer les vaches. Les cours élevés des céréales cette année vont inciter les frileux à passer à l’acte. « Travailler plus », on sait faire, mais « gagner plus » ne dépend pas de nous. La preuve que le revenu disponible conditionne la production est illustrée par une étude montrant que dans les zones à comté (où le lait est payé plus de 500 € en conventionnel, avec de petits volumes par UTH), 85 % des fermes trouvent un repreneur, contre 30 % en lait industriel.

Nous ne serions pas assez efficients ? Entre 2000 et 2019, la ferme laitière moyenne (en plaine) a doublé son volume (de 248 000 l à 500 000 l) ; la quantité produite par UMO est passée de 156 000 l à 282 000 l ; le revenu par 1 000 l, lui, de 119 € à 71 € ! Si bien qu’en 2000, tu gagnais 18 564 €, et dix-neuf ans plus tard, 20 448 € : moins de 100 € d’augmentation par an, pour un effort colossal en travail et investissement. Nous produirions trop ? Mais la France a gardé le même volume qu’en 1980. Oui, tu as bien lu : le même qu’il y a quarante et un ans. Nous consommerions trop d’eau ? Seul un quart de la sole en culture est irrigué, et beaucoup moins en lait. Avec le réchauffement climatique, les écolos interdisent la création de réserves pour collecter l’eau de pluie alors que nous sommes les champions du monde du nombre de piscines privées. Nous serions des apprentis sorciers manipulant des produits dangereux et des OGM ? La grande majorité des Français, dont moi, va se faire injecter une troisième dose de vaccin à ARN messager.

Nous ne serions pas organisés ? Cela fait dix ans que je répète que les OP doivent être indépendantes et interentreprises, coops incluses. Les contrats de Bruno Le Maire ne nous ont rien apporté, Égalim 1 non plus et le plus grand flou entache Égalim 2. Nos laiteries ne veulent rien entendre. Nous sommes encore exportateurs nets de produits laitiers, mais jusqu’à quand ? Nos concurrents se frottent déjà les mains. Bonne année quand même.

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