Login

Le vent tourne

Quand le vent tourne, les girouettes suivent. Gare au retour de bâton.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

De plus en plus de prévisionnistes, des experts paraît-il, nous annoncent des tensions sur le prix des matières premières à long terme. Il est vrai que la population mondiale est en expansion. Nous étions 250 millions en l'an 0, 1 milliard en 1870, 3 milliards en 1960, 6,5 milliards aujourd'hui et 9 milliards en 2050. Ce n'est plus une question de génération. En l'espace d'une vie, la population aura été multipliée par trois.

Quand le niveau de vie s'élève, les besoins alimentaires évoluent aussi. Il va donc falloir augmenter la production de 50 % d'ici à 2050. Le pétrole, donc la mécanisation, et les engrais vont flamber. Pas étonnant que des pays comme la Chine achètent des terres en Afrique. Les investisseurs ne s'y trompent pas. Le P-DG d'Agrogénération, qui exploitait 20 000 ha en Ukraine, vient de lever 14 M€ pour en louer 25 000 ha supplémentaires. Il espère, à terme, cultiver 100 000 ha. Il faut dire que les salaires ukrainiens sont quatre à six fois moins élevés qu'en France et le prix des appros trois à quatre fois moindre. Un autre financier veut construire une étable de 8 000 VL au sud de Londres. Et pendant ce temps, que fait-on pour maintenir l'agriculture à taille humaine pourtant porteuse d'emplois et d'occupation du territoire ? Pas grand-chose.

La hausse du prix des matières premières serait donc certaine. L'indice Rici dont la tendance est orientée par les cours du blé, du coton, du riz en passant par le caoutchouc, le sucre, le pétrole et le cuivre, parie même dessus à moyen terme. On peut aussi acheter un fonds anglais spécialisé dans les sociétés agricoles, qui a pris 24 % dans les six derniers mois. À moins que vous ne préfériez miser sur des actions « First Factor » de ce fabricant de machines agricoles chinoises coté en bourse. Les produits laitiers suivent le même chemin puisqu'« on envisage de fortes tensions sur la matière grasse dans un proche avenir. La demande asiatique est relancée. L'Europe est quasiment le seul fournisseur. La question est de savoir jusqu'à quel niveau les cours pourraient grimper. » Tout cela n'est pas le fruit de mon imagination, mais lu dans la presse agricole et financière.

Mais où sont donc les montagnes de beurre et de poudre dont on nous rebattait les oreilles il y a six mois ? Si les prix remontent (ce que je souhaite) trop vite, les vieux démons vont ressurgir : course aux volumes, investissements inconsidérés. Oubliées les velléités d'organiser les producteurs et le marché, retour au chacun pour soi. Certains des producteurs qui réclamaient de la régulation et le soutien des prix ne jureront plus que par les volumes et les cours du marché. De leur côté, les politiques risquent d'oublier leurs promesses, trop contents de ne pas soutenir financièrement l'agriculture et de faire des économies. Et les transformateurs de nous endormir avec des prix en hausse, quand les grandes et moyennes surfaces feront le forcing pour acheter le moins cher possible, tout en répercutant la hausse aux consommateurs. Tout cela jusqu'à ce que la prochaine crise nous ramène au point de départ. On vient de le vivre avec le « plus jamais cela » de la crise financière des subprimes en 2006 et le soubresaut grec de 2010. L'agriculture est attendue pour relever le défi du « produire plus et mieux ». Mais ne nous laissons pas griser par l'euphorie sous peine de voir encore une fois le fruit de notre labeur volé par les spéculateurs. Continuons le travail de fond pour organiser la production et la défense de nos produits.

Ma grand-mère vous adresse ce proverbe : « En marine à voile, il n'y a pas de bon vent pour celui qui ne sait pas où aller. »

PASCAL POMMEREUL

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement