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À bas le ROI !

Ou comment le return on investment signifie « gueux » en langage agricole.

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Non, la proximité de l’échéance présidentielle n’exacerbe pas chez moi un sentiment antiroyaliste ou révolutionnaire. Je hais les Anglais et leur reine et d’une manière générale, tout ce qui porte une couronne depuis la galette des rois jusqu’aux reines de beauté. Question révolution, il y aurait beaucoup à dire. Entre les industriels et les centrales d’achat, le manant, le serf, le vilain, le paysan a l’impression d’un retour au temps des « saigneurs ».

ROI ou return on investment (retour sur investissement pour ceux qui, comme moi, rêvaient pendant les cours d’anglais) est le nouveau cri de ralliement des entrepreneurs. Je vous rappelle que nos industriels amortissent en maximum cinq ans et qu’ensuite, ils continuent de comptabiliser la valeur à neuf dans le coût final de leurs produits. Nos grandes chaînes de magasins amortissent sur de très courtes durées et se font financer certains investissements par les fournisseurs. C’est comme cela qu’une grande enseigne de Rennes a exigé, sous peine de déréférencement, un pourcentage sur le chiffre d’affaires de ses fournisseurs pour payer la réfection et la couverture de son parking.

Pendant ce temps en agriculture, nous empruntons sur quinze ans et certains JA réclament des prêts sur vingt-cinq ans ou des prêts de carrière. Au Danemark, pays de la concentration laitière, par rapport à une ferme moyenne bretonne, la taille est triple, les besoins en capitaux sont multipliés par douze et l’endettement par vingt. Les sommes empruntées sont colossales, mais le capital est remboursé en fin de carrière. Il y a juste un petit bémol : les frais financiers par 1 000 litres s’élèvent à 100 €. Et c’est ce modèle qu’on nous vante !

Alors, entre des acteurs de la filière d’amont et d’aval qui rentabilisent sur cinq ans et des producteurs qui n’y arrivent plus sur quinze ans, point n’est besoin de comptable pour comprendre que l’on se fait berner. Non seulement nos entreprises ne sont pas rentables, mais elles perdent de la valeur tous les jours. Ici, c’est la banque « agricole » qui refuse de financer le jeune car les parents ne sont pas « solides ». Là, les banques demandent aux parents de faire un prêt sans intérêts, remboursable plus tard, condition sine qua non pour accepter le financement de l’installation. Dernièrement, on a vu un dossier où les parents font une donation conséquente à leurs deux fils pour permettre leurs installations que la banque refusait de financer.

Lors d’installation derrière un tiers, la banque impose au dernier moment une renégociation à la baisse ou ne finance que 70 % de la reprise. Le cédant acculé doit accepter de prêter les 25 % restants avec tous les risques car la banque, elle, s’est bien couverte. Le manque de rentabilité de notre activité ne pourra pas être compensé éternellement. Soit nos outils sont trop chers, soit la rentabilité n’est pas au rendez-vous.

ROI en agriculture ? Non, plutôt gueux !

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